Magdeleine Hutin (1898 –1989), la fondatrice des petites sœurs de Jésus, avait choisi Marie pour mère. Elle a été déclarée vénérable par le Pape François le 13 octobre 2021.
« Notre-Dame du monde entier, donne-nous ton tout petit Jésus, le fils de Dieu, le sauveur du monde : ce sont les mots de notre prière quotidienne. Nous voulons recevoir l’Enfant Jésus des mains de la Vierge, pour à notre tour le porter, mystérieusement caché en nous, et le donner comme elle à tous en incarnant sa tendresse », dit petite sœur Paola, postulatrice de la cause de béatification de petite sœur Magdeleine, dont le corps repose à Tre Fontane, près du lieu où Marie est apparue en 1947 à un père de famille, Bruno Cornacchiola, et à ses trois enfants.
« Petite sœur Magdeleine voulait que les noviciats de la congrégation, comme celui de Rome, soient toujours situés près d’un lieu d’apparition mariale, tel que Altötting, Banneux, Lourdes ou Fatima… », poursuit petite sœur Paola, qui insiste sur le lien très fort de sa congrégation religieuse féminine contemplative avec la Mère du Christ. « Ne sois jamais grande pour la Sainte Vierge. Laisse-la t’entourer de sa tendresse maternelle. Demande-lui de t’apprendre les secrets de son amour si délicat pour le Seigneur », écrivait petite sœur Magdeleine à ses sœurs, en s’inspirant de la spiritualité de saint Charles de Foucauld basée sur l’esprit d’enfance et d’abandon. « Garde toujours pour Elle, ta maman du Ciel, un cœur de tout petit enfant », leur conseillait encore la fondatrice, les invitant à recevoir de l’Enfant Jésus « un amour universel, au-dessus des divisions de classes, de nations et de races ». Petite sœur Magdeleine signera d’ailleurs toujours ses lettres aux petites sœurs par les mots « avec toute ma tendresse », inspirés de son expérience intime de Dieu.
C’est à la lecture de la biographie de Charles de Foucauld, l’apôtre des Touaregs, écrite par René Bazin et publiée en 1921, que la jeune Magdeleine Hutin, directrice d’une école dans l’Ouest de la France, à Nantes, a senti l’appel à une consécration religieuse contemplative vécue au cœur du monde, dans l’esprit de Nazareth. Son père, médecin militaire qui servit en Afrique du Nord, lui avait transmis l’amour pour les peuples arabes.
Âgée de 38 ans, elle embarqua pour l’Algérie en 1936, avec une amie, Anne, puis après une période de formation chez les Sœurs missionnaires de Notre-Dame d’Afrique, ou « Sœurs blanches » – en accord avec Mgr Gustave Nouet, le Préfet Apostolique du Sahara à Gardhaïa – toutes deux firent leurs premiers vœux le 8 septembre 1939. Ce jour est devenu la date historique de la fondation de la Fraternité des petites sœurs de Jésus. L’expérience spirituelle fondatrice de Magdeleine Hutin s’est déroulée cette année-là, au début de la Seconde Guerre mondiale : dans un songe, elle reçut l’Enfant Jésus des mains de la Vierge Marie. Dès lors il ne la quittera plus.
Portant Jésus en elle, Magdeleine partit avec sa première compagne vivre comme des nomades au milieu des nomades dans le désert. La phrase de saint Charles de Foucauld, « Jésus est le maître de l’impossible », devint la devise de petite sœur Magdeleine, qui fut rejointe progressivement par de nombreuses sœurs. À partir de 1946, elle enverra les petites sœurs sur tous les continents, non plus seulement parmi les nomades mais aussi comme « ouvrières au milieu des ouvrières »… sans but direct d’évangélisation et dans une simple présence d’amitié, comme Jésus à Nazareth. Elle jouera en ce sens un rôle important dans la rénovation de la vie religieuse qui a suivi le Concile Vatican II.
« Nous essayons de mettre en pratique une charité respectueuse et délicate, celle du cœur de Jésus. Nous offrons notre vie pour que tous les hommes soient sauvés, pour que la paix règne dans la justice et charité, et pour que les persécuteurs des croyants et tous les oppresseurs soient désarmés par son amour », commente petite sœur Isabelle, de la communauté de Tre Fontane. « Avec Jésus, le maître de l’impossible, sous la protection de Notre-Dame, petite sœur Magdeleine a allumé des foyers d’amour partout, révélant un Dieu qui ne fait pas peur, un Dieu sous les traits d’enfant faible qui se donne, jusqu’en Chine où elle alla en 1979, à 81 ans… », ajoute petite sœur Bernadette-Blandine, elle aussi en mission à Rome.
A partir de 1957, jusqu’à sa mort, petite sœur Magdeleine a voyagé chaque année plusieurs mois dans les pays d’Europe de l’Est. Depuis son enfance, elle ne supportait aucune barrière. Ainsi, à plus de 90 ans, elle est partie à Kiev, en URSS, pour les festivités du millénaire du baptême de la Russie, espérant de tout son cœur la chute du mur de Berlin. Accidentée, elle retourna à Rome et mourut le 6 novembre 1989. Le mur tomba quatre jours plus tard et ses funérailles furent célébrées ce même jour.
En quittant ce monde, petite sœur Magdeleine confia ses sœurs à celle qu’elle aima honorer comme « la Médiatrice de toutes grâces », « parce qu’on lègue toujours ce qu’on a de plus cher à la personne qu’on chérit le plus ou envers qui on a la plus grande confiance ». Comme elle le souhaita, sa tombe – où de nombreux pèlerins viennent prier et lui demander d’intercéder – est ornée par une icône de la Vierge de la tendresse.
François Vayne