Au Moyen Âge, le Monte Mario se trouvait sur la Via Francigena, empruntée par les pèlerins pour accéder à Rome. Il s’agit de la plus haute colline de la Ville éternelle, qui culmine à 139 mètres, sur la rive droite du Tibre. Elle tiendrait son nom du cardinal Mario Mellini, qui y possédait une villa et plusieurs hameaux à l’époque du pape Benoît XIV. Certains pensent que Mario viendrait plutôt de « mare » – la mer, en italien – faisant référence aux fossiles marins qui s’y trouvent, ou parce qu’il y est possible de voir la côte maritime. Depuis ce sommet, au nord-ouest de Rome, le panorama est en effet exceptionnel.
La plus belle vue se découvre le long du sentier du parc naturel, à l’entrée duquel se dresse depuis le XVIIème siècle l’église de la Vierge du Rosaire, où est vénérée une antique icône byzantine, attribuée selon la tradition à l’évangéliste saint Luc. Non loin de ce sanctuaire, au bout du sentier, un monument représentant Marie, « Salus Populi Romani » – « Sauvegarde du peuple romain » – a été érigé après la Seconde Guerre mondiale, en forme de remerciement pour la miraculeuse libération de la cité universelle.
Du haut du Monte Mario, une grande statue toute dorée scintille dans la lumière du soleil et brille la nuit, bénissant tous les habitants ainsi que les pèlerins de passage. Elle domine le Foro Italico, complexe sportif où se trouve le célèbre stade olympique construit en 1953. Haute de neuf mètres, juchée sur un piédestal de dix-huit mètres, cette Vierge dorée est l’œuvre d’un sculpteur italien de religion juive, Arrigo Minerbi, qui la réalisa gratuitement, pour rendre hommage aux prêtres catholiques qui l’avaient sauvé de la déportation organisée par la Gestapo. Il était en particulier reconnaissant envers les religieux de l’œuvre de Don Luigi Orione, un prêtre italien très actif pour soulager la misère du peuple, apôtre des enfants des rues, canonisé par saint Jean Paul II en 2004. L’artiste voulut s’inspirer du visage imprimé sur le Saint-Suaire pour sculpter le visage de la statue mariale, considérant avec sensibilité que le Christ devait ressembler trait pour trait à sa mère.
Cette belle histoire commença lors du tragique bombardement de Rome, le 9 août 1943. L’association des amis de Don Orione proposa au pape Pie XII, par l’intermédiaire de Mgr Montini, son premier collaborateur qui en était membre, de faire un vœu public à la Vierge en lui demandant sa protection. Une pétition d’un million de signatures appuya cette requête, accueillie et relayée par le Saint-Père. Il s’agissait, par ce vœu, de mettre sa propre vie en conformité avec la volonté de Dieu et de créer une œuvre de charité au service des victimes de la guerre.
Après le débarquement des troupes alliées à Anzio, en janvier 1944, Rome devait devenir l’épicentre du combat et risquait d’être détruite. Le 20 mai 1944, l’image de la Vierge du Divin Amour, « Salus Populi Romani », fut portée depuis son sanctuaire populaire, situé à une douzaine de kilomètres au sud de la ville, jusqu’à l’église Saint Ignace, au cœur de Rome, afin que la population puisse venir la vénérer et l’invoquer. C’est dans cette église qu’au nom du pape Pie XII la formule de la promesse sera lue solennellement en forme de consécration, le 4 juin, à la fin d’un octave de prière, en présence d’une foule immense. Le même jour, vers 19h, les soldats allemands et américains se croiseront sans coup férir, les uns quittant la ville, défaits, les autres y pénétrant en libérateurs.
Le souverain pontife attribua subitement la protection de Rome à l’intercession de Marie, qu’il alla personnellement remercier en s’agenouillant le 11 juin devant son image, dans l’église Saint Ignace. Les amis de Don Orione, à l’origine du fameux vœu, décidèrent ensuite de fonder une école et un lieu de vie pour les orphelins de guerre et les enfants abandonnés, qu’ils construisirent sur le Monte Mario, dans un ancien édifice de la jeunesse fasciste. Près de ce centre, ils voulurent édifier une statue en souvenir de ces évènements, rendant hommage à Celle qui demeure plus que jamais la protectrice de Rome.
L’inauguration de la Vierge dorée, fabriquée avec du cuivre de récupération, eut lieu le 5 avril 1953, lors de la fête de Pâques. Le sculpteur juif qui en est l’auteur généreux demanda plus tard le baptême dans l’Eglise catholique, après un long cheminement intérieur et une retraite spirituelle décisive sur la paternité divine. Il remit son âme à Dieu en tenant sur son cœur le crucifix de Don Orione.
François Vayne, journaliste et écrivain
1 Comment
Très belle histoire ! Merci de nous l’avoir écrite. Je connais bien Rome, la prochaine fois, j’essaierai d’aller sur le Monte Mario.