Mon nouveau livre dans tous les kiosques de France avec Le Figaro

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Bernadette Soubirous est arrivée dans la ville de Nevers il y a 150 ans, en 1866, pour vivre sa vocation d’infirmière. Dans la Nièvre, elle a mis en pratique le message marial reçu à Massabielle. Pour marquer cet anniversaire, mon prochain livre consacré à sainte Bernadette sortira bientôt aux éditions Plon-Presses de la Renaissance, dans une coédition avec Le Figaro, premier quotidien de France. Cet ouvrage sera disponible dans tous les kiosques à journaux dès le 12 janvier, puis en librairie à partir du 6 juillet. En attendant, prenons le temps d’approfondir l’héritage de la petite messagère de Lourdes et de Nevers à travers cette conversation avec Mgr Dominique You, évêque selon le coeur de Dieu, en mission au Brésil (1), ami de longue date qui a bien voulu répondre à nos questions.

– Mgr Dominique You, à la lumière de votre expérience pastorale au Brésil, que pouvez-vous dire de l’héritage de sainte Bernadette s’agissant d’abord de l’amour de l’Eglise et de la fidélité au Pape dans la prière et la communion des saints? 

– Bernadette est la dépositaire de ce qui lui a été confié, au nom de l’Eglise, malgré toutes les difficultés qu’elle ressent dans son contact quotidien avec l’Eglise. Jamais il ne lui vient de séparer ce qu’elle a reçu de cette source d’où lui sont venus le Notre Père, la prière mariale, le Gloire au Père, au Fils et au Saint Esprit, bref, le chapelet dont elle confesse qu’« elle ne savait que lui ! ». Bernadette est fille de l’Eglise. La docilité que Bernadette manifestera à l’Eglise toute sa vie durant peut paraître surprenante en une fille qui a tellement grandi en marge de l’Eglise. La raison en est que la  Dame douce et lumineuse de la grotte n’a jamais mis de distance entre l’Eglise et Elle-même, bien au contraire. La Dame s’est toujours identifiée fidèlement à la Vierge que Bernadette avait rencontrée dans l’Eglise depuis sa petite enfance. La demoiselle de Massabielle montre qu’elle n’est qu’une avec la Vierge « du Credo, du Notre Père, de la prière mariale, et du Gloire au Père,au Fils et au Saint Esprit », du chapelet que Bernadette connait par sa famille, qu’elle rencontre dans l’église paroissiale et les pages sévères du catéchisme de Marie Lagües. C’est à la même Eglise, à travers ses prêtres de Lourdes, que la Dame envoya Bernadette lorsqu’elle lui demanda: “Vous irez dire aux prêtres de faire bâtir une chapelle !”. C’est de l’Eglise que, pendant les semaines d’apparitions et les suivantes, Bernadette attend impatiemment puis reçoit le Corps sacré de Celui qui se livre dans la communion. C’est le nom proclamé par Pie IX, ce pape tant méprisé par les médias de l’époque, que la Vierge céleste prononce pour se révéler. Aux yeux de Bernadette, quelle que soit la faiblesse de ses membres et même de ses ministres, l’Eglise est la « partenaire » visible de l’« autre Monde ». Les pages de son catéchisme sont parfois vieillies et jaunies, les coeurs de ses pasteurs difficiles d’accès, le Pape méprisé par ses contemporains, il n’en n’est pas moins vrai que c’est Elle qui ouvre le chemin vers l’« autre Monde » et vers le bonheur promis.

– L’héritage de sainte Bernadette, au-delà de cet aspect essentiel qu’est la prière de l’Eglise – “armure invincible” – c’est aussi le service des personnes malades. Elle a été religieuse infirmière au couvent de Nevers. Pensez-vous que la Journée mondiale du malade, instaurée le 11 février par saint Jean-Paul II, soit une expression de cet héritage qui se manifeste depuis 150 ans dans le service rendu par les “hospitaliers”? Cet héritage n’a-t-il pas aussi une dimension politique, par rapport à la dignité humaine de sa conception à sa mort naturelle, cette dignité que bafouent certaines lois?

 – Elle s’est fiancée avec la passion de Dieu et de Marie pour les pécheurs et pour les malades auxquels il faut révéler l’Amour. Bernadette a vu sur le visage de Marie l’infinie tristesse qui transparaissait chaque fois que cette Mère prononçait le nom de ses enfants : les Pécheurs. Avec le jaillissement de la Source qui apporte les guérisons physiques, au-delà des spirituelles, elle a compris que le malade « complète dans sa chair ce qui manque à la passion de Jésus », comme dit saint Paul…. A la Grotte, dans le Coeur de Marie, deux blessures se sont rencontrées : la blessure du Coeur divin qui aime sans être aimé et celle des hommes qui meurent de ne pas se sentir aimés. La miséricorde de Marie pour son Fils unique Jésus et pour tous ses fils de la terre a saisi le coeur de Bernadette. Elle veut épouser de façon toute spéciale  « Dame Miséricorde »: non pas un attribut de Dieu, une de ses qualités, mais Dieu Lui-même, son être devant ses fils qui s’égarent ou qui souffrent dans leur corps. Car devant eux, Dieu ne s’éloigne pas, Il compatit, Il s’approche. Dans leurs blessures, Il répand son huile et son vin, Il leur donne la meilleure place et s’engage pour toujours à ne rien refuser de ce qui sera encore nécessaire pour leur plein rétablissement (Luc 10,29-37)! Il serait impensable de ne pas nous demander si la présence de ces frères au milieu de nous ne représente pas pour nous un immense d”fi, comme un test pour notre humanité : de quelle miséricorde sommes-nous capables en face d’eux ? Quelle est, en fin de compte, la richesse spirituelle réelle de notre humanité en face d’eux ?

– Bernadette avait à peine 14 ans quand la Mère de Dieu lui a confié son message, se montrant aussi jeune et aussi petite qu’elle, qui mesurait un mètre quarante… L’héritage de Bernadette n’est-ce pas également dans l’Eglise l’accueil de millions de jeunes – comme aux JMJ – qui entendent l’appel de Dieu à servir les autres, vivant ensuite dans cet esprit tout au long de leur existence au coeur de la société? 

– La même épée qui a blessé le Coeur de Marie par compassion transperce désormais celui de Bernadette. Bernadette n’est encore qu’au seuil de l’adolescence quand elle reçoit les visites de Notre-Dame. Mais sa jeunesse entière et tout le reste de sa vie vont être marqués par cette expérience inouïe ! Tous les jours, les « pécheurs » sont à la porte du cachot ou de l’hospice, comme des assoiffés au bord d’une source, réclamant la jeune fille. Elle est « Bernadette au coeur blessé ». « Prier pour les pécheurs », un peu comme elle l’avait fait pour retrouver Blancou, la petite brebis égarée du troupeau de Bartrès, c’est l’appel que Bernadette va découvrir au jour le jour : celui de coopérer à l’oeuvre de Dieu. C’est devenu son unique préoccupation. Dans sa disponibilité à l’intercession et au sacrifice « pour les autres », elle ressemble à la Petite Thérèse Martin, au même âge. « Durant neuf jours, promet Bernadette à une personne qui lui demande l’aide de sa prière et celle de Soeurs de l’hospice, nous unirons nos prières aux vôtres, pour obtenir par l’intercession de Notre-Dame de Lourdes, la conversion de la personne pour laquelle vous priez. Je le ferai cela moi-même, et ensuite, je continuerai, après la neuvaine, à importuner cette “Bonne Mère du Ciel”, jusqu’à ce qu’elle nous ait exaucées. » Bernadette est appelée à livrer tout son être à cette oeuvre, et ceci lui ouvre un horizon tout-à-fait inattendu que Thérèse de l’Enfant Jésus formulera plus tard en disant : « Dieu veut sauver les pécheurs par les pécheurs. » Elle est très consciente de son indignité, mais elle « a promis » et ne reviendra pas en arrière. Elle consent, d’avance, à ce que Dieu lui demandera à toute heure. On voudrait déclarer Bernadette patronne des adolescents et des jeunes dont la Foi a dilaté le coeur, au-delà de tant de propositions illusoires de bonheur égoïstes.

– Enfin, l’héritage de Bernadette, c’est le monde entier qui “court” à la Grotte. Ce peuple en marche, au coude à coude, prêtres et laïcs en procession, en dehors du cercle paroissial, n’est-il pas l’image de l’Eglise telle que le Concile Vatican II la décrit dans la constitution Lumen Gentium? Ne peut-on pas dire que Bernadette, jeune femme laïque, nous laisse à Lourdes le prototype d’une Eglise Famille, où s’éprouve et grandit le bonheur d’aimer, révélant au monde la réalité du “Corps du Christ” dont chaque baptisé est membre?

Communion sous la Croix, Bonheur et sainteté en espérance ! Bernadette a fait une expérience qui ressemble beaucoup à de nombreuses conversions radicales, telles qu’on en rencontre aujourd’hui en tant de fils et filles de notre monde post-moderne… Le mystère de l’Amour de Dieu confie sa grâce et sa Croix à nos pauvres épaules. Bernadette l’a vécue en sa chair. Et ouvrant les yeux, elle comprend que tant d’autres sont appelés à cette découverte : la vie est une histoire d’amour que le Seigneur conduit en faveur des autres ! Personne n’est laissé de côté. Au fil des années, des dizaines de lettres de Bernadette vont rejoindre chacun et chacune en son devoir d’état : des adolescents, des jeunes, des pères et mères de famille, des religieux et religieuses, des prêtres et jusqu’au Pape ! Cette union invisible en un seul Corps et sous un seul joug, en faveur des pécheurs appelés à rencontrer Dieu et à s’y livrer eux aussi, voilà décidément toute la vision de Bernadette. Le sacerdoce, la vie religieuse, les familles s’y associent intimement. C’est dans cette lumière que se construit réellement  la « Chapelle » demandée par Notre-Dame, et vers elle que les « processions » se mettent en chemin. Bernadette est le témoin privilégié de cette reconstruction de la famille de Dieu autour de la Mère qui invite ses enfants, et du Mystère divin que Notre-Dame leur dévoile.

Bernadette ne se fait aucune illusion. Encore sous la Croix, l’Eglise ainsi réunie n’est pas exempte de rides ni de rugosités. Elle les a expérimentées et en a souffert plus que quiconque. Comme le visage de Marie n’est pas non plus exempt de signes de tristesse. Ces deux réalités rencontrées par Bernadette ne sont pas sans lien. A cause des rides de l’Eglise, le sourire de Marie sera empreint de tristesse jusqu’à la fin du monde. L’Eglise, n’en est pas moins sainte pour autant. Elle l’est, non par elle-même, mais de la sainteté de Dieu qui l’a choisie, et vers qui elle s’avance. Elle s’y ouvre de plus en plus, comme des pèlerins qui, à chaque pas de la « procession », s’éloignent de leurs anciennes coutumes. Ils s’ouvrent à la grâce jusqu’à être lavés et devenir « la Chapelle ». Bernadette aurait aimé cette leçon de saint Thomas d’Aquin qui peut résumer la Constitution Conciliaire Lumen Gentium : « La véritable Eglise, notre Mère, est au ciel. Nous croissons vers elle et toute la réalité de l’Eglise militante, terrestre, réside précisément dans sa conformité à l’Eglise céleste. » Le Mystère de la Rédemption a pris possession d’elle, pour ramener au Père les coeurs de ses enfants. Elle ne sait absolument pas tout ce que cela va signifier pour elle, mais elle s’appuie sur la prière des autres pour « correspondre » à une telle faveur. Comme les Pauvres, elle ne fait pas de plan, elle demeure accueillante. Peu à peu, la vie religieuse va lui apparaître comme la grotte où elle va pouvoir continuer à vivre le message et la grâce qu’elle a reçus. Là, elle mènera à terme sa nouvelle naissance.

(1). Lire aussi, de Mgr You : “Dans le regard et les sabots de Bernadette” (éditions des Béatitudes).

1 Comment

  1. Sylvie Prémont dit :

    Félicitations François! Je vais le commander chez Médiapaul. Je vais attendre après les Fêtes… le temps de laisser le livre sortir en kiosques.

    Encore une fois BRAVO pour ce beau site. Un travail de PRO!

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