Je publie ici, en avant-première pour les lecteurs de ce blog, le texte de mon introduction au livre La Vierge de l’Apocalypse qui sera en librairie à partir du 17 janvier 2024.
Après des mois de recherches dans les archives du Dicastère de la doctrine de la foi, l’ex « Saint-Office », qui m’ont été exceptionnellement ouvertes grâce à la demande du cardinal Angelo De Donatis, Vicaire du Pape pour le diocèse de Rome, je m’interroge encore sur les évènements survenus à Tre Fontane, dans la banlieue romaine, en 1947. Le doute n’est-il pas – comme disait Ernest Renan – un hommage rendu à la vérité ? Les nombreux documents réservés que j’ai consultés révèlent en tout cas que le bien et le mal s’enchevêtrent dans cette histoire, un peu comme dans nos vies.
L’Eglise catholique n’a ni condamné ni reconnu les apparitions mariales de Tre Fontane rapportées par un père de famille et ses trois enfants. Comme pour les apparitions du Christ ressuscité, que les quatre Evangiles rapportent de diverses manières, parfois contradictoires, celles de la Vierge Marie nous laissent libres d’y croire ou pas. Telle est la délicatesse du Ciel à notre égard.
La difficulté de mon travail au début a été de me confronter à la personnalité complexe du principal témoin, un homme violent et sectaire dont la conversion a été une longue marche… « Pour qu’une pensée change le monde, il faut d’abord qu’elle change la vie de celui qui la porte. Il faut qu’elle se change en exemple », disait Albert Camus. Seul le témoignage peut renvoyer à ce qui en est la source. Bruno Cornacchiola, le voyant qui a reçu et transmis le message de la Vierge à Tre Fontane, illustre ce que fait la lumière divine qui parle au cœur dans une vie blessée, longtemps enracinée dans l’obscurité : l’existence de cet homme a progressivement changé et son témoignage peut inspirer des personnes qui se perdent aujourd’hui sur des milliers de sentiers sans issue. Il a vu la Vierge mais est resté un pécheur en lutte avec lui-même, ouvrant un horizon d’espérance à beaucoup d’autres. Après tout, si nous aussi nous sommes sincères alors que notre vie n’est pas toujours cohérente avec notre foi, alors pourquoi pas Bruno Cornacchiola ? Dans une perspective de miséricorde, le message qu’il nous adresse pourrait être : Comme le bon larron, gardons toujours la capacité de nous tourner vers Jésus, quoiqu’il arrive, n’oublions pas d’où nous venons et rendons grâce pour le chemin parcouru.
Au-delà de ce que nous dit la vie de Bruno Cornacchiola, le lecteur pourra avoir une idée de ce qui s’est passé à la Grotte de Tre Fontane en lisant ce livre où la prévenance de Dieu se laisse découvrir, avec patience et par étapes, jusqu’à rejoindre de façon surprenante l’actualité de notre monde…
Tre Fontane a souvent été présenté comme la continuation de Fatima. Il semble que cela soit confirmé par la tragique situation internationale, avec la guerre mondiale qui oppose de plus en plus la Chine aux Etats-Unis et la menace nucléaire qui accompagne cette montée des périls. « Les ténèbres de la conscience, le mal qui s’accroît, vous témoigneront du moment venu de la catastrophe finale ; la colère se déchaîne sur la terre, la liberté satanique, autorisée, fera des ravages partout. Des moments de découragement et d’égarement vous attendent ; unissez-vous dans l’amour de Dieu, donnez-vous une seule règle : vivre l’Évangile ! », confie la Vierge à Tre Fontane. « Mon corps ne pouvait pas connaître la corruption et n’a pas connu la corruption… ; j’ai été portée au Ciel par mon Fils et les anges », précise-t-elle, dans le contexte des fins dernières, comme pour rappeler à l’humanité de passage sur la terre sa destination de plénitude qui consiste à vivre éternellement au cœur de la Trinité, en s’y préparant dès maintenant.
Pie XII proclama le dogme de l’Assomption en 1950, trouvant un soutien céleste dans le message marial de Tre Fontane, comme Pie IX avant lui avait proclamé le dogme de l’Immaculée Conception, que les apparitions mariales de Lourdes étaient venues confirmer. Ces deux dogmes sont indispensables à la foi chrétienne, le premier représentant les prémices – le fait que Marie accueille « parfaitement » le don de Dieu – et le second illustrant qu’en Marie le salut a abouti, que la Résurrection est véritablement promise aux enfants de Dieu.
Cette vie divine vers laquelle la Vierge nous attire, nous pouvons y prendre part en accueillant la Parole de Dieu, en la mettant en pratique, nous explique le message de Tre Fontane. Sachant qu’il s’agit d’une nourriture de l’âme, le goût pour la Parole de Dieu devrait nous conduire à nous poser chaque jour cette question : « Qu’avons-nous mangé aujourd’hui ? ».
À ce propos, j’ai été touché en écrivant ce livre de découvrir que Cérès, la déesse de l’agriculture, des moissons et de la fertilité, adulée par la plèbe, vêtue de vert et vénérée le 12 avril à Rome, dans les temps anciens, portait sur son cœur une gerbe de blé, tandis que la Vierge de la Révélation, qui se présente – comme par hasard – le 12 avril à Tre Fontane, elle aussi vêtue de vert, tient sur son cœur le livre de la Parole de Dieu.
Le Ciel répond à la prière multiséculaire de l’humanité en attente et la Vierge vient nous rappeler quela Parole de Dieu nous nourrit, que « ce n’est pas de pain seul que vivra l’homme, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Matthieu 4,4). « Les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles sont vie. » nous dit Jésus (Jean 6,63), et : « Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement » (Jean 6, 51).
Portant dans les bras la Parole de Dieu comme une mère tient son enfant, c’est bien son Fils, Parole vivante, que la Vierge de la Révélation vient nous présenter à Tre Fontane, comme à Lourdes quand elle se présente déjà enceinte du Verbe éternel, Dieu le Fils, le 25 mars, en la fête de l’Annonciation…
De plus, cette apparition de Tre Fontane a eu lieu là où saint Paul a été décapité, non loin de la basilique qui lui est dédiée, où sa statue est érigée, représentant l’apôtre tenant sur son cœur une épée, symbole pour lui de la Parole de Dieu… La Vierge, en écho à l’apôtre Paul semble vouloir nous dire « Prenez l’épée de l’Esprit, c’est-à-dire la Parole de Dieu » (Ephésiens 6,17), elle est vivante, efficace et pénétrante. Cette Parole nous est proposée à Tre Fontane pour que nous en vivions, afin de nous défendre des guet-apens du diable… « La lumière de l’âme et sa nourriture éternelle ne sont pas autre chose que la Parole de Dieu, sans laquelle l’âme ne peut jouir de la vue ni même de la vie : notre corps meurt, faute d’absorber des aliments, de la même façon, notre âme périt, faute de recevoir la Parole de Dieu » (Saint Césaire d’Arles, sermon VI).
À la lumière d’un tel message évangélique centré sur la Parole de Dieu qu’est le Verbe fait chair en Marie, l’apparition de la Vierge à Rome a donné naissance à un sanctuaire – « Notre-Dame du troisième millénaire aux Trois Fontaines » – où les pèlerins du monde entier sont invités à se rendre, lors des jubilés de 2025 et de 2033, afin de prier à la fois pour le Pape et pour la paix. Ce dont je suis sûr, fréquentant régulièrement ce lieu de silence habité d’une Présence, c’est que la Mère de Dieu y répand pour tous les grâces de l’Esprit Saint, en abondance!
François Vayne