Le temps de réorienter notre vie vers Dieu et vers les autres

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Nous n’oublierons jamais ces moments poignants du vendredi 27 mars, en début de soirée, quand le Pape a présenté à bout de bras le Saint-Sacrement, pour nous bénir, devant une place Saint-Pierre vide et baignée par les averses, dans la pénombre, tandis que le bruit des cloches de la basilique se mêlait au son des sirènes d’ambulance… Il y a sept ans, le 13 mars 2013, à la même heure et par un temps également pluvieux, ces cloches avaient sonné pour nous annoncer l’élection de François, avant que le nouveau successeur de Pierre nous invite à prier le Seigneur avec lui, s’inclinant humblement face à une foule océanique qui remplissait la place. Cette fois, c’est devant les écrans de télévision que le saint peuple fidèle de Dieu, « confiné » en raison de la pandémie, s’est recueilli en communion avec le Pape, dans un grand silence, pour implorer le courage et la force intérieure. Le miracle de cette prière extraordinaire, c’était d’abord de comprendre que, sur le chemin, nous ne sommes pas seuls.

Au lieu de regarder le Vicaire du Christ au balcon de Saint-Pierre, comme lors des habituelles bénédictions Urbi et Orbi, nous avions tous le regard rivé sur l’Eucharistie, portée par le Pape dans un grand ostensoir, au seuil de la basilique. Ces instants marquent sans doute le sommet du pontificat, François n’ayant eu de cesse que de nous mettre en relation directe avec la Miséricorde Divine manifestée en Jésus, cherchant à débarrasser l’Eglise des ors du pouvoir et de la mondanité ecclésiastique. Sa mission est pour ainsi dire comme accomplie : il nous a conduits vers la découverte de Dieu présent en nous, afin que nous vivions par lui.

Le Pape était arrivé seul, sous une pluie battante, montant vers le parvis en boitant. Le ciel d’un bleu irréel se reflétait sur la place, évoquant les profondeurs où il nous semble couler depuis quelques semaines. Ce soir là, l’Italie venait d’apprendre le décès de près de mille personnes en vingt-quatre heures, portant à plus de neuf mille le nombre des victimes italiennes du coronavirus depuis un mois (ils sont plus de dix-mille aujourd’hui). Je pensais à la vision du troisième secret de Fatima, décrivant le Saint-Père marchant « d’un pas vacillant », dans une ville déserte, « affligé de douleur et de peine », priant pour les âmes des morts après avoir gravi une pente au sommet de laquelle était une grande croix…

Le crucifix miraculeux qui sauva Rome de la peste au XVIème siècle était installé devant la basilique, à l’occasion de cette prière. L’eau tombée du ciel ruisselait sur la statue du crucifié, donnant un reflet vif à la peinture sur bois ; le sang paraissait couler vraiment du côté transpercé, symbole du don de l’Esprit déversé pour le renouveau de nos vies. Discrète, l’icône de la Vierge Salus Populi Romani, elle aussi liée à la protection de la Ville éternelle lors de diverses épidémies, veillait avec nous au pied de la croix.

Nous retenions notre souffle, conscients de participer à un événement historique probablement d’ordre apocalyptique. Non pas que ce soit la fin du monde, mais la fin d’un monde sans doute, celui de la globalisation basée sur la consommation égoïste à outrance. « Les choses ébranlées seront changées… pour que subsistent celles qui sont inébranlables », selon les paroles de saint Paul dans une de ses lettres (Hébreux 12,27). Des politiques économiques contraires à l’intérêt des personnes humaines ont conduit nos sociétés à se trouver désemparées face à la catastrophe sanitaire qui ébranle toute l’humanité. « Avides de gains, nous nous sommes laissé absorber par les choses et étourdir par la hâte », a analysé le Pape durant son homélie, dénonçant « notre soif de toute puissance et de possession ». « Nous n’avons pas écouté le cri des pauvres et de notre planète gravement malade. Nous avons continué notre route, imperturbables, en pensant rester toujours sains dans un monde malade ».

François commentait l’Evangile de saint Marc qui raconte l’épisode de la tempête apaisée, constatant que, comme les disciples dans la barque, apeurés et perdus pendant que Jésus semble dormir à bord, « nous avons été pris au dépourvu ». « D’épaisses ténèbres couvrent nos places, nos routes et nos villes ; elles se sont emparées de nos vies en remplissant tout d’un silence assourdissant et d’un vide désolant, qui paralyse tout sur son passage ».
« La tempête démasque notre vulnérabilité et révèle ces sécurités, fausses et superflues, avec lesquelles nous avons construit nos agendas, nos projets, nos habitudes et priorités. Elle nous démontre comment nous avons laissé endormi et abandonné ce qui alimente, soutient et donne force à notre vie ainsi qu’à notre communauté », remarquait encore le Pape, regrettant que nous ayons oublié « ce qui a nourri l’âme de nos peuples », « nos racines », « nous privant ainsi de l’immunité nécessaire pour affronter l’adversité »…

Expliquant que ce temps d’épreuve est un temps de choix, « le temps de choisir ce qui importe et ce qui passe, de séparer ce qui est nécessaire de ce qui ne l’est pas », il nous a appelés alors à « réorienter la route de la vie » vers Dieu et vers les autres, à l’exemple de nombreux témoins actuels – médecins, infirmiers et infirmières, …volontaires, prêtres, religieuses – « qui ont compris que personne ne se sauve tout seul ».

« Face à la souffrance, où se mesure le vrai développement de nos peuples, nous découvrons et nous expérimentons la prière sacerdotale de Jésus : « Que tous soient un » (Jn 17, 21) », insista François, désireux que nous nous apercevions de l’impossibilité d’aller de l’avant chacun tout seul. « Nous ne sommes pas autosuffisants ; seuls, nous faisons naufrage : nous avons besoin du Seigneur, comme les anciens navigateurs, des étoiles », ajouta-t-il, proposant que nous invitions Jésus dans les barques de nos vies. « Confions-lui nos peurs, pour qu’il puisse les vaincre. Comme les disciples, nous ferons l’expérience qu’avec lui à bord, on ne fait pas naufrage. Car voici la force de Dieu : orienter vers le bien tout ce qui nous arrive, même les choses tristes. Il apporte la sérénité dans nos tempêtes, car avec Dieu la vie ne meurt jamais ».

Faisant allusion à l’attitude de Jésus dans la barque, apaisant les disciples pour leur permettre de mieux guider la barque dans la tempête, le Pape rendit hommage à ceux qui « insufflent l’espérance », « veillant à ne pas créer la panique mais la coresponsabilité ». « Que de pères, de mères, de grands-pères et de grands-mères, que d’enseignants montrent à nos enfants, par des gestes simples et quotidiens, comment affronter et traverser une crise en réadaptant les habitudes, en levant les regards et en stimulant la prière ! Que de personnes prient, offrent et intercèdent pour le bien de tous ». En effet, depuis quelques semaines des familles entières se remettent à prier ensemble, l’euthanasie n’est plus à l’ordre du jour mais tous les efforts sont fournis pour sauver la vie des personnes âgées ou malades…

« La prière et le service discret : ce sont nos armes gagnantes ! », lança le Saint-Père, avant de nous donner sa bénédiction exceptionnelle pour temps d’épidémie. Ses paroles résonnent encore avec une extrême douceur en nous : « Chers frères et sœurs, de ce lieu, qui raconte la foi, solide comme le roc, de Pierre, je voudrais ce soir vous confier tous au Seigneur, par l’intercession de la Vierge, salut de son peuple, étoile de la mer dans la tempête. Que, de cette colonnade qui embrasse Rome et le monde, descende sur vous, comme une étreinte consolante, la bénédiction de Dieu. Seigneur, bénis le monde, donne la santé aux corps et le réconfort aux cœurs ».
L’indulgence plénière reçue implique maintenant pour chacune et chacun un changement personnel radical, et d’abord que nous renoncions à nos idoles. Le retour à Dieu est l’unique solution au drame actuel, avec l’amour du prochain qui en découle. Après la pandémie, le paradis restera à construire.

2 Comments

  1. Delagrange Judith dit :

    C’est tout à fait ça, on y est . Merci
    Judith

  2. Causse dit :

    Profonde célébration sous la lumière de l’Esprit Saint en Eglise pour le monde et avec le monde
    Belle révision de vie
    Confiance en Celui qui a vaincu la mort

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