«Je cherche matière à louange, même dans le pire» (Christian Bobin, La plus que vive)

Un homme du pur amour
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par François Vayne
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Voici, chers amis, l’introduction de mon livre autobiographique, intitulé Ta blessure ouvre à la lumière, publié en ce printemps 2022 aux éditions Plon. J’espère que vous apprécierez de lire ce témoignage, peut-être au cours de l’été, et que vous m’écrirez pour partager vos réflexions après avoir discerné vous aussi, avec émerveillement, l’œuvre de la Miséricorde Divine dans les méandres de votre vie. Merci et à bientôt sur ce blog! 

Le Pape François nous a encouragés à voir l’action divine dans le dédale de nos vies et à en offrir le récit, pour «édifier des histoires de paix, des histoires d’avenir», comme il l’a dit dans son message à l’occasion de la Journée mondiale des Communications sociales, en 2020. «Il ne s’agit pas de poursuivre la logique du storytelling, ni de faire ou de se faire de la publicité, mais de se souvenir de ce que nous sommes aux yeux de Dieu, de témoigner de ce que l’Esprit écrit dans les cœurs, de révéler à chacun que son histoire contient d’étonnantes merveilles», soulignait-il. «Pour ce faire, confions-nous à une femme qui a tissé l’humanité de Dieu dans son sein et, comme le dit l’Évangile, elle a tissé avec tout ce qui lui arrivait. La Vierge Marie a, en effet, tout conservé, méditant dans son cœur (cf. Lc 2,19). Demandons-lui de l’aide, elle qui a pu défaire les nœuds de la vie avec la douce force de l’amour», concluait le Saint-Père.

C’est dans cet esprit de partage et de communion que j’ai entrepris la rédaction de cette histoire à la fois personnelle et professionnelle, récit vivant déjà en moi depuis plusieurs années. Ce n’est probablement pas par hasard si j’écrivais les premières lignes parmi les pins et les palmiers de Castel Gandolfo, à deux pas de la résidence d’été du Pape. Entouré de néfliers et de citronniers, de lauriers roses et de roseaux, contemplant les champs d’oliviers, je retrouvais l’ambiance où j’ai grandi, avec la Méditerranée pour horizon, comme un rêve qui me suit.

J’ai quitté la perle de la Méditerranée, «Alger la blanche», en 1978, gardant bien vive sa lumière dans mon cœur. Devenu journaliste ensuite, je n’ai eu de cesse de partir en reportage en Italie, attiré par ce paysage qui me rappelle mon enfance, et par la proximité de Jean Paul II qui a tant compté pour moi, père universel à la fois exigeant et plein de bonté.

Chaque fois que je commençais à écrire à propos de mon enfance en Algérie, des larmes venaient dans mes yeux, et il m’était impossible d’aller plus loin. Une image étrange me revenait alors en mémoire. Je revoyais cet enfant aveugle rencontré sur un quai de métro à Mexico, pendant un voyage pontifical. Ce petit levait les yeux vers qui pouvait le secourir. Une femme lui tenait la main, sa mère probablement, aveugle elle aussi, démunie et désemparée comme son fils. Tous deux étaient perdus dans le brouhaha de la foule.

Pendant des mois j’ai repensé à cette scène, sans comprendre quel message ce souvenir m’adressait. C’est le 8 septembre 2003 qu’un déclic s’est produit, une émotion décisive, tandis que je visitais la chapelle haute d’un sanctuaire médiéval destiné à abriter la couronne d’épines du Christ, joyau caché comme un trésor au cœur de Paris. A l’heure de midi, un homme aveugle avait le visage tendu vers les vitraux de la Sainte Chapelle d’où jaillissait une douce lumière. Il resplendissait d’une paix intérieure inexprimable, et souriait dans le silence, comme si un être aimé lui parlait. Une jeune femme le guidait, qui me fit penser à la Vierge Marie. Je me suis approché pour leur parler. Cet homme, Joachim, m’a dit sa joie d’entrevoir une lumière blanche intense, qui semblait le combler au-delà de ce que nous pouvions tous normalement ressentir. Le témoignage de Joachim, dont le prénom signifie «Dieu relève», en hébreu, m’atteignit en profondeur.

De retour à Lourdes, où je vivais avec ma famille, c’est mon fils aîné Vincent-Marie, alors âgé de dix-sept ans, qui m’aida à relier ces deux rencontres importantes pour moi, l’enfant aveugle de Mexico et l’homme rayonnant de la Sainte Chapelle. «Tu es touché parce que c’est toi, dans les deux cas. Toi emprisonné dans tes blessures d’enfant, seul au monde avec tes peurs incommunicables. Et puis toi désormais, père, ayant trouvé comment vivre avec ton handicap, plus riche encore de tes manques que ceux qui n’ont rien souffert…». Ces mots étaient transparents et limpides.

Mon handicap, c’est d’être né à Alger, en août 1962, dans la tourmente apocalyptique de l’indépendance de l’Algérie, «de père inconnu» comme on dit, et d’avoir vécu près de dix-sept ans tel un étranger sur la terre de mes ancêtres, pieds-noirs venus d’Espagne, d’Italie, de Corrèze et de je ne sais où encore, cinq générations enterrées en terre nord-africaine. Ma richesse, c’est la fraternité avec mes amis musulmans, au pays de saint Augustin, ce Maghreb ensoleillé de mon enfance.

Si Chrétiens et musulmans, sur les bords de la Méditerranée, nous avons un sens plus vif de l’autre monde, c’est peut-être parce qu’une lumière particulière, comme celle d’Alger, nous le révèle intérieurement. L’Algérien Albert Camus évoquait d’ailleurs bien cette nostalgie de la lumière méditerranéenne qui «parle d’un autre monde, ma vraie patrie…» (Noces, suivi de L’été, Gallimard, 1959).

J’ai toujours ressenti en profondeur, depuis mes années algériennes, la nostalgie de cette lumière et le sentiment d’être à jamais «différent» dans l’Occident sécularisé qui  semble avoir honte de ses racines spirituelles.

Comme écartelé entre deux continents, deux nations, deux cultures, avançant sur une ligne de crête, je choisis d’offrir dans ce livre la lumière douce qui éclaire mon âme, selon l’invitation biblique faite par l’archange Raphaël à Tobie: «Ecrivez tout ce qui vous est arrivé». «Il convient de garder le secret du roi, tandis qu’il convient de révéler et de publier les œuvres de Dieu. Remerciez-le dignement» (Tobie 12,7). Implorant l’Esprit Saint qui veille sur notre mémoire du bien, je crie mon espérance dans les pages qui suivent, malgré la «troisième guerre mondiale par morceaux», que dénonce le Pape François, cette sorte de guerre d’Algérie planétaire qui n’en finit pas, causée à la fois par l’injustice et le fanatisme idéologique. J’aimerais que mon expérience contribue à rénover le petit pont de l’amitié qui s’édifie lentement, entre chrétiens et musulmans, depuis la rencontre historique du sultan Malik avec François d’Assise, à Damiette, en 1219.

Je souhaite pour cela établir des connexions dans mes souvenirs des grâces reçues, sans me contenter de relater des faits. Ce n’est pas tant le témoignage de ce que j’ai vécu qui est intéressant, mais son interprétation actuelle, afin que d’autres puissent s’en inspirer.

Dans ce sens, Bruno Frappat, qui était directeur du quotidien français La Croix, journal dont je fus longtemps correspondant dans les Hautes-Pyrénées, est le premier à m’avoir encouragé à raconter ma «jeunesse algérienne» et les choix qu’elle a entraînés dans ma vie d’homme et de journaliste. Lors du congrès de la presse française à Bordeaux, à l’automne 2003, il nous faisait part en souriant de son «désir d’obtenir, au Ciel, un contrat de journaliste à durée d’éternité». En attendant le journal céleste, plein de bonnes nouvelles, que nous réaliserons ensemble, avec mes amis, je remonte le fil d’or de ma vie dans ce récit qui se veut ni édifiant, ni lénifiant, ni manichéen. L’important pour moi aura été d’être vrai avec douceur, d’écrire sans fioriture, pour «garder» la trace d’une Présence d’amour dans ma vie. Cette existence, je l’ai reçue comme un don, imprévu par la morale du boutiquier mais offert par Celui à qui je peux dire aujourd’hui avec foi: «Mon embryon encore informe, tes yeux le voyaient» (Psaume 138,16).

J’espère que ce livre, écrit «à l’encre de mon cœur», permettra aux lectrices et aux lecteurs de discerner eux aussi, avec émerveillement, l’œuvre de la Miséricorde Divine dans les méandres de leurs vies.

François Vayne

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