Suivre une petite voie d’abandon, de foi, d’amour, d’humilité…

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Dans les pas de frère Bruno, ouvrir notre cœur aux surprises de l’Inattendu

Membre d’une fraternité sacerdotale « Jesus-Caritas », inspirée du bienheureux Charles de Foucauld, Christian Lemarchand avait longtemps travaillé comme prêtre-professeur à Thouars, au sud de l’Anjou, avant d’entrer au monastère trappiste de Bellefontaine à l’âge mûr de 51 ans, devenant alors frère Bruno. « Je ne me sens pas capable de grandes choses, mais plein du désir de suivre une petite voie d’abandon, de foi, d’amour, d’humilité… », écrivait-il au début de son cheminement monastique. Un appel à une pauvreté matérielle effective résonna ensuite dans son cœur, considérant que « nos monastères sont riches de tout ce soutien apporté par le peuple chrétien qui nous visite ». Il lui sembla entendre de nouveau le Seigneur lui dire : « Laisse cela et cherche encore ».

Lors d’un pèlerinage en Terre Sainte, il avait reçu et gardé une marque profonde des moments passés dans la chapelle des Petites Sœurs de Jésus à Nazareth, agenouillé là même où Charles de Foucauld passa des heures en prière. « Mon seul but est de mettre la prière de Jésus en cette terre dans l’esprit du Père de Foucaud », confiera frère Bruno, après avoir trouvé sa place parmi les moines de Tibhirine, partageant avec eux une vie d’union à Dieu très proche des hommes.

Né à Saint-Maixent-l’Ecole, il aimait l’Algérie où il vécut enfant, quand son père y servait comme officier de carrière. Des souvenirs intenses le liaient à ce pays qui constituait jadis trois départements français : sa première communion et sa confirmation à Orléansville (aujourd’hui Chlef, à l’ouest d’Alger), ainsi que la mort prématurée de sa sœur, à l’âge de seize ans, en 1938. Lors de son service militaire, avant la guerre d’indépendance, il avait passé dix-sept mois sous les drapeaux en Algérie.

Depuis 1989, il vivait passionnément sa vocation fraternelle au Maghreb, entouré de la tendresse de la population musulmane, d’abord à Tibhirine puis au Maroc, dans le même esprit, au sein d’une petite communauté fondée par les moines de l’Atlas. Si l’un des frères ne devait normalement pas subir le martyre en Algérie, c’était donc bien Bruno. Supérieur de la fondation marocaine de Fès, il était arrivé à Tibhirine quelques jours avant le tragique enlèvement, pour prendre part à la prochaine élection d’un nouveau prieur. Il a été kidnappé avec six autres trappistes au cours de cette terrible « nuit du destin », du 26 au 27 mars 1996, puis tué, à l’âge de 66 ans.

Pour ces religieux, il n’avait pas été question de fuir face au risque qui planait depuis des mois. L’Evangile était leur boussole : « Qui cherchera à conserver sa vie la perdra. Et qui la perdra la sauvegardera » (Luc 17,33). En accueillant avec eux l’Inattendu, frère Bruno a mis en pratique cette prière d’abandon du Père de Foucauld qui guidait ses pas depuis des années : « Père, je m’abandonne à toi… je suis prêt à tout, j’accepte tout, pourvu que ta volonté se fasse en moi, en toutes tes créatures… ».

Ensemble, les sept martyrs étaient prêts à accepter l’imprévisible, sachant que Dieu est dans l’inédit. L’impatience de son amour bouscule nos prévisions et notre routine : il attend de notre part un oui brûlant qui se donne spontanément. « J’ai prié pour que mes frères soient témoins de la bienveillance divine au milieu de ces mystérieux kidnappeurs, ils étaient en mission de paix parmi eux, de toute façon », témoigna plus tard frère Jean-Pierre, survivant de la communauté. Et si durant ce Carême, quelque part, tout près peut-être, une mission de paix nous attendait aussi ?

François Vayne

Lire aussi mon livre La vie et le message des sept moines de Tibhrine (éditions Nouvelle Cité), écrit avec le Père Thomas Georgeon, postulateur de la cause de béatification de ces nouveaux martyrs et nouvel Abbé de la Grande Trappe.

 

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