Mon livre autobiographique est un témoignage d’espérance. Il sort en librairie ce 7 avril, partout en France. J’espère, à travers cette œuvre, ouvrir un dialogue d’amitié avec vous, chers lecteurs, sachant que chacune de nos vies est comme un roman d’aventures où la lumière, si fragile soit-elle, peut toujours triompher des ténèbres. Tandis que la situation internationale semble déraper vers une troisième guerre mondiale, cherchons à être artisans de paix là où nous vivons, avec la force de l’amour. La préface de mon livre, signée par le grand journaliste de l’AFP Jean-Louis de la Vaissière, nous invite à renouer avec cette foi des humbles qui ouvre l’avenir.
Préface de « Ta blessure ouvre à la lumière » (éditions Plon)
par Jean-Louis de la Vaissière, chef de service à l’Agence France Presse
C’est une passion pour le Dieu unique et miséricordieux, mais aussi une quête d’identité et de la colère, qui se déversent comme un torrent tout au long de ce livre-récit d’une vie: dialogue avec Dieu, par et avec la Vierge Marie et les saints. Une rose, une bague, une date, une coïncidence, un retour sur un lieu, tout est signe pour François Vayne, rien n’est hasard.
« Ta blessure ouvre à la lumière ». Pour le jeune pied-noir né en 1962 à Alger et qui resta en Algérie jusqu’à ses dix-sept ans avant de gagner Marseille, cette quête part de deux questionnements qui puisent dans une double blessure: c’est l’absence d’un père qui ne s’est jamais manifesté à lui durant sa jeunesse, et c’est l’Algérie qui explose et rompt avec la France au milieu de la violence, des trahisons et des reniements. Tout cela crée un tumulte, des cauchemars, une quête de sens dans l’esprit de l’enfant ultra-sensible qui croyait à une Algérie française et se révolte contre deux données injustes qui conditionnent si tôt sa vie, son bonheur, son futur.
Il faut rajouter une troisième souffrance plus récente, qui est évoquée avec pudeur et discrétion, pour éviter de faire de la peine à son entourage: celle d’un divorce avec, comme il l’écrit, « la mère de mes enfants ». Il ne cache pas sa douleur, son trouble pendant des années sombres, mais choisit de ne pas s’épancher sur ce sujet.
François va trouver un père en Dieu, une patrie dans le religieux – l’interreligieux, christianisme et islam réconciliés –, et enfin un nouvel amour.
Tout cela est écrit de manière vivante, parfois avec humour, dans une exubérance toute méditerranéenne, par celui que ses amis ont parfaitement décrit comme un « épicurien marial », la lumière du Midi se réfractant dans les plis du manteau de la Vierge.
Pour revenir aux deux traumas de l’enfance de François Vayne qui ont les racines du livre: il naît dans une famille très religieuse, sa mère tombant enceinte, décide de garder le bébé, dans cette période très troublée -1961/62- de la fin de la guerre d’Algérie. Il arrive ainsi sur terre fils unique illégitime, devant grandir sous les préjugés, le jugement des autres, des voisins, des élèves de son âge. Cette quête d’un père absent – qu’il retrouvera bien plus tard peu avant sa mort –, crée chez l’enfant l’impression de n’être pas bien accepté dans le monde, ce qui expliquera que sa foi dans le Père du ciel n’en sera que plus forte. Il a une adolescence perturbée, de rebelle : il explique a posteriori qu’il aurait pu tourner mal s’il n’avait pas trouvé Dieu. Cette absence du père explique aussi l’engagement très vif et la colère de François Vayne contre toutes les évolutions sociétales qui nient la filiation.
La deuxième déchirure, c’est un rêve brisé d’une société fraternelle intercommunautaire. Il y a cru, il avait vu dans son quartier, son immeuble, qu’il y avait des amitiés qui se tissaient entre les pieds-noirs et algériens arabes. Il perçoit des manipulations, des trahisons, des manœuvres de part et d’autre, y compris internationales, qui ont empêché à cette coexistence de perdurer. Est-ce que, comme je le pense, l’évolution n’était pas inéluctable comme on l’a vu avec l’ensemble de la décolonisation? Mais, c’est vrai, ce rêve d’une Algérie dans la France, le début du récit montre bien à quel point il a pu être partagé par des petites gens pacifiques qui ont ensuite payé le prix fort d’une répression cruelle. Pour lui, le dialogue entre chrétiens et musulmans est naturel et fécond, il l’a vu se dérouler autour de lui.
Il y a plusieurs et fortes autres originalités dans ce livre passionné, au ton parfois enflammé, sous forme de supplique à Dieu: l’amour de l’Eglise, corps incarné du Christ, réalité de fraternité. Cela est accompagné très fortement par le désir d’amener à elle le maximum d’hommes et de femmes perdus dans le monde actuel. Dans cette « mission », il rejoint la démarche de nombreux saints et saintes, bienheureux et bienheureuses qu’il cite tout au long des pages comme la petite Bernadette de Lourdes – ville où il travaillera vingt-six ans comme journaliste et directeur de la communication des sanctuaires –, Saint Augustin, Sainte Thérèse, Saint François d’Assise, Louise de Marillac, Saint Philippe Néri, les moines de Tibhirine, saint Jean Paul II ou le saint du désert, Charles de Foucauld.
Frappante est aussi la confiance constamment répétée que de la souffrance naît un plus grand bien. « Ta blessure ouvre à la lumière »… « Si le grain ne meurt »…, tout a un sens dans le plan de Dieu, rien n’est absurde, Dieu est toute miséricorde. Il sait voir des signes dans les rencontres, les prières, les célébrations, il croit beaucoup à la dévotion populaire, aux apparitions de la Vierge sur lesquelles dans le passé il a écrit un livre. Il raconte des conversions, des itinéraires courbes et compliqués qui vont lentement vers un rapprochement avec le Seigneur. Sans doute se met-il lui-même dans ce sac-là : c’est un des intérêts de ce livre-plaidoyer, sa sincérité absolue. Pour François Vayne, on peut certes se divertir mais on ne peut pas être profondément heureux si on ne fait pas la rencontre avec Dieu.
Ce livre est l’occasion de croiser de nombreux prêtres de terrain, d’évêques, de cardinaux, de papes même. Un portrait, un raccourci de l’Eglise dans sa diversité. Le livre passe de l’un à l’autre, personnalités étonnantes et originales. François paraît très à l’aise avec eux, comme en famille. Il verra régulièrement Jean Paul II et aujourd’hui entretient des relations d’“ami” avec le Pape François qui lui a téléphoné au printemps 2020 le jour de la mort d’une personne âgée qu’il aimait, en pleine pandémie, pour exprimer son soutien dans la prière.
La dénonciation du monde consumériste et qui a perdu ses racines religieuses, qui change les lois de la vie, de la naissance à la mort, est une autre constante. Avec peut-être un biais trop dramatisant, unilatéral? Une telle parole vive contre le politiquement correct, l’adaptation silencieuse de tant de chrétiens devenus tièdes, la société liquide. Il explique dans une réflexion sur le Front islamique du salut (FIS) pourquoi de jeunes musulmans se sont radicalisés, faute de pouvoir comprendre une société occidentale sans Dieu, où l’homme prétend se faire dieu. Cette colère, ce réquisitoire fouettent, réveillent, même si les attaques contre la société et la laïcité peuvent paraître parfois excessives et trop générales.
La plus grande originalité du livre : cet enfant d’Alger, ce petit pied-noir qui pourrait avoir sombré dans la rancœur anti-arabe, est un grand défenseur de l’islam, dont il explique à quel point cette foi tire beaucoup de fruits excellents du christianisme, en reprenant les figures de Jésus, Marie et d’autres dans le Coran. Il nous révèle beaucoup de ces liens entre les deux religions qu’on connaissait mal, citant des sourates. Avec une bonne connaissance tirée de multiples conversations avec ses amis musulmans de sa jeunesse. Pour lui, l’islam de la majorité n’a rien à voir avec l’islamisme, et il n’y a pas de doute, les deux religions sont liées, et c’est le même Dieu qu’elles professent. Il semble même fasciné par une intensité plus pure et plus simple dans le respect de Dieu de la part de certains musulmans. Il confie même à un moment qu’adolescent il aurait pu devenir musulman, tant la loi du Coran lui paraît sans compromis. Fascination de l’islam qui n’aurait pas renié Dieu….
Il raconte tous ces gestes de part et d’autre auxquels il a assisté, avant que l’Algérie indépendante se radicalise, et après. Des hommes comme Christian de Chergé, le prieur de Tibhérine, qu’il a connu enfant, en sont les témoins. Ce plaidoyer pour la paix entre religions qui auraient abaissé leurs armes, dans le sillage de la visite de François d’Assise à Damiette, même si l’on peut regretter qu’il n’associe pas la troisième religion du Dieu unique, le judaïsme, pourtant si précieuse pour nos trois derniers Papes.
L’Eglise sort grandie de ce livre à un moment où elle est critiquée pour les abus commis en son sein. Il montre des curés vieille école solides, forts, patients, ardents. Il renoue – certains diront excessivement – avec la piété populaire, les légendes, les miracles, les apparitions –, cette foi des humbles qui ont tout perdu sur terre et qui gagnent tout au ciel, et qui tient tant à cœur au Pape François.