La contagion de l’espérance, de cœur à cœur, pour tout reconstruire

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Ce que nous a enseigné le Pape François durant la Semaine Sainte est précieux, voici donc une synthèse de ces jours saints afin de cultiver intérieurement les dons reçus. Au long de cette pandémie le Saint-Père nous accompagne sur le chemin d’une véritable révolution spirituelle.

Avec 20 000 morts en Italie à la date de Pâques, le Covid-19 continue sa progression dévastatrice, provoquant souffrance et désarroi dans le monde entier où l’on compte plus de 100 000 décès recensés. Actuellement le nombre de personnes contaminées ne cesse d’augmenter à l’échelon international et les spécialistes craignent une « résurgence mortelle » de la pandémie en cas de déconfinement hâtif… C’est une maladie très contagieuse : il suffit d’une personne malade pour contaminer un pays entier. Nous ne voyons pas la sortie du tunnel et, notamment à Rome, nous ne chantons plus sur les balcons comme nous le faisions au mois de mars. Dans mon quartier romain il n’est même plus possible d’assister depuis la rue à la messe que le curé de la paroisse célèbre sur une terrasse : la police veille pour interdire le moindre rassemblement. « Avec les jours qui passent et les peurs qui grandissent, même l’espérance la plus audacieuse peut s’évaporer », comme l’a constaté le Pape durant la veillée pascale.

L’inquiétude grandit face à cette tragédie universelle qui est très probablement un des effets négatifs d’une mondialisation anarchique. Nous savons que, si rien ne change, d’autres infections qui se transmettent de l’animal à l’humain apparaîtront. Ces maladies dites « zoonotiques » sont souvent associées aux changements environnementaux, liés en particulier au réchauffement climatique. Celui-ci peut conduire certains animaux, vecteurs de maladie, à prospérer là où ils ne vivaient pas avant. De plus la destruction d’écosystèmes par l’homme, en particulier à cause de la déforestation et de l’agriculture intensive, déséquilibre l’habitat de la faune sauvage et multiplie les risques de promiscuité avec les animaux. Tout ce désordre est la conséquence d’un capitalisme sans frein et du mépris de la nature qui le caractérise. De nombreuses voix autorisées s’élèvent ainsi pour dénoncer les logiques de calculs utilitaristes et défendre la protection de la vie, l’attention aux autres et à l’environnement, dans l’esprit de ce que François, l’auteur de Laudato si’, répète inlassablement depuis sept ans. « Cette épidémie montre les limites du système qu’a créé notre génération. Un système qui n’a pensé qu’à l’économique et à la course au profit rapide », analyse par exemple Denis Mukwege, médecin africain et Prix Nobel 2018 de la paix. Il va falloir reconstruire. « Le vrai défi, aujourd’hui, c’est de faire de cette crise l’occasion d’une transformation individuelle et collective, afin que la conscience de notre appartenance à un monde plus vaste que soi devienne un savoir incarné et vécu qui transforme notre comportement », considère avec pertinence la philosophe Corine Pelluchon.

Dans ce contexte d’un réveil de l’éthique, favorisé par la crise sanitaire, le Saint-Père a lancé un appel à « la contagion de l’espérance », lors de la bénédiction Urbi et Orbi du dimanche de Pâques, qui s’est déroulée dans la basilique Saint-Pierre, en l’absence physique des fidèles. Sur tous les continents nous étions des millions de « prisonniers » du virus à l’écouter grâce à la télévision, en streaming, après avoir vécu la première Pâques virtuelle de l’histoire. Présentant la résurrection du Christ comme « la victoire de l’amour sur la racine du mal », une victoire qui traverse la souffrance et la mort « en ouvrant une route dans l’abime, transformant le mal en bien », le Pape a expliqué que cette « contagion » de l’espérance à laquelle il nous exhorte se transmet de cœur à cœur. Il a suggéré « un cessez le feu mondial et immédiat dans toutes les régions du monde », considérant que ce temps du coronavirus « n’est pas le temps de l’indifférence », ni « le temps des égoïsmes », ni « le temps des divisions »… mais celui d’une nouvelle solidarité et de solutions innovatrices pour le bien de l’unique famille humaine.

Durant cette crise qui a changé le monde depuis cent jours, nous nous sentons membres d’une unique famille, réalisant que la seule solution pour vaincre le mal planétaire qui nous terrasse et surmonter notre désespoir, c’est de coopérer et de vivre ensemble. Le Triduum pascal a fortement renforcé cette conviction au plan spirituel, tandis que le Pape célébrait dans une basilique vide, comme le sépulcre vide de ce Corps du Christ que nous formons et qui est désormais dans les maisons, ressuscité là où nous vivons, dans les églises domestiques, là même où se prépare « le monde d’après »… L’annonce de l’espérance ne doit pas être « confinée dans nos enceintes sacrées, mais doit être portée à tous », insista dans ce sens le Pape au cours de la veillée pascale.

Pendant cette veillée, il évoqua ce « tout à reconstruire » éprouvé par les femmes qui allèrent au tombeau « après le sabbat » (Matthieu 28, 1), après le samedi saint, le jour du grand silence. « Nous pouvons nous retrouver dans les sentiments des femmes en ce jour. Comme nous, elles avaient dans les yeux le drame de la souffrance, d’une tragédie inattendue arrivée trop vite. Elles avaient vu la mort et avaient la mort dans leur cœur. A la souffrance s’ajoutait la peur…Pour elles c’était l’heure la plus sombre, comme pour nous », commenta le successeur de Pierre. Il fit remarquer que dans cette situation les femmes ne se sont pas laissé paralyser mais, dans leurs maisons, préparèrent les parfums pour le corps de Jésus, ne renonçant pas à l’amour… « Jésus, comme une semence dans la terre, allait faire germer dans le monde une vie nouvelle ; et les femmes, par la prière et l’amour, aidaient l’espérance à éclore. Combien de personnes, dans les jours tristes que nous vivons, ont fait et font comme ces femmes, en semant des germes d’espérance ! Avec de petits gestes d’attention, d’affection, de prière », ajouta-t-il, désireux d’encourager tous les actes d’amour que nous posons dans l’obscurité de cette période historique.

« Qu’il est beau d’être des chrétiens qui consolent, qui portent les poids des autres, qui encouragent : annonciateurs de vie en temps de mort ! », déclara-t-il. « Faisons taire le cri de mort, ça suffit les guerres ! Que s’arrête la production et le commerce des armes, parce que c’est de pain et non de fusils dont nous avons besoin. Que cessent les avortements, qui tuent la vie innocente. Que s’ouvrent les cœurs de ceux qui ont, pour remplir les mains vides de ceux qui sont privés du nécessaire ».

« Voilà l’annonce pascale, une annonce d’espérance », nous a dit François, invitant chacun à recevoir la confiance comme un don : « Il suffit d’ouvrir ton cœur dans la prière… il suffit de soulever un peu cette pierre mise à l’entrée de ton cœur pour laisser entrer la lumière de Jésus ». « Cette nuit nous conquerrons un droit fondamental, qui ne nous sera pas enlevé : le droit à l’espérance. C’est une espérance nouvelle, vivante, qui vient de Dieu… C’est un don du Ciel que nous ne pouvons pas nous procurer tout seuls », précisa-t-il, considérant que l’espérance de Jésus « introduit dans le cœur la certitude que Dieu sait tout tourner en bien, parce que, même de la tombe, il fait sortir la vie ».

Dès le début de la Semaine Sainte, lors de la célébration du dimanche des Rameaux, le Pape nous avait indiqué ce chemin de la confiance pour nous relever et « redécouvrir que la vie ne sert à rien si on ne sert pas ». « Face à tant de certitudes qui s’effritent, face à tant d’attentes trahies, dans le sens d’un abandon qui nous serre le cœur », il nous révéla ce Jésus dit à chacun de nous : « Courage : ouvre ton cœur à mon amour. Tu sentiras la consolation de Dieu, qui te soutient ».
« Devant Dieu qui nous sert jusqu’à donner sa vie, demandons, en regardant le Crucifié, la grâce de vivre pour servir. Cherchons à contacter celui qui souffre, celui qui est seul et dans le besoin. Ne pensons pas seulement à ce qui nous manque, pensons au bien que nous pouvons faire », proposa-t-il, nous montrant « les vrais héros » qui apparaissent ces jours-ci, non pas ceux qui ont renommée, argent et succès, mais « ceux qui se donnent eux-mêmes pour servir les autres ».

Durant la messe du Jeudi saint, commentant le geste de Jésus lavant les pieds de ses disciples, le Pape est revenu sur cette dimension importante du service « condition pour entrer dans le Royaume des Cieux », nous faisant comprendre par la même occasion la nécessité de « permettre au Seigneur de nous servir ». « Si je ne permets pas que le Seigneur soit mon serviteur, que le Seigneur me lave, me fasse grandir, me pardonne, je n’entrerai pas dans le Royaume des Cieux », a-t-il souligné, comme pour nous inciter à accepter la purification.

« Laissez-vous laver les pieds », a-t-il en particulier lancé à tous les prêtres. « Et ainsi, avec la conscience de cette nécessité d’être lavés, soyez de grands pardonneurs ! Pardonnez ! le cœur plein de générosité dans le pardon », leur a-t-il demandé, rendant hommage aux prêtres qui offrent leur vie pour le Seigneur, aux prêtres qui sont des serviteurs, parmi lesquels ces jours-ci une centaine sont morts en Italie, dans l’attention portée au malade dans les hôpitaux, avec les médecins, les infirmiers, les infirmières… « Ils sont les « saints de la porte d’à côté », des prêtres qui ont donné leur vie en servant », signala-t-il, portant avec lui sur l’autel tous ses frères prêtres, spécialement « les prêtres calomniés » ou ceux « qui souffrent des crises, qui ne savent que faire, qui sont dans l’obscurité »…

Ces prêtres calomniés, comme le cardinal George Pell, récemment acquitté après avoir été injustement accusé de crimes pédophiles, étaient dans notre prière au soir du Vendredi Saint, en suivant le Chemin de Croix retransmis en mondovision depuis la place Saint-Pierre, à l’emplacement de l’ancien cirque de Néron où se déroulait jadis le crucifiement des chrétiens… Un des témoignages entendus concernait un prêtre condamné pour pédophilie, puis reconnu innocent après plusieurs années de prison. Les méditations avaient été écrites par des détenus, et tour à tour des « Simon de Cyrène d’aujourd’hui » se relayaient pour porter la croix, parmi lesquels des médecins et des infirmières qui, au quotidien, soulagent les malades du Covid-19. Le Saint-Père garda le silence en face du Crucifix miraculeux de San Marcello, silence qui prolongeait celui que nous avions observé au cours de la journée en vénérant, en direct sur BFMTV, la couronne d’épines du Christ exposée à Notre-Dame de Paris. Le lendemain, Samedi Saint, une ostension du Saint-Suaire, dans la cathédrale de Turin nous soutenait pour cultiver ce silence intérieur, grâce aux moyens de communication qui permettent à toute l’humanité de vivre une véritable révolution spirituelle tout au long de cette pandémie.

Le lundi de Pâques, après la prière du Regina Cæli – qui remplace celle de l’Angélus de la vigile pascale à la Pentecôte – François loua le rôle des femmes qui furent les premiers témoins de la Résurrection, remerciant toutes celles qui aident la société actuelle à mettre la personne au centre des préoccupations, et non pas le dieu-argent. Enfin, ayant repris le rythme des messes matinales dès mardi matin à Santa Marta, il nous exhorta à prier ensemble « pour que le Seigneur, dans les difficultés de ce temps, nous fasse découvrir la communion entre nous, l’unité qui est supérieure à toute division ».

3 Comments

  1. Judith Delagrange dit :

    C’est beau de retrouver dans cette synthèse le “suc” de cette semaine si spéciale que nous venons de vivre. Gardons la mémoire. Judith

    • Christian Jacques dit :

      Merci pour cette synthèse. Oui , tous les mots employés et choisis avec une concision d’orfèvre par le pape François durant cette semaine Sainte, sont à la fois prophétiques et plein de bon sens . Que ses paroles constituent le socle , sur lequel construire un a-venir plus fraternel et spirituel. Encore merci pour avoir mis ensemble ces paroles lumineuses et inspirées par l’Esprit .

    • Christian JACQUES dit :

      Merci pour cette synthèse. Oui ,tous les mots employés et choisis avec une concision d’orfèvre par le pape François durant cette semaine Sainte , sont à la fois prophétiques et plein de bon sens . Que ses paroles constituent le socle , sur lequel construire un a-venir plus fraternel et spirituel .Encore merci pour avoir mis ensemble ces paroles si lumineuses et inspirées par l’Esprit .

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