L’Ordre de Malte est en pèlerinage à Lourdes début mai. Voici un entretien avec le Grand Chancelier de l’Ordre, Jean-Pierre Mazery, pour la mémoire et pour l’histoire, comme un hommage à tous ces volontaires luttant contre la misère, au nom de la dignité humaine qui trouve sa source en Dieu lui-même. – Monsieur Mazery, vous êtes le Ministre des Affaires étrangères de l’Ordre de Malte, qui fête les 900 ans de son institution par le Pape Pascal II. La bulle pontificale, en 1113, parlait d’une « communauté monastique », est-ce que cette dimension d’engagement religieux, avec des vœux, demeure présente dans l’Ordre aujourd’hui ?
– La dimension religieuse de l’Ordre est aussi importante aujourd’hui qu’elle l’était lorsque le fondateur de l’Ordre, le Bienheureux Gérard, l’a créé il y a près d’un millier d’années. Cela signifie que toutes les œuvres caritatives de l’Ordre sont réalisées dans l’esprit de l’amour chrétien. Certains membres de l’Ordre, aujourd’hui encore, choisissent de consacrer leur vie, prenant ainsi les vœux religieux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance. C’est le fondement de l’Ordre comme Ordre religieux laïc.
– Le pèlerinage annuel à Lourdes est un temps essentiel pour la vie de l’Ordre, avec 7000 participants. Pouvez-vous expliciter le lien entre la dimension spirituelle qui est à la base de l’Ordre, et ses œuvres de charité toujours impressionnantes par leur exceptionnel « professionnalisme » ?
– L’Ordre a une double mission : prendre soin des pauvres et des malades et vivre selon les principes chrétiens. Notre pèlerinage international annuel à Lourdes illustre parfaitement ces deux objectifs. Nous nous réunissons en tant que pèlerins et nous accompagnons et prenons soin de nombreux pèlerins malades aussi. C’est toujours une occasion pleine d’inspiration pour tous les participants.
– La cause de béatification du précédent Grand Maître, Frà Andrew Bertie, est ouverte. Cela met en lumière l’actualité de la sainteté, et son enracinement dans la charité. « Nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie parce que nous aimons nos frères », dit l’apôtre Jean. Combien de saints compte l’Ordre, et quelle est la figure de sainteté la plus connue dans sa déjà très longue histoire ?
– Il y a 12 membres de l’Ordre qui sont certes reconnus comme des Saints et Bienheureux pour leur sainteté et leurs bonnes œuvres. Le plus inspirant pour les membres de l’Ordre est notre fondateur, le Bienheureux Gérard, qui a vécu au XIe siècle. Il a créé l’hôpital de l’Ordre à Jérusalem et lui et ses «frères» ont accueilli tous ceux qui étaient dans le besoin, quels qu’ils soient et de tous horizons. Cette prise en charge reste la source d’inspiration de l’Ordre encore aujourd’hui.
– L’Ordre entretient des relations diplomatiques avec plus d’une centaine d’Etats, en quoi concrètement cette médiation de niveau politique contribue à la paix dans le monde ? Avez-vous quelque exemple précis et récent en ce domaine ?
– Grâce à nos relations diplomatiques bilatérales et multilatérales, nous avons un accès direct aux différents gouvernements. Parce que l’Ordre a toujours été indépendant il est partout dans le monde, il est décentralisé et a une personnalité de type «nations unies». Nous agissons pour promouvoir les valeurs éthiques et sociales et nous aidons dans les situations d’urgence. Ainsi, nous contribuons à l’esprit de solidarité entre les nations et, par conséquent, à la paix dans le monde. Nous disposons d’un réseau diplomatique humanitaire, et nous travaillons à nous intégrer aux systèmes nationaux de santé et faciliter l’importation de l’aide médicale. La neutralité et l’impartialité de l’Ordre permettent de servir de médiateur et de conciliateur dans des situations de conflits, où il est difficile d’accéder pour d’autres.
– L’Ordre compte plus de 13 000 membres, 80 000 volontaires, il gère des hôpitaux, des maisons de retraite… Son action humanitaire s’exerce sur tous les terrains de conflits armés ou de catastrophes naturelles. Comment est vécue votre présence dans les pays à majorité musulmane, comme l’Afghanistan ou l’Irak ?
– L’Ordre travaille dans de nombreux pays musulmans. Nous avons d’excellentes relations diplomatiques bilatérales avec ces pays. Sur le terrain, les gens sont plus à l’aise face à des institutions qui sont basée sur la foi. De même que pour nous, il est plus facile pour eux de juger de notre sincérité et de notre travail – nous n’avons pas d’autre objectif que celui d’offrir de l’aide. Par exemple, en Afghanistan, au Pakistan, en Irak et en Syrie, les problèmes sont les conflits, pas la religion.
– En Afrique noire où sévit souvent la guerre, vous venez en aide psychologiquement aux femmes qui sont violées en masse par des « soldats »… La médiatisation de telles initiatives semble difficile, au moins en Occident. Avez-vous le sentiment d’être combattus par les tenants d’une idéologie laïciste, ou au contraire pensez-vous que l’Ordre est un pont qui favorise le dialogue avec les pouvoirs qui s’opposent au magistère de l’Eglise catholique ?
– L’Ordre est engagé dans l’assistance aux victimes d’agressions sexuelles, agressions qui sont aujourd’hui devenues des armes de guerre en Afrique. Nous avons mis en place différents types d’aide : l’assistance aux femmes ayant mis au monde des enfants fruits de ces agressions, ainsi que, dans les mois qui suivent, la mise en place d’une aide psychologique et sociale leur permettant de reconstruire leur vie étant donné qu’elles sont souvent rejetées par leur propre communauté, et une aide éducative afin qu’elles puissent en confiance affronter leur propre futur.
– Le 9 février dernier, 4 000 membres de l’Ordre de Malte se rassemblaient à Rome, le Pape les a accueilli dans la basilique Saint-Pierre à l’occasion du 900e anniversaire. Qu’attendez-vous de cet évènement mobilisateur, quels sont les grands projets de l’Ordre qui marche désormais vers ses 1000 ans d’existence ?
– Cette célébration était un peu comme une fête d’anniversaire. A l’occasion du rassemblement de nos membres sur la Place St Pierre et de leur procession dans la basilique, ces derniers ont rappelé que le travail de l’Ordre fut reconnu il y a de cela 900 ans par le Pape Pascal II et que ce travail d’aide aux pauvres et aux malades continue encore aujourd’hui. Le pape Benoît XVI marqua cette occasion historique pour l’Ordre en adressant un message aux 4500 membres présents. Nous avons rappelé ainsi nos traditions et nos activités, espérant en leur continuation dans la lutte toujours présente contre la pauvreté et la misère.
1 Comment
C’est une bonne idé&e de donner des nouvelles actuelles de l’Ordre de Malte. Là chacun est approché avec respect; il y a des siècles que ce respect est pratiqué vis à vis des malades,en affectant un lit à chacun (ce n’était pas toujours le cas), en entourant ce lit de rideaux pour ménager l’intimité des personnes, en changeant les draps tous les jours. Nos hopitaux actuels peuvent encore s’en inspirer!
Andrée