Dans le langage populaire, en France, nous parlons volontiers des “délices de Capoue” pour évoquer des lieux paradisiaques, ou des moments de plaisir inoubliables. Mais qui pourrait facilement situer cette ville italienne sur une carte, et raconter les évènements qui l’ont rendue célèbre? Pour ceux qui aiment l’histoire, l’évocation de Capoue rappelle le Carthaginois Hannibal, qui s’y trouva fort bien, au point de se laisser amollir dans les “délices”… jusqu’à perdre la guerre contre Rome. En réalité il aurait manqué de moyens pour assièger la rivale de Carthage. C’était environ 200 ans avant Jésus Christ. Plus tard, vers l’an -70, le gladiateur Spartacus conduisit depuis Capoue la grande révolte des esclaves, qui se termina par la crucifixion de 6000 de ses partisans le long de la Via Appia, cette route qui reliait le sud de l’Italie à Rome. Au-delà de ces dates marquantes, Capoue a connu un rayonnement extraordinaire qui lui valut d’être appelée “l’autre Rome”…
Fondée par les Etrusques, au neuvième siècle avant Jésus Christ, elle était le carrefour d’un pèlerinage à la déesse Diane, invoquée pour la fécondité féminine, et de nombreux ex-voto représentant des mères ont été retrouvés près de ce sanctuaire inspiré de la Grèce antique. Conquise et valorisée par Rome, avant d’être détruite par les Vandales, elle a accueilli le premier concile marial, en 392, au cours duquel les évêques d’Occident réunis par saint Ambroise de Milan réaffirmèrent solennellement la virginité de Marie, avant que le concile d’Ephèse lui donne le titre de Mère de Dieu.
Après le passage des Sarrazins, la nouvelle Capoue s’édifia grâce aux Lombards, puis aux Normands, aux Souabes, aux Angevins, et aux Aragonais. Le fils du pape Alexandre VI, Cesare Borgia, amoureux de la fille du roi Frédéric d’Aragon, qui se refusa à lui, fit détruire la ville et massacrer ses habitants en juillet 1501. Les Bourbons, alliés du pape, la choisirent pour place forte aux XVIIIème siècle, mais Garibaldi eut raison de leur résistance et de celle des Etats pontificaux au profit de l’unité italienne.
Aujourd’hui que reste-t-il de cette ville au passé préstigieux, et d’abord comment s’y rendre?
Au départ de Rome, il suffit de prendre le train, à la gare Termini, en direction de Caserta – la ville proche de Naples que les Bourbons avaient voulu aussi belle que Versailles – puis de changer de train pour “Capua”.
L’arrivée, moins de deux heures après, est décevante, il semble qu’il n’y ait pas de moyens de transport public ni de taxi, et les lieux semblent abandonnés. C’est incompréhensible. Le mieux est d’avoir reservé un hôtel avant de partir, pour être attendu à la descente du train, et guidé ensuite pour toutes les visites. La Tenuta San Domenico (www.tenutasandomenico.it) est le lieu de résidence idéal pour découvrir les nouveaux délices de Capoue. Francesco di Cecio, un architecte passionné, doté d’un grand sens historique, a donné à cette `hacienda` familiale la dimension d’un véritable petit paradis sur terre.
Il taille lui-même ses magnifiques rosiers, et veille à tous les détails de la vie quotidienne de ses hôtes, avec une délicatesse extrême et une patience à toute épreuve. Les repas y sont excellents, dignes d’être référencés par le Guide Michelin, même si l’endroit paraît perdu au bout du monde, ce qui fait d’ailleurs tout son charme.
La «Tenuta » est édifiée là où se sont affrontées les troupes de Garibaldi et celles des Bourbons, non loin de l’ancien sanctuaire de Diane, devenu un monastère bénédictin où l’archange saint Michel est honoré. Les moines ont quitté le site depuis longtemps, mais la basilique Sant’Angelo in Formis demeure un haut-lieu de prière et de pèlerinage, sur les hauteurs de Capoue, au pied du mont Tifata. Les fresques très bien conservées sont remarquables.
De là Francesco ou une personne de son équipe peut nous conduire visiter l’amphithéâtre de la vieille ville, à Santa Maria Capua Vetere, puis, dans la ville dite nouvelle qui date du Moyen Age, le Museo Campano (www.museocampano.it) qui expose notamment ces mystérieuses Matres Matutae. Ce sont des statues de mères, en tuf, datant de plusieurs siècles avant Jésus Christ, signes de la piété populaire de l’époque hellénistique où régnait le culte d’Artémis, assimilée à Diane par les Romains, cette déesse toujours vierge sensée protéger et favoriser la vie.
Dans le parc du musée une statue du dieu Volturno permet de mieux comprendre le rôle central du fleuve du même nom dans le développement commercial de Capoue, jadis, et aussi comme protection naturelle contre les prédateurs qui n’ont pas manqué au cours des siècles.
Au retour de ce périple au cœur de l’histoire italienne, il ne faut pas hésiter à faire une halte gourmande à Caserta, au restaurant Ria O’Masto, près du Palais Royal, pour un petit plat de fettuccine, des pâtes faites « a casa », qui feraient encore oublier Rome à Hannibal ! Attention à ne pas rater le train quand-même…
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Caro Francois,
sono davvero contenta che la mia Terra ti sia piaciuta. Peccato che quei luoghi, tanto ricchi di storia, non siano per nulla valorizzati.
Buona giornata e spero tu abbia `digerito`.
Carmen