« Le sommet se trouve dans un regard »

Voici venu le temps de la miséricorde, pour que la caresse de Dieu parvienne à tous
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Lors du Consistoire durant lequel François a créé dix-sept cardinaux, samedi dernier, un message pontifical fort a été délivré, en partie couvert par l’actualité de la clôture du Jubilé, le lendemain. Le Saint-Père a demandé à ses plus proches collaborateurs, ces nouveaux membres du collège cardinalice qui seront chargés d’élire son successeur, d’aller porter l’espérance « au cœur de la foule », comme l’ont fait les disciples du Christ.

« Le vrai sommet s’atteint dans la plaine, et la plaine nous rappelle que le sommet se trouve dans un regard », a-t-il dit avec beaucoup de sensibilité.  Cet appel à rejoindre « le quotidien de la vie rompue et partagée », parce que « le chemin vers le ciel commence dans la plaine », s’accompagnait de l’invitation à aimer les adversaires, à leur faire du bien, à les bénir et à prier pour eux, selon l’enseignement de Jésus. « L’ennemi est quelqu’un que je dois aimer » a souligné le Pape, précisant que « dans le cœur de Dieu, il n’y a pas d’ennemis », « Dieu n’a que des enfants ».

La veille, le vendredi, il s’était rendu au tribunal romain de la Rote, pour parler à une centaine d’évêques en formation, réunis autour de la question des procès matrimoniaux et donc des nullités de mariage. Réaffirmant sa volonté d’inclure dans la pastorale de l’Eglise les personnes qui ont connu l’échec conjugal, puisqu’elles restent incorporées au Christ en vertu de leur baptême, le Pape a mis en valeur l’unique nécessaire, la « salus animarum », la santé des âmes, en se fondant sur les écrits théologiques de saint Grégoire de Nazianze. C’est en vue de cette santé spirituelle qu’il a recommandé aux évêques de jouer leur rôle de médecins des âmes, en partant toujours des personnes dans les problématiques matrimoniales, sans laisser les questions de type économique ou administratif constituer des obstacles à la vérification de la validité d’un mariage.

« L’Eglise chemine depuis toujours comme une mère qui accueille et aime, à l’exemple de Jésus Bon Samaritain », fit-il remarquer à ces pasteurs qui avaient notamment écouté aussi le cardinal Christoph Schönborn, sur l’amour dans la famille, à partir de l’exhortation Amoris laetitia.

Cette exhortation apostolique post-synodale, du 19 mars dernier, déchaîne des critiques parfois très acerbes de la part de personnalités ecclésiales rigides, opposées aux ouvertures missionnaires de ce pontificat. Ainsi quatre cardinaux, dont trois sont en retraite, ont diffusé leur lettre adressée au successeur de Pierre, contenant des questions offensives contre lui, l’accusant indirectement d’hérésie à propos de ces décisions en faveur de l’accès aux sacrements – dans certains cas – des personnes divorcées remariées. Ces prélats provoquent de cette façon un scandale dans le peuple de Dieu, péché grave condamné par Jésus dans l’Evangile de saint Matthieu (18, 7), et manifestent leur défiance envers le magistère suprême du Pape, renforcé par deux synodes d’évêques venus du monde entier.

Dans ce contexte les mots de François s’éclairent encore mieux, s’agissant de la qualité de l’amour envers les ennemis, et de l’exigence d’aller au milieu des « tourments » des gens (Luc 6, 18), pour révéler la miséricorde de Dieu.

François fait face à une opposition interne dure, qui se cache derrière ce petit groupe de cardinaux âgés, et nous avons le devoir de prier pour lui chaque jour. Rigorisme et triomphalisme ont trop longtemps conduit l’Eglise à briller de sa propre lumière et non de celle du Christ. La réforme actuelle a pour but de faire sortir l’Eglise d’elle-même, pour qu’elle devienne davantage « mysterium lunae », le mystère de la lune, en reflétant la lumière du Seigneur.

C’est ce que le Saint-Père a voulu réaffirmer en ces jours, à travers deux grands entretiens, l’un à L’Avvenire et l’autre à TV2000, où il revient sur ces thèmes, en particulier sur la rigidité qui en général « cache un manque, une triste insatisfaction », de l’insécurité et parfois des choses bien pires, comme une double vie. Il évoque d’ailleurs un film « Le Festin de Babette », pour nous aider à comprendre les ressorts de ce rigorisme étouffant, anti-évangélique, parasite clérical dont l’Esprit Saint veut débarrasser l’Eglise du Christ. Et dans un entretien récent avec le Père Antonio Spadaro, introductif à un recueil de ses homélies données à Buenos Aires (1), le Pape résume : « La rigidité est défensive, l’amour vrai n’est pas rigide ».

(1) Nei tuoi occhi è la mia parola. Rizzoli. 1056 pages, 26 euros.

 

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