Benoît XVI nous invite à regarder toujours vers « l’étoile de l’espérance »

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« Là où il y a la mère de Dieu, nous nous sentons tous chez nous »

« C’était l’anniversaire de l’apparition de la Vierge Marie à Lourdes », commentait le Pape émérite au sujet de la date de sa renonciation, dans ses Dernières conversations avec Peter Seewald (2016). « La fête de Bernadette de Lourdes tombe, quant à elle, le jour de mon anniversaire. Il y a donc ces liens, et il me paraissait opportun de me retirer ce jour-là », ajoutait-il. Il est en effet né un 16 avril, jour anniversaire de la naissance au Ciel de la voyante de Lourdes, et a choisi la fête de Notre-Dame de Lourdes, un 11 février, pour poser le geste historique de quitter sa charge, en 2013. Sa dévotion mariale profonde est comme enchâssée entre ces deux dates qui symbolisent la communion de l’Eglise de la terre avec celle du ciel que le « oui » de Marie a rendue possible.  Ainsi et pour cela dans sa prière la Mère de Dieu a toujours été « un grand point de référence », comme il le confiait au journaliste Peter Seewald dans Lumière du monde, en 2010.

Il a d’ailleurs témoigné de cette dévotion mariale profonde en lien avec Lourdes : « L’histoire de Lourdes est pour moi particulièrement émouvante. Bernadette, cette fille simple, sans qualité personnelle autre qu’une pureté intérieure, vécut au siècle du rationalisme très grossier et aussi anticlérical. Face à une autorité ecclésiastique sceptique, agissant au début avec une extrême prudence, c’est elle qui a pu introduire le visage de la mère de Dieu dans ce climat intellectuel quelque peu froid et frigorifiant. Et sous le signe de l’eau vivifiante et bienfaisante, elle démontre en même temps la puissance salutaire de la création sous le signe de Marie qui la réveille. […] Voilà pourquoi il est tout à fait normal et très positif que des humains puissent trouver là-bas le contact avec le mystère du Christ ».

Répondant à la question plus large de Peter Seewald « Que signifie Marie pour vous ? », il précisait avec clarté : « Marie, c’est une expression de la proximité de Dieu. À travers elle, l’incarnation devient une réalité tangible. Il est émouvant que le Fils de Dieu ait une mère humaine et que nous soyons tous confiés à cette mère. Lorsque Jésus, sur la croix, confie Jean à sa mère, sa parole dépasse de loin l’instant, pour concerner toute l’histoire. Par cette recommandation la prière à Marie ouvre à chaque homme un aspect particulier de la confiance en Dieu, de sa proximité, tout bonnement de la relation à lui. »

Cet amour de Marie qui caractérisa la foi de Joseph Ratzinger trouvait sa source à Altötting, en Bavière, un sanctuaire du piémont alpin où il y venait régulièrement quand il était enfant, avec ses parents Marie et Joseph, son frère Georg et sa sœur Maria. Son village natal, Markl, est situé non loin de là. L’année qui a suivi son élection sur le trône de l’apôtre Pierre, l’ancien archevêque de Munich devenu Benoît XVI s’était rendu en pèlerinage à Altötting (11 septembre 2006), confiant son anneau épiscopal à la Vierge noire bavaroise, « Mère des grâces ». La petite statue de la Vierge qui tient dans ses bras l’Enfant Jésus, vénérée en ces lieux depuis plus de mille ans, garde depuis lors l’anneau du cardinal Ratzinger, signe de leur union spirituelle. En visite au sanctuaire marial d’Altötting, il avait confié : « Je me sens vraiment à la maison […] non seulement parce que je suis dans ma patrie d’origine, mais aussi  parce que je me sens uni à ma Mère. Là où il y a la mère de Dieu, nous nous sentons tous chez nous ».

C’est sans doute lors des pèlerinages en famille à Altötting qu’il a appris à aimer le Rosaire, qu’il a continué de prier toute sa vie comme ses parents, c’est-à-dire tout simplement. Devenu Pape, il aimait se rendre chaque jour à la reproduction de la Grotte de Lourdes dans les jardins du Vatican, le chapelet à la main, invitant régulièrement tous les fidèles à se placer sous la maternelle protection de la Vierge et à se mettre à son école. Il avait dit encore à Peter Seewald au sujet de sa prière préférée : « Ce qui importe, ce n’est pas que je suive rationnellement chaque parole dite, mais au contraire que je me laisse porter par le calme que procure la répétition et la régularité… Je pense que cette expérience originelle de l’histoire des religions, de la répétition, du rythme, de la parole commune, du chœur qui me porte et me berce et qui remplit tout l’espace me calme, me console et me délivre, est devenue tout à fait chrétienne. Cette expérience permet à l’homme de prier tout simplement dans un contexte marial et dans la lumière du Christ et d’intérioriser le contenu de cette prière, en se laissant aspirer par la parole, au-delà de toute démarche intellectuelle ».

Durant son pontificat, Benoît XVI a marqué son attachement aux sanctuaires marials lors de ses différents voyages. Il s’est rendu par exemple au sanctuaire de Meryem Ana Evi en Turquie (29 novembre 2006), à Aparecida au Brésil (12-13 mai 2007), à Lorette (2 septembre 2007), à Mariazell en Autriche (8 septembre 2007), au sanctuaire de l’Immaculée Conception de Washington aux États-Unis (16 avril 2008), à Lourdes du 13 au 15 septembre 2008, pour le 150ème anniversaire des apparitions de la Vierge à Bernadette, et à Fatima du 11 au 14 mai 2010, sans compter quelques autres étapes jusqu’à sa renonciation.

A Lourdes, devant des dizaines de milliers de pèlerins, il avait rappelé que « le Concile Vatican II a présenté Marie comme la figure en laquelle est résumé tout le mystère de l’Église (cf. Lumen gentium n. 63-65) », considérant que « son histoire personnelle anticipe le chemin de l’Église, qui est invitée à être tout aussi attentive qu’elle aux personnes qui souffrent ». Là, près de la Grotte, il avait exalté le sourire de la Vierge : « Marie est aujourd’hui dans la joie et la gloire de la Résurrection. Les larmes qui étaient les siennes au pied de la Croix se sont transformées en un sourire que rien n’effacera tandis que sa compassion maternelle envers nous demeure intacte. L’intervention secourable de la Vierge Marie au cours de l’histoire l’atteste et ne cesse de susciter à son égard, dans le peuple de Dieu, une confiance inébranlable : la prière du Souvenez-vous exprime très bien ce sentiment. Marie aime chacun de ses enfants, portant d’une façon particulière son attention sur ceux qui, comme son Fils à l’heure de sa Passion, sont en proie à la souffrance ; elle les aime tout simplement parce qu’ils sont ses fils, selon la volonté du Christ sur la Croix ».

Pour lui, Marie a toujours été la véritable Arche de l’Alliance, le véritable Temple où Dieu s’est incarné. S’il avait consacré l’essentiel de ses travaux théologiques à l’Église, il considérait la Vierge comme «la figure parfaite» de la communauté chrétienne. « L’Église abandonne quelque chose qui lui était confié lorsqu’elle ne loue pas Marie», écrivait-il en 1988, dans la revue internationale Communio. Dans les textes qu’il lui a consacrés, il a remis Marie à sa juste place, au cœur même de la confession de foi dans le Dieu vivant ; une affirmation qu’il resituait dans le droit fil du Concile Vatican II, la présentant comme l’être aimant par excellence, prototype de l’humanité nouvelle. « Dieu veut réellement que nous devenions des être aimants, alors nous serons à son image. Car, comme nous le dit saint Jean, Il est l’amour, et Il voudrait qu’il y ait des créatures qui lui soient semblables et qu’ainsi, à partir de la liberté de leur propre amour, deviennent comme Lui et relèvent de Sa propre nature et répandent la lumière qui émanent de lui » (Le Sel de la terre, 1997).

Lors du Concile, les débats avaient mis au jour le fossé qui s’était creusé entre ceux qui critiquaient une mariologie hypertrophiée  et ceux qui dénonçaient une foi bibliciste et positiviste. Après d’âpres discussions entre les deux extrêmes, les Pères conciliaires avaient décidé le 29 octobre 1963, à seulement vingt voix de majorité, d’intégrer dans le schéma sur l’Église (Lumen gentium) le texte prévu à propos de la Vierge Marie ; au lieu d’en faire l’objet d’un texte en soi. Joseph Ratzinger, qui fut un des théologiens du Concile, n’a eu de cesse d’expliquer que la décision de Vatican II a de ce fait replacé Marie au cœur de la foi comme « Mère de l’Eglise » et c’est dans ce cadre que la dévotion mariale prenait selon lui toute sa dimension.

À ce sujet, il évoquait le concile Vatican II avec Peter Seewald : « Ma mémoire garde le souvenir indélébile du moment où, entendant ces paroles, Nous déclarons la Très Sainte Vierge Marie Mère de l’Église, spontanément les Pères se levèrent d’un bond de leur siège et applaudirent debout, rendant hommage à la Mère de Dieu, à notre Mère, à la Mère de l’Église ». En honorant Marie, l’Église n’invente pas quelque chose « à côté » de l’Écriture. Elle répond à la prophétie faite par Marie lorsqu’elle visite sa cousine Elizabeth « Désormais, toutes les générations me diront bienheureuse ».

En ce sens, le cardinal Ratzinger a resitué la christologie au cœur des dogmes de l’Immaculée Conception et de l’Assomption. L’un et l’autre sont indispensables à la foi chrétienne, a-t-il montré dans ses écrits, indiquant que si nous enlevons le premier, nous supprimons les prémices – le fait que Marie accueille «parfaitement» le don de Dieu – et nier l’Assomption, ce serait nier que la Résurrection soit possible, alors qu’en Marie, le Salut a abouti.

C’est en cela qu’avec son ami théologien Hans Urs von Balthasar, dans le livre Marie, première Église, Joseph Ratzinger fit de la Mère de Dieu la figure de l’Église. « Marie, écrivit-il, est et demeure présente et active dans l’histoire actuelle ; elle est une personne qui agit ici et aujourd’hui. Elle ne se tient pas au-dessus de nous, elle nous précède, la mariologie devient une théologie de l’histoire et un appel à l’action ». C’est aussi ce qu’il a considéré à propos du message de Fatima, ce fameux « troisième secret » qu’il avait rendu public en l’an 2000 en tant que Préfet de la congrégation pour la Doctrine de la foi – à la demande de Jean-Paul II – déclarant qu’il n’est pas clos parce que « la souffrance de l’Eglise demeure, la menace qui pèse sur l’homme demeure, l’attente d’une réponse demeure elle aussi, tout comme, par conséquent, l’indication que nous a donnée Marie » (Lumière du monde, 2010). « L’Eglise est constamment appelée à faire ce qu’Abraham lui a demandé de faire : veiller à ce qu’il y ait suffisamment de justes pour contenir le mal et la destruction. J’ai compris que les forces du bien peuvent de nouveau grandir. Dans ce sens, les triomphes de Dieu, les triomphes de Marie, sont discrets mais bien réels ».

À travers une magnifique méditation sur la figure de la femme dans l’Ancien Testament (La Fille de Sion), l’image de Marie apparaît, sous sa plume, entièrement « tissée des fils de l’Ancien Testament ». Une théologie de la femme s’en dégage. Pour Benoît XVI, c’est en cela que la redécouverte de Marie paraît actuelle. Dans le monde contemporain de l’esprit, seul prévaut encore le principe masculin, déplorait-t-il. Un esprit masculin qu’il décrivait en ces termes : « Le faire, l’œuvre, l’activité qui peut elle-même projeter et produire le monde, qui ne veut pas attendre quelque chose dont elle serait ensuite dépendante, mais qui fait tout dépendre de son propre pouvoir ». Aussi constatait-il que de Marie à Mère Teresa en passant par Monique « les femmes ont plus marqué l’image de l’Eglise que les hommes ».

Il nous laisse un message d’espérance en ces temps ce crise, résumé dans son encyclique Spe salvi (Sauvés dans l’espérance, 2007), dans laquelle il nous invite à tourner nos regards vers Marie : « Par une hymne du VIIe-IXe siècle, donc depuis plus de mille ans, l’Église salue Marie, Mère de Dieu, comme « étoile de la mer »: Ave maris stella. La vie humaine est un chemin. Vers quelle fin? Comment en trouvons-nous la route? La vie est comme un voyage sur la mer de l’histoire, souvent obscur et dans l’orage, un voyage dans lequel nous scrutons les astres qui nous indiquent la route. Les vraies étoiles de notre vie sont les personnes qui ont su vivre dans la droiture. Elles sont des lumières d’espérance. Certes, Jésus Christ est la lumière par antonomase, le soleil qui se lève sur toutes les ténèbres de l’histoire. Mais pour arriver jusqu’à Lui nous avons besoin aussi de lumières proches, de personnes qui donnent une lumière en la tirant de sa lumière et qui offrent ainsi une orientation pour notre traversée. Et quelle personne pourrait plus que Marie être pour nous l’étoile de l’espérance, elle qui par son « oui » ouvrit à Dieu lui-même la porte de notre monde; elle qui devint la vivante Arche de l’Alliance, dans laquelle Dieu se fit chair, devint l’un de nous, planta sa tente au milieu de nous (cf. Jn 1, 14)? ». « Sainte Marie, Mère de Dieu, notre Mère, enseigne-nous à croire, à espérer et à aimer avec toi (…) Étoile de la mer, brille sur nous et conduis-nous sur notre route! »

L’humble et lumineux Benoît XVI, en qui des témoins proches ont vu une parfaite transparence de l’âme dans le corps, a incarné à sa façon ce qu’il a dit de Marie, la décrivant comme « la pureté en personne, dans le sens où l’esprit, l’âme et le corps sont en elle pleinement cohérents entre eux et avec la volonté de Dieu » (Piazza di Spagna, le 8 décembre 2009). Son enseignement de vie sur la Vierge est qu’il nous enseigne avec elle « à nous ouvrir à l’action de Dieu, pour regarder les autres comme Lui les regarde: à partir du cœur ».

François Vayne

 

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