La chair du Christ

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Le jour de l’inauguration de l’Ostention du Saint-Suaire, à Turin, alors que je participais à l’émission Cristianità dans les studios de Rai Internazionale , c’est en écoutant le Pape en direct, après la récitation du Regina Coeli place Saint-Pierre, que sur le plateau de télévision nous avons appris la mort en Méditerranée d’environ 700 réfugiés. Nous étions saisis par l’émotion pour commenter cet évènement, revenant sur les paroles que François venait de prononcer. « Ce sont des hommes et des femmes comme nous. Des frères, qui cherchaient une vie meilleure… Affamés, persécutés, blessés, exploités, victimes de guerres. Ils cherchaient une vie meilleure, ils cherchaient le bonheur », a-t-il dit, lançant à nouveau un appel à la communauté internationale pour qu’elle agisse avec décision et diligence, afin que de telles tragédies ne puissent plus se reproduire ».
Je pense en particulier à la terrible responsabilité de la France dont la politique internationale a notamment déstabilisé la Libye, livrant ce pays à des bandes de pirates fanatiques, bien armés, et ses rivages à tous les trafics. La majorité des nouveaux boat people provient des côtes libyennes, et leur débarquement en Europe ne fait que commencer puisqu’ils sont 500 000 à un million encore annoncés cette année…
Le 20 avril, jour du drame le plus grave ayant touché des migrants en Méditerranée, le Visage d’un homme crucifié mystérieusement imprimé sur le Linceul de Turin semblait bien être seul en mesure de répondre à ces terribles souffrances humaines. Il était sur tous les écrans en même temps que les images de la tragédie. J’ai spontanément relié spirituellement les deux évènements, l’Ostention et le naufrage, pensant à ce que nous écrit le Pape dans le document présentant la prochaine Année de la Miséricorde qui s’ouvrira le 8 décembre : « Combien de blessures ne sont-elles pas imprimées dans la chair de ceux qui n’ont plus de voix parce que leur cri s’est évanoui et s’est tu à cause de l’indifférence des peuples riches » (Misericordiae Vultus, n°15).
Face au cynisme destructeur et à l’anesthésie de l’âme qui nous empêchent de voir la misère des populations du Sud, François s’exclame : « Que leur cri devienne le nôtre et qu’ensemble nous puissions briser la barrière d’indifférence qui règne souvent en souveraine pour cacher l’hypocrisie et l’égoïsme ».
L’accueil des étrangers est une œuvre de miséricorde qui nous est demandée dans l’Evangile (Matthieu 25). Il s’agit de voir en eux rien moins que la chair du Christ. « C’est dans chacun de ces « plus petits » que le Christ est présent. Sa chair devient à nouveau visible en tant que corps torturé, blessé, flagellé, affamé, égaré… pour être reconnu par nous, touché et assisté avec soin », parce qu’au soir de notre vie nous serons jugés sur l’amour.
Persuadé de cela il m’arrive de participer le soir à des distributions de repas dans une gare de Rome, et je suis édifié par les volontaires que j’observe, dont nous avons tous beaucoup à apprendre au lieu de craindre pour l’avenir de nos retraites… La façon généreuse dont les italiens organisent le secours aux migrants est en effet un témoignage pour toute l’Europe, repue et repliée sur elle-même.
Dimanche après-midi, méditant sur tout ce qui se passe en Méditerranée, me revenaient en mémoire les commentaires de saint Augustin dans la Cité de Dieu , à propos des invasions barbares et du sac de Rome qu’il considérait comme l’occasion de rajeunir dans le Christ, en se dégageant des contingences temporelles. Le vieux monde désespéré, et notre Vieux Continent moribond, accroissant les blasphèmes, les justifiant jusqu’à en faire des « droits », refusant la vie, niant la différence et la complémentarité des sexes, ne pourra que se renouveler avec l’afflux actuel de ces migrants qui rempliront les berceaux et les lieux de culte que notre société laïque, libérale et bourgeoise, a honteusement laissés vides depuis des décennies.
Sauver ces personnes, victimes d’injustices, hommes, femmes et enfants, c’est sans doute aussi sauver la Civitas!

1 Comment

  1. Judith dit :

    Quelqu’un s’est posé la question : cette obscurité qui s’abat sur l’Europe n’est-elle pas finalement “l’ombre du Père qui s’avance”?
    alors avec, forcément, le Fils dans le moment de son Abandon mais déjà Ressuscité et l’Esprit qui éclairera toutes choses.
    Plaçons nous dans la perspective du Dieu vivant, un et trine, et aidons nous à aimer qui est à côté de nous dans l’instant présent.
    Judith

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