Alors que l’Année de la Miséricorde prend fin ce dimanche dans tous les diocèses du monde, le Pape vient d’accueillir un pèlerinage de sans-abri à Rome, comme pour nous indiquer – dans un geste – le message final de ce Jubilé extraordinaire qui est un appel à « inclure les autres, en évitant de nous fermer sur nous-mêmes et sur nos sécurités égoïstes », selon ce qu’il a dit à la dernière audience jubilaire, samedi, avant de laisser les plus pauvres prier autour de lui. La veille, dans le cadre du dernier «Vendredi de la Miséricorde » il avait rendu visite à des prêtres qui ont quitté le ministère, ainsi qu’à leurs épouses et à leurs enfants, manifestant cette volonté de la sainte mère Eglise de n’exclure personne et de « prolonger dans le monde le grand abbraccio du Christ mort et ressuscité ». Au regard de la situation internationale, en particulier après l’ouragan électoral aux Etats Unis, quelle peut-être notre participation à cet abbraccio, cette embrassade universelle de Dieu qui veut faire de tous une famille de frères et de soeurs, dans la justice, dans la solidarité, et dans la paix?
La victoire de l’homme d’affaires Donald Trump, contre l’establishement politico-financier symbolisé par Hillary Clinton, marque la fin d’un cycle, et ouvre une période de grande incertitude pour le monde occidental en particulier. L’Amérique a compris qu’elle n’est plus le maître du monde, et se replie sur elle-même, au plan économique surtout, en prenant du recul par rapport à l’idéologie du libre-échange. Cet isolationnisme pourrait permettre des rééquilibrages, dans un rapport gagnant-gagnant, avec la Russie et la Chine. Ce que l’on sait objectivement, c’est que les « invisibles », les laissés-pour-compte, ont constitué la grande force populaire qui a porté le milliardaire au pouvoir, dans un réflexe de peur face au chômage et à l’immigration illégale. Les victimes de la crise ridiculisent les élites, leur propagande médiatique et leurs sondages menteurs.
Cette gifle donnée au système du politiquement correct aura sans doute des répercussions en Europe, lors des prochaines échéances électorales, où la colère des peuples gronde aussi, de plus en plus. Au lieu de crier haro sur le « populisme » et d’être manichéens, nous ferions mieux d’entendre le cri des pauvres, et de répondre concrètement à leurs appels désespérés. « Si les gens sont si méchants, c’est peut-être seulement parce qu’ils souffrent », a dit avec justesse l’écrivain Céline, dans Voyage au bout de la nuit. Les leçons d’un passé encore récent devraient nous faire réfléchir, car c’est bien grâce à la magie « démocratique » que les plus grands dictateurs du XXème siècle se sont installés aux commandes, imposant ensuite la guerre et la mort à des millions d’innocents.
« Je ne porte pas de jugement sur les personnes et sur les hommes politiques, je veux seulement comprendre quelles sont les souffrances que leur mode de procéder cause aux pauvres et aux exclus », commentait récemment le Pape, interrogé sur Donald Trump dans La Repubblica. « Abattre les murs, construire des ponts », répète le successeur de Pierre, insistant sur cette exigence nécessaire à la paix. D’aucuns cherchent à faire de François le leader international de la gauche « progressiste » alors qu’il est simplement dans son rôle religieux, invitant les personnes à ne pas sombrer dans la haine de l’autre, à respecter les plus faibles, tous les exclus, à commencer par les enfants à naître dont personne n’entend la voix. Les choses ne sont certainement pas si simples qu’une logique binaire veut nous le faire croire. Les catholiques américains ont d’ailleurs voté en majorité pour empêcher Hillary Clinton de mettre en œuvre son programme grassement financé par « Planned parenthood », visant à autoriser sans limites l’avortement y compris dans le trois derniers mois avant la naissance, ainsi que ses projets pour légaliser partout le suicide assisté et l’euthanasie…
Prions donc pour Donald Trump au lieu de le maudire par avance, afin qu’il puisse s’entourer de personnes compétentes capables de lui inspirer de bonnes décisions, sans préjuger de l’avenir, et en défendant autant que nous le pouvons les valeurs du monothéisme biblique qui vont de l’accueil de la vie à la protection sociale des personnes les plus vulnérables ou déshéritées, de façon inséparable. En France, Jean-Frédéric Poisson, l’un des candidats aux primaires de la droite et du centre, semble parfaitement cohérent par rapport à cette ligne de crête, n’est-il pas de notre responsabilité de le soutenir avec courage et conviction?
Si l’Année de la Miséricorde se termine, par la fermeture des Portes Saintes ce 13 novembre dans tous les diocèses, l’espérance que nous avons puisé durant ce Jubilé extraordinaire nous porte à l’action, pour passer de l’indifférence égoïste à l’écoute et au soin de l’autre, et de l’idolâtrie du veau d’or à la compassion. Ce chemin vers l’essentiel commence vraiment, pour qui a voulu ouvrir son cœur à la grâce jubilaire. Le Saint-Père nous le précisait, dimanche, lors de la messe avec des milliers de sans-abri venus à Rome vivre leur jubilé, la « journée des pauvres ». Commentant la dernière page du dernier prophète de l’Ancien Testament, Malachie, François nous rappelait de ne pas mettre la sécurité de notre vie dans l’autosuffisance et les biens du monde. « Pour vous, le Soleil de justice se lèvera : il apportera la guérison dans son rayonnement », annonce le prophète à ceux qui ne cherchent pas leur intérêt personnel. « Où est-ce que moi je cherche ma sécurité ? Dans le Seigneur ou dans d’autres sécurités qui ne plaisent pas à Dieu ? Vers où s’oriente ma vie, vers où se dirige mon cœur ? Vers le Seigneur de la vie ou vers des choses qui passent et ne comblent pas ? », a demandé le Pape, expliquant que seules deux richesses ne s’évanouissent pas : le Seigneur et le prochain. « Voilà les plus grands biens à aimer. Tout le reste – le ciel, la terre, les choses les plus belles, même cette basilique – passe, mais nous ne devons pas exclure de notre vie Dieu et les autres », notait-il. « Ouvrons les yeux sur Dieu… ouvrons nos yeux sur le prochain, surtout sur le frère oublié et exclu », ajoutait-il face à « la contradiction tragique de nos temps » qui fait que « plus augmentent le progrès et les possibilités… plus il y a de gens qui ne peuvent pas y accéder ». « Sur eux pointe la loupe d’agrandissement de l’Église. Que le Seigneur nous libère du fait de diriger cette loupe vers nous-mêmes », considérait encore le Saint-Père.
Bernanos, s’adressant aux chrétiens au sujet de saint François d’Assise, lançait : « Vous l’avez applaudi, vous auriez dû le suivre ! ». Prenons garde à cette terrible critique et incluons les autres dans notre vie, avec humilité et simplicité. Ce sera la plus belle manière de devenir instruments de la Miséricorde du Père, dans la dynamique porteuse de l’évènement spirituel qu’il nous a été donné de vivre au cours de l’Année Sainte.
1 Comment
Quelle belle image touchante de notre Saint Père qui se laisse toucher par ces hommes et femmes avec lesquels,on le sent en grande communion de cœur et d’Esprit .Merci François pour ce bel article qui résume bien cette année sainte,et qui nous appelle en effet à être tous et toutes,des instruments de Miséricorde dans ce monde qui nous semble parfois si éloigné de Dieu ! Bonne continuation.Amitiés.