À la suite des attentats à Paris, début janvier, nous avons tous été envahis par la tristesse, éprouvant comme une forme de désespoir, un sentiment d’impuissance aussi, et une certaine colère s’est manifestée en nous face à la récupération idéologique de ce massacre programmé. Puisque les grandes métamorphoses s’opèrent le plus souvent à travers des drames, l’heure n’est-elle pas venue de nous mobiliser positivement en cherchant comment ouvrir des chemins de renouveau ?
Un des plus beaux témoignages entendus récemment à ce propos est celui, bouleversant, de Jamel Debbouze dans l’émission Sept à huit sur TF1, diffusé le 18 janvier dernier. Confiant que Charlie ne le faisait pas rire, car en tant que musulman il n’a pas la culture du blasphème, Jamel rend hommage à l’éducation qu’il doit à sa famille, il affirme également sa foi – « Dieu est dans le cœur des hommes » – et il proclame aussi son amour de la France, qu’il considère comme sa mère, lançant un appel au respect mutuel, socle pour la construction d’une société vraiment fraternelle.
Au-delà de nos différents points de vue sur les coulisses de ce « 11 septembre français », le chantier de la rencontre et du dialogue est en effet maintenant le seul qui vaille pour empêcher une guerre civile dans laquelle divers groupes d’intérêt veulent à tout prix nous entrainer. Vu de Rome, au plan universel, c’est le Pape qui inspire le mieux les gestes de bon sens et de sagesse capables de changer avec amour le cours de l’histoire. Je crois vraiment qu’en ces moments de grands dangers pour le monde, nous vivons à l’échelle planétaire une sorte de « thérapie pontificale » grâce à l’attitude et à l’enseignement du Saint-Père, témoin de l’Evangile vécu.
Le péché c’est de ne pas aimer
Dans cette dynamique marquée par l’impératif du respect de l’autre, où l’on comprend que le péché est de ne pas aimer, François continue de nous encourager dans la voie du dialogue interreligieux.
Avant l’étape des Philippines, au Sri Lanka, lors d’un mémorable rendez-vous avec d’importants leaders spirituels asiatiques, le Pape les a invités à une meilleure connaissance réciproque, à coopérer amicalement sans renoncer à leur propre identité. Dans l’avion qui le menait ensuite à Manille, il a bien sûr rappelé que tuer au nom de Dieu est une aberration, en précisant de façon très libre et imagée que « si un grand ami parle mal de ma mère, il peut s’attendre à un coup de poing ». La liberté d’expression ne donne pas le droit d’insulter, c’est sans doute la leçon que beaucoup de « Je suis Charlie » devraient retenir en France au lieu de continuer à promouvoir une laïcité sectaire et intolérante qui, à force de dessins haineux et irresponsables, offense la dignité des croyants, provoquant des représailles injustes sur des chrétiens sans défense en Afrique et au Moyen-Orient.
François a réitéré vendredi son appel à la compréhension réciproque, pour le 50ème anniversaire du PISAI, l’Institut Pontifical d’Études arabes et d’Islamologie, indiquant que cette tâche est plus que jamais nécessaire dans le contexte actuel : l’antidote le plus efficace contre toute forme de violence est l’éducation à la découverte et à l’acceptation de la différence. Il faut s’approcher de l’autre sur la pointe des pieds pour éviter de soulever la poussière qui brouille la vue, a en substance affirmé le Saint-Père. Quand nous approchons une personne qui professe sa religion avec conviction, son témoignage et sa pensée nous interpellent et nous amènent à nous interroger sur notre propre spiritualité, a-t-il précisé.
Ainsi nous devrions nous demander par exemple quel témoignage de prière nous donnons, nous chrétiens, et en quoi notre vie de charité donne goût à suivre le Christ ? Cette présence aux plus pauvres, le Pape en a souligné la priorité en allant récemment à la rencontre des victimes du typhon Haiyan qui dévasta les Philippines. « Mettre en pratique la charité est la meilleure manière d’évangéliser », dit un nouveau tweet de @Pontifex en date du 24 janvier. Avons-nous déjà donné notre manteau à un pauvre dans la rue ? Pour ma part j’ai envie de commencer par là, et c’est ce que j’aimerais avoir le courage de faire dès que l’occasion se présentera, le chapelet à la main.
La famille, première école du dialogue et de la communication
Loin d’une Europe repliée sur elle-même, qui perd la boussole de la transcendance et s’affole devant la force vitale irrépressible de populations jeunes issues d’autres cultures, les Philippines nous ont offert une bouffée d’espérance historique durant les jours de la visite papale.
Près de 7 millions de catholiques entouraient François pour la messe au Rizal Park de Manille, soit deux millions de plus qu’à l’occasion des JMJ présidées par Jean-Paul II dans ce pays il y a vingt ans, évènement inoubliable que j’avais à l’époque couvert pour le journal Ouest France. Ces foules océaniques indiquent où s’écrit l’avenir de l’humanité, tandis que le Vieux Continent décadent sombre dans la culture de mort.
La colonisation idéologique qui vise à détruire la famille et la vie a été avec fermeté dénoncée par le Pape aux Philippines, en même temps qu’il a souligné l’importance de la paternité responsable, déclarant dans l’avion du retour que les chrétiens ne sont pas des lapins… Ses propos ont suscité des commentaires, justifiant une mise au point du Substitut de la Secrétairerie d’Etat, Mgr Angelo Becciu, expliquant dans la presse que le Pape avait simplement voulu remettre en valeur la priorité de l’accord conjugal comme base pour le bonheur des enfants et l’équilibre familial. « La famille la plus belle est celle qui sait communiquer, en partant du témoignage, de la beauté et de la richesse de la relation entre homme et femme, et entre parents et enfants », note le Pape dans son message pour la Journée mondiale de la communication, publié le 23 janvier, veille de la fête de saint François de Sales. Il y reprend ce thème de la famille, qui est au cœur d’une réflexion décisive pour l’Eglise durant deux synodes, ajoutant que « nos vies sont tissées dans une seule trame trinitaire : les voix sont multiples et chacune est irremplaçable ». « Nous ne luttons pas pour défendre le passé – conclut-il – mais nous travaillons avec patience et confiance, dans tous les milieux que nous habitons au quotidien, pour construire l’avenir ».
Le rôle fondamental de la famille, première école de communication pour apprendre à se rencontrer dans l’accueil des différences est sans doute à revaloriser d’urgence, comme dix-mille personnes au moins l’ont souligné à Paris ce dimanche, avec « la Marche pour la vie », qui était officiellement soutenue par un message de François. Les manifestants ont dit aussi leur refus de la barbarie que constitue l’euthanasie, et de toute violence contre la vie, en particulier quand elle vise les plus faibles, mais aucune grande chaîne de télévision française n’a relayé l’information. Il nous reste en ce domaine, comme pour le dialogue interreligieux, à agir par l’intermédiaire des réseaux sociaux, dans un esprit de résistance qui portera ses fruits puisque Jésus-Christ est avec nous jusqu’à la fin du monde, comme il l’a promis.
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Elle est très parlante cette image d’approcher les personnes” sur la pointe des pieds pour ne pas soulever la poussière qui brouille la vue!” Parceque notre vie, à chacun, est RENCONTRE. Pour que se vive la rencontre sont necessaires des “conditions” comme dans une expérience scientifique : se regarder mutuellement , se saluer c’est à dire reconnaitre l’autre dans son existence , s’écouter comme un vide appelle un plein, etc… Me revient au coeur, la rencontre entre le Pape François et le Patriarche Bartolomeos, leur délicatesse , leur sollicitude l’un envers l’autre qui faisait voir le Paradis, qu’est-ce qui nous empêche de vivre comme au Paradis? Au moins nous pouvons y tendre dans chaque moment ?
Merci François de redéployer pour nous toute cette vie.