« La Bonne Mère fait de la haute couture avec des petits riens »

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Marseille, « carrefour des peuples », a fait universellement retentir le message fraternel du successeur de Pierre, sous le regard de Notre-Dame de la Garde. Ce voyage pontifical, le premier d’un pape dans la Cité phocéenne depuis 500 ans, était la deuxième visite de François en France, après Strasbourg en 2014.

« Avec vous, je prie la Vierge, Notre-Dame de la Garde, de veiller sur votre vie, de garder la France et toute l’Europe, et de nous faire tressaillir dans l’Esprit », a dit le Pape François aux 60 000 fidèles de toutes origines rassemblés dans le stade Vélodrome, à Marseille, lors de la messe qu’il présidait samedi dernier, la première célébrée par lui dans ce pays.

Durant son homélie il est revenu sur l’épidode évangélique de la Visitation, parabole de la culture de la rencontre chère à son cœur, comparant Marie à la « véritable Arche d’Alliance qui introduit le Seigneur incarné dans le monde ». « Elle est la jeune Vierge qui va à la rencontre de la vieille femme stérile et, en portant Jésus, elle devient le signe de la visite de Dieu vainqueur de toute stérilité. Elle est la Mère qui monte vers les montagnes de Juda pour nous dire que Dieu se met en route vers nous, pour nous chercher avec son amour et nous faire exulter de joie », commenta-t-il, invitant l’assemblée cosmopolite à  regarder Marie « qui se dérange en se mettant en route ».

« Dieu est précisément comme cela : il nous dérange, il nous met en mouvement, il nous fait “tressaillir”, comme avec Élisabeth », poursuivit-il, avant de délivrer son message essentiel, comme un appel adressé au monde entier depuis le cœur de la Méditerranée : « Et nous voulons être des chrétiens qui rencontrent Dieu par la prière et nos frères par l’amour, des chrétiens qui tressaillent, vibrent, accueillent le feu de l’Esprit pour se laisser brûler par les questions d’aujourd’hui, par les défis de la Méditerranée, par le cri des pauvres, par les “saintes utopies” de fraternité et de paix qui attendent d’être réalisées ».

Venu à Marseille pour la conclusion des Rencontres Méditerranéennes réunissant, après Bari (2020) et Florence (2022), des évêques des divers pays concernés, son 44ème voyage apostolique – les 22 et 23 septembre – s’est totalement déroulé sous le regard de la « Bonne Mère », comme les habitants de Marseille surnomment la Vierge Marie, dont la statue veille sur la ville depuis le sanctuaire de Notre-Dame de la Garde, perché sur la colline, face à la mer, où l’art roman se mêle à l’art byzantin pour exprimer l’unité entre l’Occident et l’Orient.

Il a d’ailleurs souhaité s’y rendre dès son arrivée pour prier et se recueillir en mémoire des personnes fuyant la misère et la guerre, mortes noyées en Méditerranée. « Nous avons adapté le sanctuaire pour accueillir le Saint-Père qui se déplace en chaise roulante. Il a prié en silence devant la statue de la Vierge et déposé à ses pieds un cierge allumé avec une grande émotion dans le regard », raconte le Père Olivier Spinoza, recteur du sanctuaire. À son initiative, la basilique a également accueilli une réunion des recteurs des sanctuaires marials méditerranéens, de Nazareth à Medjugorje, de Lampedusa à Alger, ainsi qu’une exposition mariale intitulée Ave Maria, un pèlerinage en Mediterranée, dédiée à Marie dans le sillage de la “théologie de la Méditerranée”, élaborée par l’archevêque de Marseille, le cardinal Jean-Marc Aveline, théologien de renom, « pied-noir », Français né en Algérie, très engagé dans le dialogue interreligieux.

« Arrivant à Marseille, je me rallie aux plus grands : sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, saint Charles de Foucauld, saint Jean-Paul II, et tant d’autres qui sont venus ici en pèlerinage pour se confier à Notre Dame de la Garde. Nous déposons sous son manteau les fruits des Rencontres méditerranéennes, avec les attentes et les espérances de vos cœurs », a d’emblée dit le Saint-Père dans la basilique mariale, s’adressant au clergé marseillais ainsi qu’aux recteurs des sanctuaires de la Méditerranée.

De façon poétique, le successeur de Pierre invita ses auditeurs, « en ce carrefour des peuples qu’est Marseille », à méditer avec lui sur trois images de Marie vénérées dans la basilique : « La première est la grande statue qui la surplombe et qui la représente lorsqu’elle tient l’Enfant Jésus bénissant. Voilà : comme Marie, nous portons partout la bénédiction et la paix de Jésus, dans toutes les familles et dans tous les cœurs. C’est le regard de la miséricorde. La deuxième image se trouve en dessous de nous, dans la crypte : c’est la Vierge au bouquet, le don d’un laïc généreux. Elle aussi porte l’Enfant Jésus sur un bras et nous le montre, mais elle tient dans l’autre main, au lieu d’un sceptre, un bouquet de fleurs. Cela nous fait penser à la façon dont Marie, modèle de l’Église, en nous présentant son Fils, nous présente également à Lui, comme un bouquet de fleurs dans lequel chaque personne est unique, belle et précieuse aux yeux du Père. C’est le regard de l’intercession. Enfin, la troisième image est celle que nous voyons ici au centre, sur l’autel, qui frappe par la splendeur dont elle rayonne. Nous aussi, chers frères et sœurs, nous devenons un Évangile vivant dans la mesure où nous le donnons, en sortant de nous-mêmes, en reflétant sa lumière et sa beauté par une vie humble, joyeuse et riche de zèle apostolique ».

Après la récitation de la prière à Notre-Dame de la Garde et le chant de l’Ave Maria de Lourdes, le Pape se dirigea en fauteuil roulant vers la stèle des disparus en mer, toute proche, rendant un hommage vibrant à tous ceux qui se dévouent au service de l’accueil des étrangers en difficulté. « Vous êtes Marseille de l’avenir. Avancez sans vous décourager, afin que cette ville soit pour la France, pour l’Europe et pour le monde une mosaïque d’espérance », lança-t-il aux personnes présentes autour de lui, membres d’associations oeuvrant pour l’intégration des migrants et des réfugiés.

Au lendemain de cette veillée, second jour de sa visite, avant la messe conclusive au stade Vélodrome, le Pape se rendit à la Maison des Missionnaires de la Charité à Saint Mauront où il a rencontré en privé des personnes en situation de précarité économique. Il leur fit don d’une statue rappelant l’humilité de saint Joseph et l’importance de son silence, de son « écoute de la voix de Dieu ». Il avait rendez-vous ensuite, dans la matinée du samedi 23, avec les participants des Rencontres méditerranéennes au Palais du Pharo, près du Vieux Port de Marseille, parmi lesquels plusieurs dizaines de jeunes, délégués d’une vingtaine de pays du pourtour de la Méditerranée, venus des cinq rives de Mare nostrum : l’Afrique du Nord, le Proche-Orient, la mer Noire-Égée, les Balkans et l’Europe latine.

Dina, une jeune libanaise migrante, ouvrit la réunion par un chant de l’Ave Maria en langue syriaque, puis le Saint-Père – ayant fait retentir le « cri de douleur qui transforme la Mare nostrum en Mare mortuum » – mit en lumière la persistance de l’enseignement de l’Eglise sur le « devoir de l’accueil », citant notamment un de ses vénérés prédécesseurs, le prophétique pape Pie XII, qui écrivit il y a déjà 70 ans : « La famille de Nazareth en exil, Jésus, Marie et Joseph émigrés en Egypte […] sont le modèle, l’exemple et le soutien de tous les émigrés et pèlerins de tous les temps et de tous les pays, de tous les réfugiés de toute condition qui, poussés par la persécution ou par le besoin, se voient contraints d’abandonner leur patrie, les personnes qui leurs sont chères, […] et se rendre en terre étrangère » (Const. ap. Exsul Familia de spirituali emigrantium cura, 1er août 1952).

Après ces journées mémorables, le cardinal Jean-Marc Aveline – désormais papabile – commente humblement en forme de synthèse à propos du miracle de ce voyage historique effectué sous le regard de la Vierge Marie, dans cette ville de Marseille qui l’une des plus pauvres de France mais aussi l’une des plus vivantes : « La Bonne Mère fait de la haute couture avec des petits riens ».

François Vayne

 

 

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