François, pèlerin de la paix aux portes de la Chine

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« Nous sommes tous des “nomades de Dieu”, des pèlerins en quête du bonheur, des voyageurs assoiffés d’amour »  

La Mongolie, pays d’Asie centrale visité par le Pape du 31 août au 4 septembre, offre un modèle à la fois à la communauté internationale et à l’Eglise universelle. Ayant écrit un article sur ce voyage pour l’hebdomadaire italien Famiglia Cristiana, je vous en présente ici une synthèse : 

« Pèlerin de la paix dans ce pays jeune et ancien, moderne et riche de traditions, je suis honoré de parcourir les chemins de la rencontre et de l’amitié, générateurs d’espoir. Que le grand ciel clair qui embrasse la terre mongole éclaire de nouveaux chemins de fraternité », a écrit le Pape François sur le Livre d’Honneur, lors de sa visite de courtoisie au président de la Mongolie, samedi 2 septembre, alors qu’il débutait sa visite dans ce pays d’Asie centrale enclavé entre la Chine et la Russie.

Un pays fascinant et vaste, qui compte trois millions d’habitants, cinq fois grand comme l’Italie et dont la forme géographique dessinée par ses frontières évoque comme une bouche qui sourit au monde. Des fidèles de toute l’Asie, spécialement chinois, avaient rejoint Oulan-Bator pour cet évènement d’envergure continentale. Sur le thème « Espérer ensemble », ce 43ème voyage pontifical, du 31 août au 4 septembre, avait une portée stratégique certaine. Le cardinal Pietro Parolin, Secrétaire d’Etat du Saint-Siège, le souligna d’ailleurs, à la veille du départ, dans un entretien à l’Osservatore Romano : « Cette visite s’accompagne d’un appel au respect de chaque pays, petit ou grand (…), à la construction de relations de collaboration, de solidarité et de fraternité entre voisins et avec tous les pays du monde ».

Le Saint-Père a en effet souligné cette dimension dès son premier discours dans la capitale Oulan-Bator, devant le président Ukhnaagiin Khürelsükh et les autorités du pays, arrivant sur le sol mongol à l’occasion  du 860ème anniversaire de la naissance de Gengis Khan, père de cette nation héritière d’un empire nomade qui s’est jadis étendu de la Hongrie jusqu’aux aux portes de l’Inde : « La Mongolie d’aujourd’hui, avec son vaste réseau de relations diplomatiques, son adhésion active aux Nations Unies, son engagement en faveur des droits de l’homme et de la paix, joue un rôle important au cœur du grand continent asiatique et sur la scène internationale. Je voudrais également souligner votre détermination à mettre fin à la prolifération nucléaire et à vous présenter au monde comme un pays exempt d’armes nucléaires : la Mongolie est non seulement une nation démocratique qui met en œuvre une politique étrangère pacifique, mais elle entend également jouer un rôle important pour la paix dans le monde ».

De fait, en contraste  avec ses deux grands voisins, la Mongolie a fait depuis le début des années 1990 le choix de la démocratie, de la paix et de la liberté religieuse, permettant notamment à la petite communauté catholique née il y a trente-et-un ans de se développer dans un océan bouddhiste (87% de la population) et de s’engager au service de la société, en particulier sur le plan de l’action sociale. Formée de huit paroisses, réunie autour du plus jeune cardinal du monde, le Préfet Apostolique Giorgio Marengo (49 ans), avec une petite trentaine de prêtres, dont deux seulement d’origine mongole, et une quarantaine de religieuses, l’Eglise catholique en Mongolie (1500 baptisés environ de 22 nationalités), pauvre, minoritaire et marginale, rappelle la situation de la primitive Eglise en même temps qu’elle offre un modèle universel de renouveau évangélique et missionnaire. Se déclarant certain que les catholiques mongols « sont prêts à apporter leur contribution à la construction d’une société prospère et sûre, en dialogue et en collaboration avec toutes les composantes qui habitent cette grande terre bénie du ciel », le Pape cita un célèbre poète, « Sois comme le ciel », qui, par ces mots, « invitait à transcender le caractère éphémère des vicissitudes terrestres, en imitant la magnanimité inspirée précisément par l’immense et limpide ciel bleu qui se contemple en Mongolie ». « Nous aussi – souligna-t-il- aujourd’hui, pèlerins et invités dans ce pays qui peut tant offrir au monde, nous désirons répondre à cette invitation, en la traduisant en signes concrets de compassion, de dialogue et de projet commun ».

Dans l’après-midi, le Pape a tenu à rencontrer le clergé, les personnes consacrées et les agents pastoraux, dans la cathédrale des Saints Pierre et Paul. Il fut d’abord accueilli dans une « ger », tente circulaire des bergers nomades, l’habitat traditionnel mongol, par la femme qui, il y a une dizaine d’années, avait récupéré dans le dépotoir d’un district voisin une petite statue en bois de la Vierge, intronisée plus tard dans la cathédrale et vénérée sous le vocable de « Mère du Ciel ». Après avoir écouté dans la cathédrale d’émouvants témoignages de la vie missionnaire locale, en présence de nombreux évêques d’Asie – dont un seul évêque chinois autorisé à le rejoindre en Mongolie, celui de Hong Kong, Stefen Chow, qui sera bientôt créé cardinal à Rome – François a rendu hommage au pionnier contemporain de l’Église locale, l’évêque philippin Wenceslao Selga Padilla, le premier Préfet Apostolique, enterré à Oulan-Bator. Il rappela aussi les expériences du premier millénaire, marquées par le mouvement évangélisateur de tradition syriaque, répandu le long de la route de la soie, puis les missions diplomatiques du XIIIe siècle. Exaltant le « sens prononcé du sacré » de la population mongole habituée à « la contemplation des horizons sans fin et peu peuplés d’êtres humains », il a demandé aux missionnaires de continuer à réaliser leur vocation « dans la simplicité d’une vie sobre, à l’imitation du Seigneur, qui est entré à Jérusalem sur le dos d’un âne et qui fut même dépouillé de ses vêtements sur la croix ». « Soyez toujours proches des gens, en prenant soin d’eux personnellement, en apprenant leur langue, en respectant et en aimant leur culture, en ne vous laissant pas tenter par des certitudes mondaines, mais en demeurant fermes dans l’Évangile à travers une rectitude exemplaire de vie spirituelle et morale », a-t-il ajouté, les remerciant pour « la grande variété d’initiatives caritatives, qui reflètent le visage miséricordieux du Christ Bon Samaritain », « de l’assistance à l’éducation, en passant par les soins de santé et la promotion culturelle ».

Ces œuvres caritatives au service de tous rapprochent les croyants de diverses confessions, comme François l’a fait remarquer au cours de la rencontre œcuménique et interreligieuse organisée dimanche 3 septembre, à l’Hun Théatre de Oulan-Bator construit en forme d’une « ger » géante, à une dizaine de kilomètres de la capitale mongole : « Le fait d’être réunis en un même lieu est déjà un message : les traditions religieuses, dans leur originalité et leur diversité, représentent un formidable potentiel de bien au service de la société ». « Faisons fleurir cette certitude que nos efforts communs pour dialoguer et construire un monde meilleur ne sont pas vains. Cultivons l’espérance », a-t-il lancé, après avoir dénoncé les « recherches à court terme du profit et du bien-être », constatant que l’humanité « tournée uniquement vers les intérêts terrestres finit par ruiner la terre elle-même, confondant progrès et régression, comme le montrent tant d’injustices, tant de conflits, tant de dévastations environnementales, tant de persécutions, tant de rejet de la vie humaine ». Citant les mots de Bouddha dans le Dhammapada, selon lequel « le sage se réjouit dans le don, et c’est par là seulement qu’il devient heureux », il a fait l’éloge de « la valeur du silence et de la vie intérieure, antidote spirituel à tant de maux du monde d’aujourd’hui ».

Lors de la messe dominicale, le 3 septembre, à la patinoire d’Oulan-Bator où trônait en bonne place la statuette de la « Mère du Ciel », visiblement fatigué par le décalage horaire, le Saint-Père est revenu sur ce concept du don de soi, affirmant que « nous sommes tous des “nomades de Dieu”, des pèlerins en quête du bonheur, des voyageurs assoiffés d’amour ». « Seul l’amour désaltère nous désaltère vraiment », a-t-il considéré, « seul l’amour guérit nos blessures, seul l’amour nous donne la vraie joie. Et c’est la voie que Jésus a enseignée et ouverte pour nous ».

Saluant les fidèles, en conclusion, il a envoyé un salut au « noble peuple chinois », par l’intermédiaire du futur cardinal de Hong-Kong, s’adressant aux catholiques de ce grand pays voisin de la Mongolie : « Je vous demande d’être de bons chrétiens et de bons citoyens ». Des paroles qui faisaient indirectement écho à ce qu’il avait dit la veille devant le clergé et les consacrés, résumant la portée historique de ce voyage qui, dans le cœur du pape jésuite, était orienté vers la Chine où il rêva de partir en mission dans sa jeunesse à la suite de son confrère Matteo Ricci : « Le Seigneur Jésus, en envoyant les siens dans le monde, ne les a pas envoyés pour propager une pensée politique, mais pour témoigner par leur vie de la nouveauté de la relation avec son Père, devenu “notre Père” (cf. Jn 20, 17), déclenchant ainsi une fraternité concrète avec chaque peuple. L’Église, qui naît de ce mandat, est une Église pauvre, qui ne repose que sur une foi authentique, sur la puissance désarmante et désarmée du Ressuscité, capable de soulager les souffrances de l’humanité blessée. Voilà pourquoi les gouvernements et les institutions séculières n’ont rien à craindre de l’action évangélisatrice de l’Église, parce que celle-ci n’a pas d’agenda politique à poursuivre, mais ne connaît que la force humble de la grâce de Dieu et d’une Parole de miséricorde et de vérité, capable de promouvoir le bien de tous ».

François Vayne

2 Comments

  1. Gimenez Mared dit :

    Merci
    Magnifique article
    On se sent plus proche des Chrétiens de Mongolie

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