« Nous sommes les frères de l’Oiseau Pascal ! »

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À l’exemple de frère Célestin, choisir la constance

Le 24 décembre 1993, six maquisards islamistes étaient entrés par effraction dans le monastère de Tibhirine où les frères se préparaient à vivre la veillée de Noël. Le chef de ces moudjahidines, le redoutable émir Sayah Attia, avait promit « l’aman » aux cisterciens présents, c’est-à-dire une forme de protection, s’ils acceptaient d’accorder une aide médicale ponctuelle aux groupes armés. Un des religieux, frère Célestin, chargé de l’office liturgique comme chantre, fut particulièrement meurtri émotionnellement et ébranlé physiquement après la fameuse visite de ces hommes violents. Il eut notamment à subir d’urgence plusieurs pontages cardiaques en France.

Malade du cœur, il voulut pourtant retourner sans attendre à Tibhirine, dès septembre 1994, déclarant dans une lettre, de manière quasi-prophétique : « Nous sommes les frères de l’Oiseau Pascal ! ». Avec ses frères, il cherchait autant que possible à se remémorer le conseil que le vieux cardinal Duval, l’ancien archevêque d’Alger, leur avait donné : « La constance ». Face à la barbarie sans visage omniprésente en Algérie dans les années 1990, les moines de l’Atlas désiraient en effet plus que jamais « tenir ensemble », « cum-stare », comme la ville de Dieu qu’évoque l’Écriture, où « tout ensemble fait corps » (Psaume 121).

Chacun des moines fit le choix libre de rester, après sa propre traversée du désert. Parmi eux, le chantre de Tibhirine, homme à la sensibilité exacerbée, avait un lien viscéral avec l’Algérie. Militaire pendant la guerre d’indépendance – comme Christian de Chergé et Paul Favre-Miville – Célestin Ringeard servit dans le service de santé des armées de 1957 à 1959. Durant ce conflit, tandis que des soldats français voulaient achever un officier de renseignement du Front de libération nationale (FLN), Si Ahmed Hallouz, capturé dans une cache d’armes, il intervint pour le sauver, tissant avec lui par la suite un lien d’amitié.

De retour en Loire-Atlantique, d’où il était originaire, ordonné prêtre en 1960, Célestin restait marqué par son enfance difficile, due à l’absence de son père mort quand il n’avait que six semaines. Sensible aux personnes marginalisées, il devint éducateur de rue à Nantes, auprès des délinquants, logeant en HLM et se ressourçant à la spiritualité de Charles de Foucauld aux côtés de la Fraternité sacerdotale Jésus Caritas. Attiré par la vie monastique, il entra à l’abbaye de Bellefontaine (Maine-et-Loire) en 1983, et partit pour Tibhirine en 1986 à la suite de frère Michel et de frère Bruno.

Signe pour lui « plus merveilleux qu’un miracle », il fut accueilli à son arrivée en Algérie par l’ancien prisonnier de guerre qu’il n’avait pas revu depuis vingt-huit ans… Comment pouvait-il imaginer être enlevé et assassiné par des Algériens dix ans plus tard, à l’âge de 62 ans ? Accablé, fatigué, avec ses frères moines il avait appris, entre le 8 mai 1994 et le 10 novembre 1995, l’assassinat successif de onze religieux et religieuses… Devant cette vague assassine contre l’Eglise catholique en Algérie, la communauté trappiste continuait de plus belle à aimer les gens alentour, dans l’imitation de Jésus Christ.

« Mystère de notre propre don à l’intérieur de Son don », confiait frère Célestin au nom de tous sur une carte écrite le 29 février 1996, moins d’un mois avant l’enlèvement. L’Esprit du Christ était leur « loi intérieure », cet Esprit Saint qu’il nous est proposé d’accueillir au cœur de nos fragilités – spécialement pendant ce Carême – pour que nous puissions choisir la constance et servir nous aussi, à notre mesure, la réconciliation de l’humanité avec Dieu et des hommes entre eux.

François Vayne

Lire aussi mon livre La vie et le message des sept moines de Tibhrine (éditions Nouvelle Cité), écrit avec le Père Thomas Georgeon, postulateur de la cause de béatification de ces nouveaux martyrs et nouvel Abbé de la Grande Trappe.

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