La crise des abus sexuels provoque la conversion de l’Eglise

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Nous étions quelques membres de l’équipe de communication du Saint-Siège à suivre de l’intérieur le sommet historique organisé par le Pape pour la protection des mineurs, du 21 au 24 février, vivant les échanges au plus près, écoutant les témoignages poignants de victimes d’abus sexuels, priant avec l’assemblée – dans un esprit pénitentiel – et partageant aussi les moments de pause café avec les participants, dont le Saint-Père lui-même.

Le ton des discussions était très libre, comme par exemple quand une religieuse a dit au successeur de Pierre, à propos des abus au Chili : « Je t’admire, frère François, d’avoir pris le temps, en tant que vrai jésuite, de discerner, et d’avoir été humble pour changer d’avis, t’excuser et prendre des mesures ».

Profondément ému de constater l’œuvre de transparence et de vérité accomplie en réponse aux drames qui ont dévasté la vie de tant d’innocents, je voudrais confier à chaud ma réflexion sur cette rencontre qui marque une nouvelle ère dans l’histoire de l’Eglise, comme une « révolution copernicienne ».

« Pour nous, la révolution copernicienne est la découverte que ceux qui ont été abusés ne tournent pas autour de l’Eglise mais l’Eglise autour d’eux », résumait Mgr Mark Benedict Coleridge, archevêque de Brisbane, lors de l’homélie de la messe de clôture, invitant à reconnaître, dans les personnes victimes, le Christ crucifié qui crie dans les ténèbres (Marc 15, 34), « l’impuissant autour de qui l’Eglise tourne toujours, l’impuissant dont les cicatrices brillent comme le soleil ».

Ainsi, tandis que la crédibilité du clergé catholique est largement atteinte par les crimes de pédophilie, une grande grâce de conversion vient d’être proposée à l’Eglise. « Le meilleur résultat et la plus efficace résolution que nous puissions offrir aux victimes, au peuple de la Sainte Mère Église et au monde entier, c’est l’engagement à une conversion personnelle et collective, l’humilité d’apprendre, d’écouter, d’assister et de protéger les plus vulnérables », fit remarquer en ce sens le Pape, s’exprimant après l’eucharistie dominicale célébrée en présence de tous les présidents des conférences épiscopales ayant pris part à ce sommet.

Le successeur de Pierre souligna « la nécessité de transformer ce mal en une opportunité de purification », présentant l’exemple d’Edith Stein – sainte Thérèse Bénédicte de la Croix, certaine que « dans la nuit la plus obscure surgissent les plus grands prophètes et les plus grands saints ». Selon lui, « le saint et patient peuple fidèle de Dieu, soutenu et vivifié par l’Esprit Saint, est le meilleur visage de l’Église prophétique qui sait mettre au centre son Seigneur en se donnant chaque jour ». « Ce sera précisément ce saint peuple de Dieu qui nous libérera du fléau du cléricalisme, terrain fertile de toutes ces abominations ».

De fait, les leaders de l’Eglise venus du monde entier ont réalisé, durant ces quatre jours, que la solution à la crise passe par un changement de mentalité : il s’agit de démasquer partout le cléricalisme et sa vision défensive, reconnaissant que « l’ennemi est à l’intérieur », selon l’expression du cardinal Rubén Salazar Gomez, archevêque de Bogota.

Nous avons été témoins d’un tournant et non d’une fin de partie : l’Eglise renouvelée refuse désormais de couvrir les abus et cherche des réponses concrètes pour l’avenir, à partir d’une liste de vingt-et-un points de réflexion établie par le Pape. Allant au-delà de la rupture de confiance causée par des échecs successifs et massifs, les évêques prennent conscience de leur responsabilité collective face à un défi complexe et multiforme, sans précédent, qui nécessite une collégialité plus intense, à travers le soutien mutuel et la mise en commun d’expériences.

Symbolisée par le cardinal Seán Patrick O’Malley, président de la Commission pontificale pour la protection des mineurs – qui se présente aux journalistes en simple habit franciscain, sans ses attributs cardinalices – cette Eglise abandonne les signes du pouvoir et de la richesse, désireuse de devenir, à l’image de la Pietà, source de  tendresse et d’empathie.

« L’Eglise doit vraiment être la Pietà, brisée dans la souffrance, consolant et enveloppant dans l’amour, orientant vers la tendresse divine au milieu des douleurs de la désolation », a souhaité notamment le cardinal Blase Cupich, archevêque de Chicago, l’un des principaux artisans de ce sommet.

Pour moi, le moment sans doute le plus fort de cette rencontre fut la prise de parole spontanée du Pape, le 23 février, à la suite de l’intervention de Linda Ghisoni, du Dicastère pour les laïcs, la famille et pour la vie, quand après l’avoir entendue il a déclaré que « la femme est l’image de l’Eglise qui est femme, est épouse, est mère », montrant sa volonté de permettre, à l’occasion de cette crise, une émergence des femmes à tous les niveaux des processus ecclésiaux, pour enfanter de nouveau un peuple de l’espérance.

« C’est notre année de grâce, assumons la responsabilité courageuse d’être véritablement transparents et responsables », s’exclama au nom de tous une autre femme, Sœur Veronica Openibo, religieuse africaine.

Au fond, alors que par décision du Pape le prochain mois d’octobre sera un « mois missionnaire », 2019 semble promettre une audace apostolique qui diffusera la paix du Seigneur jusqu’aux extrémités de la terre, comme aux premiers temps de l’Eglise, quand les femmes, qui venaient de trouver le tombeau vide, ont annoncé la bonne nouvelle de la résurrection aux apôtres, dans la lumière de Pâques.

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