Ayant la grâce de suivre le nouveau pape de près, depuis six mois, il me semble comprendre que la « révolution » n’aura pas lieu dans l’Eglise comme nous aurions facilement tendance à l’attendre, par le haut seulement. L’ancien archevêque de Buenos Aires, aujourd’hui évêque de Rome, nous incite à nous réformer nous-mêmes d’abord, personnellement, il nous donne envie de changer en profondeur, intérieurement. Aujourd’hui, à Assise, nous l’avons entendu, rappelant que nous sommes tous l’Eglise : « Le péril qui menace c’est la mondanité, et le chrétien ne peut pas vivre selon l’esprit du monde ». François, en cette fête du « Poverello », a dénoncé la vanité, l’orgueil, l’idolâtrie, et l’arrogance, qui sévissent dans l’Eglise et dans la société. « La mondanité spirituelle tue l’âme, tue les personnes », affirma-t-il avec une voix ferme et douce. Je n’oublierai jamais le moment où il est allé porté trois roses, deux jaunes et une blanche, sur la tombe de saint François, avant de se recueillir longuement, nous révélant encore le secret de sa force, de sa tendresse, et de son humilité. « Qui se laisse regarder par Jésus crucifié se laisse recréer, et devient une nouvelle créature », disait-il en substance à l’homélie, en présence de dizaines de milliers de pèlerins pour qui ses paroles, tellement ajustées à ce qu’il est vraiment, représentent une immense espérance. Le dépouillement auquel il nous exhorte par son témoignage, à la suite de saint François, c’est le dépouillement de l’esprit du monde qui est « la lèpre », « le cancer » de la société, « l’ennemi de Jésus » … Je renonce à citer de longs passages des discours de ce pape, peut-être parce que lui-même s’arrache souvent à ses notes pour parler avec son cœur, comme à Assise, l’important étant de saisir et de retenir l’essentiel de son message au parfum d’Evangile. Si nos cœurs changent, la société changera : c’est là que nous sommes attendus en devenant ouvriers du pardon, et en gardant notre langue de ces calomnies permanentes qui détruisent les personnes dans leurs relations.
« L’Eglise grandit comme un réseau d’amitié en Jésus Christ », soulignait le pape lors de la première audience générale, au retour des JMJ de Rio qui se résume en trois mots, l’accueil, la fête, et la mission. « Accueil, fête et mission : que ces paroles soient l’âme de notre vie et de la vie de nos communautés ». Il met ce programme en pratique. Il accueille quand il va au devant des réfugiés sur l’île sicilienne de Lampedusa – j’étais en Sicile à ce moment-là, l’été dernier – et quand il explique qu’ils sont « la chair du Christ », proposant que les couvents vides leur ouvrent les portes… Il s’en prend à la « globalisation de l’indifférence », et se met en colère, comme hier, en apprenant qu’un nouveau naufrage a fait plusieurs centaines de victimes au large de Lampedusa, cette île qui pourrait recevoir le prix Nobel de la paix pour l’exemple universel de solidarité qui y est donné.
Pour mieux nous aider à savoir accueillir, François nous indique un modèle : la Vierge Marie, qu’il ne manque jamais d’honorer. Le 22 septembre, en pèlerinage avec lui en Sardaigne, au sanctuaire de Notre-Dame de Bonaria – dont le nom de Buenos Aires s’inspire – je l’ai entendu répéter plusieurs fois : « Marie, donne-nous ton regard ! », un regard plein de tendresse, comme une caresse, qui nous rend solidaires les uns des autres. Nous avons répété avec lui et à sa demande, d’un seul cœur, « Marie, donne-nous ton regard », un regard plein de compassion dans lequel se reflète celui du Père et du Fils. Oui, la Vierge nous apprend à nous regarder fraternellement, et c’est pourquoi Paul VI avait dit au sortir du Concile, à Bonaria justement : « Etre chrétien, c’est être marial ! ».
Le pape aime Marie et nous entraîne à son école, son « université » pourrait-on dire. « L’université des mamans, c’est leur cœur », affirmait-t-il dans un bon sourire à l’audience du 18 septembre dernier, comparant l’Eglise à « une maman qui ne ferme jamais les portes ». Et chaque audience avec lui est comme une fête de famille. Il rencontre les fidèles un par un, il parle avec chacun, il reçoit des petits mots qu’il met dans sa poche, et il appelle les personnes au téléphone personnellement, quand il le juge nécessaire…
Récemment il a appelé Eugenio Scalfari, fondateur du quotidien italien la Repubblica, un incroyant militant. Il l’a reçu dans sa résidence de Santa Marta, et leur dialogue historique a été publié mercredi dans l’Osservatore Romano, après être paru mardi 1er octobre – fête de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, patronne des missions – dans la Repubblica, à la surprise générale. François est « anticlérical », pétri de cet « anticléricalisme des saints » dont parlait Henri de Lubac cité par le cardinal Etchegaray dans son livre « L’homme à quel prix » (aux éditions de la Martinière). « Le cléricalisme ne devrait avoir aucun rapport avec le christianisme » lance François dans cet interview où il pourfend les courtisans, et la cour qui est « la lèpre de la papauté »…
Pour mener à bien la réforme missionnaire de la curie romaine, pour laquelle il a été élu le 13 mars, il a constitué un groupe de huit cardinaux de tous les continents, son « C8 », réuni depuis la fête de sainte Thérèse jusqu’à hier. Ces cardinaux l’accompagnaient ce vendredi à Assise, témoins de la volonté du pape de renouveler l’Eglise comme au temps de saint François… En les regardant marcher d’un pas assuré autour du pape François, j’ai repensé à ces mots inscrits sur le portail du couvent franciscain d’Assise : « Le temps qui passe, c’est Dieu qui vient » .
Vivons autant que nous le pouvons ces heures de joie et de lumière sans perdre une minute puisque le Christ est de retour !
1 Comment
Voilà, le Pape nous entraine avec lui, allons y sans résistance, Jésus est vivant entre lui et chacun.