L’encyclique à la lumière du Saint-Suaire

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« Laudato si’, mi’ Signore », – « Loué sois-tu, mon Seigneur », chantait saint François d’Assise, et c’est par ces mots que commence la première encyclique d’un pape sur l’écologie, « une écologie intégrale qui n’exclut pas l’être humain ». L’ important document signé par François nous était présenté à Rome jeudi 18 juin, dans la salle du Synode, en présence des représentants des médias du monde entier. Avant de vous en reparler plus profondément, chers lecteurs, je me devais de lire intégralement ce texte fondamental de près de 200 pages, ce qui fut fait dans le train me conduisant vendredi à Turin, où le Pape vient passer deux jours, sur la terre de ses ancêtres. Après avoir vénéré le Saint-Suaire samedi matin dans la cathédrale de Turin, de manière privée, accompagnant un ami cardinal natif de cette ville, j’écris ces lignes avec émotion, reliant spirituellement le mystère de la résurrection du Christ et la sauvegarde de la création. « Les créatures de ce monde ne se présentent plus à nous comme une réalité purement naturelle, parce que le Ressuscité les enveloppe mystérieusement et les oriente vers un destin de plénitude. Même les fleurs des champs et les oiseaux qu’émerveillé il a contemplés de ses yeux humains, sont maintenant remplis de sa présence lumineuse », écrit François dans l’encyclique (n°100), nous projetant à la fin des temps, quand le Fils remettra toutes choses au Père et que « Dieu sera tout en tous » (1 Corinthiens 15,28). « Une Personne de la Trinité s’est insérée dans le cosmos, en y liant son sort jusqu’à la croix », rappelle le Saint-Père au cœur de son grand texte consacré à l’écologie, où il nous invite à reconnaître « notre contribution – petite ou grande – à la défiguration et à la destruction de la création », en citant le Patriarche Œcuménique Bartholomée de Constantinople. « Un crime contre la nature est un crime contre nous-mêmes et un péché contre Dieu », souligne-t-il encore avec Bartholomée, inscrivant son appel à une « conversion écologique globale » dans l’espérance de l’unité des chrétiens et d’une nouvelle solidarité universelle. « Il nous faut une nouvelle solidarité universelle », insiste-t-il, s’adressant aussi aux personnes qui ne sont pas chrétiennes, partageant sa conviction que « tout est lié dans le monde », et que « tous, nous pouvons collaborer comme instruments de Dieu pour la sauvegarde de la création, chacun selon sa culture, son expérience, ses initiatives et ses capacités ».

Adopter un regard qui aille au-delà de l’immédiat

Ce qui me touche profondément en méditant à partir de cette encyclique, c’est la manière évangélique avec laquelle François rejoint la conscience de chacun, proposant que là où nous sommes les « barrières de l’égoïsme » soient dépassées et les « murs du moi » rompus, en témoignant que « l’amour est plus fort » (n°149). Après avoir longuement décrit qui se passe dans notre « maison commune », la terre, qui se transforme en « un immense dépotoir » depuis les deux derniers siècles, il nous exhorte, pour la sauvegarde des écosystèmes, à adopter « un regard qui aille au-delà de l’immédiat ».
Progressivement le Pape met en lumière le fait que la détérioration de l’environnement comme la dégradation humaine et éthique vont ensemble, dénonçant la « pollution mentale » et l’insatisfaction dans les relations interpersonnelles que produit un type de communication transitant par Internet. Face aux symptômes d’un « point de rupture » et constatant que « l’actuel système mondial est insoutenable », il affirme avec force que même si l’humanité a déçu l’attente divine « l’être humain est encore capable d’intervenir positivement ».
La solution est de « chercher ensemble des chemins de libération », avec la conviction essentielle que « tout est lié ». « La protection authentique de notre propre vie comme de nos relations avec la nature est inséparable de la fraternité, de la justice ainsi que de la fidélité aux autres », remarque encore François. « Tout est lié, et, comme êtres humains, nous sommes tous unis comme des frères et sœurs dans un merveilleux pèlerinage, entrelacés par l’amour que Dieu porte à chacune de ses créatures et qui nous unit aussi, avec une tendre affection, à frère soleil, à sœur lune, à sœur rivière et à mère terre » (n°92).

Tout est intimement lié

L’être humain et les choses peuvent à nouveau se tendre la main pour sortir de l’opposition, à condition que nous renoncions à transformer la réalité en pur objet d’usage et de domination… « Le culte du pouvoir humain sans limites », ce « rêve prométhéen de domination sur le monde» caractérisé par la « démesure anthropocentrique » et la « frénésie mégalomane », doit d’urgence laisser place à « une révolution culturelle courageuse », dit le Pape, en nous demandant un supplément de cohérence dans nos choix quotidiens.
Il répète que « la réalité est supérieure à l’idée », référence donnée dans son exhortation apostolique Evangelii gaudium (n°231), indiquant que « quand on ne reconnaît pas, dans la réalité même, la valeur d’un pauvre, d’un embryon humain, d’une personne vivant en situation de handicap, on écoutera difficilement les cris de la nature elle-même » (n°117). « Tout est lié. Si l’être humain se déclare autonome par rapport à la réalité et qu’il se pose en dominateur absolu, la base même de son existence s’écroule, parce qu’au lieu de remplir son rôle de collaborateur de Dieu dans l’œuvre de la création, l’homme se substitue à Dieu et ainsi finit par provoquer la révolte de la nature ». Soigner notre relation à la nature et à l’environnement suppose donc d’assainir toutes nos relations fondamentales.
« Tout est intimement lié » : cette expression présente comme un refrain dans l’encyclique peut éclairer notre désir de changement, afin de participer vraiment à la sauvegarde de la création. « Il n’est pas superflu d’insister sur le fait que tout est lié. Le temps et l’espace ne sont pas indépendants l’un de l’autre, et même les atomes et les particules sous-atomiques ne peuvent être considérées séparément » (n°138). Il n’y a donc pas deux crises séparées, nous fait mieux comprendre le Pape, l’une environnementale et l’autre sociale, mais une seule et complexe crise socio-environnementale.
Nous devons à la fois combattre la pauvreté, rendre la dignité aux exclus – les personnes faibles de notre entourage – et simultanément préserver la nature. Pour être très clair, et « puisque tout est lié », « la défense de la nature n’est pas compatible non plus avec la justification de l’avortement » (n°120), déclare François dans cette encyclique de vision ample, ni de droite ni de gauche, où nous est proposé un élargissement du regard.

« Clé trinitaire » pour une conversion intérieure

Insistant sur « la nécessité d’un changement de direction », le Saint-Père semble employer le ton de la Vierge Marie lors de ses apparitions sur la terre, parlant de nouvelles guerres prévisibles (n°57), décrivant « les risques gigantesques quand on pense aux armes nucléaires ainsi qu’aux armes biologiques », et il remarque que les « prévisions catastrophistes ne peuvent plus être considérées avec mépris ni ironie » (n°161).
« Quel genre de monde voulons-nous laisser à ceux qui nous succèdent, aux enfants qui grandissent ? », interroge-t-il. Parmi les lignes d’orientation et d’action il considère que « l’heure est venue d’accepter une certaine décroissance », et d’adopter des comportements plus sobres et humbles. Ce changement des styles de vie pour en finir avec le consumérisme ou l’utilitarisme, la capacité à sortir de soi vers l’autre pour vaincre l’individualisme, forment un chemin à notre portée, et le Pape nous encourage : « Il ne faut pas penser que ces efforts ne vont pas changer le monde. Ces actions répandent dans la société un bien qui produit toujours des fruits au-delà de ce que l’on peut constater, parce qu’elles suscitent sur cette terre un bien qui tend à se répandre toujours, parfois de façon imprévisible » (n°212).
Ce changement de cœur vers lequel l’encyclique nous guide, c’est en nous laissant regarder par le Christ – Visage de la Miséricorde du Père – qu’il pourra se réaliser, comme une conversion intérieure venant de notre union au Fils incarné en qui tout le cosmos rend grâce à Dieu.
François nous lance « le défi d’essayer de lire la réalité avec une clé trinitaire ». « Plus la personne humaine grandit, plus elle mûrit, et plus elle se sanctifie à mesure qu’elle entre en relation, quand elle sort d’elle-même pour vivre en communion avec Dieu et avec toutes les créatures » (n°240). « Tout est lié, et cela nous invite à mûrir une solidarité globale qui jaillit du mystère de la Trinité ».
Dans cette dynamique, à la suite de François, allons de l’avant, marchons en chantant !

2 Comments

  1. Samuel dit :

    Votre “papier ” creuse pour moi l’ardent désir de me précipiter pour me procurer l’encyclique , pouvoir la dévorer, et la mettre en pratique même si ce sera “la goutte d’eau du colibri pour éteindre l’incendie”!
    En même temps, les grands fleuves -et même les océans -sont faits de gouttes d’eau ?… Je marche avec vous en chantant la gloire de Dieu.
    Samuel

  2. Dominique dit :

    Francois….. Comme notre Pape a raison de nous demander de nous préoccuper de notre TERRE…..et de tout ce qui la peuple … Hommes …. Animaux….faune et flore ….je m extasie toujours devant un lac en montagne .. Une vague dans la,mer … Une fleur dans un champ … Un papillon… Un moineau …..il est grand temps que l homme prenne conscience de ce dont DIEU nous entoure ….de cette nature qu il nous a confiee.. Quel désespoir pour moi de voir l indifférence totale de l homme Devant la beauté De la création ….si l’homme,pouvait aimer ..et respecter ne serait ce qu une petite fleur ou un petit animal …. Un chaton … Un agneau ..une souris ….. Alors le monde éprouverait d autres sentiments plus intenses.. ….c est pour son amour de la nature que st francois d assises est un de mes saints préférés …..si les gens louaient DIEU comme je le fais seule en montagne ou devant un spectacle de coucher de soleil …ou un ciel etoile….. Je suis sûre que leurs cœurs s embraseraient d un sentiment nouveau qui les mènerait à la plénitude totale de se trouver devant la nature comme devant notre créateur …que l homme se penche sur çe qu il y a de plus petit … Le respecte …et cette LUMIÈRE se fera en lui ..
    j espère que vous allez toujours bien
    pensés amicales
    dominique

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