« La prière secrètement illumine le monde » avait commenté saint Jean-Paul II à propos de ce rendez-vous interreligieux organisé sans syncrétisme ni relativisme. C’était au temps de la guerre froide, le mur de Berlin tenait encore debout, et il pouvait sembler que la paix entre les nations ne dépendait que des grands responsables mondiaux. Aujourd’hui, dans un monde globalisé, le virus du terrorisme se répand par internet, et la paix est partout menacée, au plus près de nous, dans la rue, dans les cafés, dans les églises ou les mosquées. Il est urgent que se lèvent des artisans de paix, dans les familles, les quartiers, les lieux de travail : nous sommes tous concernés personnellement, plus que jamais.
« Nous sommes appelés à être des arbres de vie qui absorbent la pollution de l’indifférence, et restituent au monde l’oxygène de l’amour », a dit le Pape durant sa méditation dans la basilique inférieure Saint-François. Commentant le thème de la rencontre - « Soif de paix, religion et culture en dialogue » - il a rappelé que du côté du Christ en croix sort de l’eau, symbole de l’Esprit qui donne la vie (Jean 19,34), demandant « que de nous, ses fidèles, sorte de la compassion, pour tous les assoiffés d’aujourd’hui ».
Les uns à côté des autres et priant les uns pour les autres, près de 500 leaders religieux de neuf religions étaient réunis à Assise depuis trois jours, grâce à la communauté Sant’Egidio, en lien avec le diocèse d’Assise et la famille religieuse franciscaine.
À l’ouverture de ces journées de la paix, samedi dernier, le président italien Sergio Matarella, catholique fervent, membre de l’Ordre du Saint-Sépulcre de Jérusalem, avait souligné que le dialogue de la culture peut prévaloir sur l’obscurantisme. De nombreux échanges ont eu lieu, et d’intenses moments de prière. Le Grand Mufti du Liban a souligné par exemple que le terrorisme tue l’islam. Le livre du cardinal Pietro Parolin, Secrétaire d’Etat du Pape François, intitulé « l’esprit d’Assise », a été offert à tous les participants, parmi lesquels de nombreux musulmans venus témoigner que la religion fait partie de la solution et non du problème dans un monde où les guerres sont suscitées par l’intérêt, et où les oppositions de nature religieuse ne sont que des prétextes attisés pour masquer la réalité.
« Seule la paix est sainte, pas la guerre », insista le Pape dans son discours, en fin d’après-midi, sur la place de la basilique, affirmant à la suite de Benoît XVI « qu’aucune forme de violence ne représente la vraie nature de la religion : elle en est au contraire son travestissement et contribue à sa destruction ».
« Nous, nous n’avons pas d’armes. Mais nous croyons dans la douce et humble force de la prière », notait encore François, ajoutant que « l’eau limpide de la paix dont l’humanité est assoiffée ne peut jaillir des déserts de l’orgueil ni des intérêts de parti, des terres arides du gain à tout prix et du commerce des armes ». Il nous invitait une fois de plus, là où nous sommes, à « assumer les conflits » pour les « guérir de l’intérieur », à « nous salir les mains pour qui en a besoin », à « entreprendre patiemment, avec l’aide de Dieu et de la bonne volonté, des processus de paix ».
Le matin le Saint-Père s’était entretenu avec le Patriarche Bartholomée de Constantinople, l’archevêque de Canterbury Justin Welby, le patriarche syro-orthodoxe Efrem II, ainsi qu’avec les leaders musulmans et juifs. Au repas en commun - qui marquait aussi le 25ème anniversaire du patriarcat de Batholomée – avaient pris part 25 réfugiés dont plusieurs sont arrivés en Italie grâce au projet œcuménique de couloir humanitaire.
Une réfugiée de Syrie, Tamar Mikalli, a témoigné de la force de la prière pendant la cérémonie conclusive, au cours de laquelle Andrea Riccardi , fondateur de la communauté Sant’Egidio, a comparé les religions à des « fontaines d’espérance » pour ceux qui ont soif de paix.
Chacun des responsables religieux a allumé une flamme, signe que la lumière de l’amour dissipe les ténèbres, tandis qu’un « Appel à la paix » était confié à des enfants du monde entier chargés de le transmettre à tous les gouvernants de la planète. « Qu’enfin s’ouvre un temps nouveau, où le monde globalisé devienne une famille de peuples », souhaite notamment cet Appel, insistant sur le fait que « tous nous pouvons être des artisans de paix ».
C’est le Pape Paul VI, dans la dynamique du Concile Vatican II qui, avec des documents comme Gaudium et Spes et Nostra Aetate, avait ouvert la voie du dialogue avec nos frères des autres religions. Jean-Paul II à mis en pratique les décisions conciliaires, Benoît XVI également – qui était à Assise pour les 25 ans de la première rencontre – et bien entendu le Pape François s’inscrit dans la même ligne. La ligne d’une Eglise en sortie renouvelée par le Concile.
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Même en suivant à distance cette rayonnante rencontre, chacun est rejoint et entraîné par sa douce force de vérité dans la miséricorde.