« Nous sommes en état d’alerte permanent », me disait dernièrement une collègue journaliste de radio Vatican. L’actualité liée à l’évêque de Rome est en effet de plus en plus abondante, pleine de surprises et de rebondissements, un an après la renonciation de son prédécesseur Benoît XVI, devenu – dans le silence de la prière – un grand intercesseur. Les médias commentent sans répit les anecdotes qui ponctuent ce pontificat inattendu de François, comme quand les deux colombes qu’il libère à son balcon échappent aux attaques meurtrières d’autres oiseaux, ou quand on découvre dans le Borgo Pio un graffiti mural le présentant en Superman, ou encore quand il fait la une du magazine culturel américain Rolling Stone… La foudre sur la main droite de la statue du Christ à Rio, ou le vol d’une relique du sang de Jean-Paul II –retrouvée depuis – sont des faits divers rapidement interprétés comme les signes d’une menée obscure contre l’action lumineuse de ce pape du peuple. Même quand il oublie de sourire un instant à un visiteur – le chef de l’Etat français précisément – on en conclue qu’il veut lui manifester publiquement sa réprobation, alors que deux minutes après son visage rayonne et que c’est justement cette photo d’un pape en dialogue qui est choisie pour la première page de l’Osservatore Romano…
« Simplicité, ouverture, proximité, sérénité et joie » caractérisent le style du pape François, selon Mgr Pietro Parolin, son nouveau Secrétaire d’Etat en charge de réformer profondément la curie romaine. Celui-ci expliquait dimanche dernier, dans les colonnes de l’Avvenire, qu’il s’agit surtout de travailler à devenir « plus humains, plus accueillants, plus évangéliques », car la réforme des structures doit s’accompagner d’une « permanente conversion personnelle ». Parlant de sa propre expérience, le Secrétaire d’Etat, au profil doux et humble – à l’image de Jésus Bon Pasteur – souligne que « le service de l’Eglise s’exerce aussi avec notre faiblesse, notre fragilité, vécues dans la foi, et unies au sacrifice du Christ sur la croix ».
La volonté de se donner soi-même aux autres
Pour aller ainsi plus à l’essentiel de la révolution tranquille en marche au cœur de l’Eglise, il est en particulier nécessaire de lire les homélies matinales du Saint-Père, qui, en bon disciple du fondateur de la compagnie de Jésus, semble prêcher au fil des jours une retraite ignatienne à l’échelle de toute l’humanité. Afin de rejoindre le cœur des masses il a moins besoin de voyager que Jean-Paul II. L’époque a changé, la communication est devenue instantanée. « Quelle saveur acquiert la vie quand on se laisse inonder par l’amour de Dieu », dit-il dans un de ses récents tweets, publiés en huit langues, dont l’arabe. Ses messages sur Twitter font régulièrement la synthèse de ses enseignements, au rythme haletant des réseaux sociaux, de la même manière que depuis quelques années la Reine de la Paix communique quotidiennement l’Evangile au monde entier en direct d’un lieu de prière immensément populaire où se produisent des inondations de grâce. Jean-Paul II – selon Slawomir Oder, postulateur de sa cause de canonisation – parlait en privé de Medjugorje comme de la continuation de Fatima, « la réalisation de Fatima », « le centre spirituel du monde » où il se rendait en prière chaque jour. L’Eglise du Ciel et celle de la terre sont donc plus que jamais à l’unisson pour utiliser en urgence ces réseaux de communication humaine. Il en fut de même autrefois avec les moyens de transport tel que le train de pèlerinage. « Internet est un don de Dieu », souligne d’ailleurs François dans son message pour la Journée mondiale des communications sociales (1er juin prochain). Il y voit la possibilité de plus de solidarité entre tous, à condition que la connexion s’accompagne d’une rencontre vraie. « Le réseau numérique peut-être un lieu plein d’humanité », écrit-il, « pas seulement un réseau de fils mais de personnes humaines ». Et il nous invite à utiliser ce pouvoir de la communication comme « proximité », « avec la volonté de se donner soi-même aux autres », puisque celui qui communique se fait proche. « Il ne s’agit pas de reconnaître l’autre comme mon semblable mais de ma capacité de me faire semblable à l’autre », ajoute-t-il, citant l’exemple du Bon Samaritain.
L’amour rend semblable
Le pape reprend cette idée de se faire semblable à l’autre par amour dans son très beau message pour le Carême 2014 qui débutera le 5 mars prochain. « L’amour abat les murs et les distances » précise François à l’occasion de ce temps de renouvellement intérieur qui approche. « L’amour signifie partager en tout le sort du bien-aimé… L’amour rend semblable », remarque-t-il en décrivant la logique de l’Incarnation et de la Croix, « le style de Dieu », lui qui s’est fait « proche de chacun de nous », qui s’est « dépouillé », « vidé », pour nous devenir « semblable en tout ». C’est cette manière de nous aimer, tel le Bon samaritain, qui caractérise la « pauvreté » du Christ, « riche de sa confiance sans limite envers le Père », explique le pape. Et cette « voie » de la « riche pauvreté », François nous propose de l’emprunter dans un esprit filial et fraternel, en laissant Dieu nous rejoindre « à travers notre pauvreté personnelle et communautaire ». Il nous rappelle que l’Evangile est « l’antidote contre la misère spirituelle » – cette pauvreté sans confiance, sans solidarité, sans espérance – qui entoure de ténèbres ceux s’engagent sur la voie de l’échec en pensant se suffire à eux-mêmes. « Il n’y a qu’une seule vraie misère, c’est celle de ne pas vivre en enfants de Dieu et en frères du Christ », lance le pape, désireux d’ouvrir « de nouveaux chemins d’évangélisation et de promotion humaine ».
Ces nouveaux chemins – qui passent par la purification de l’Eglise – devront permettre au christianisme de demeurer sur la place publique, sans laisser ses ennemis l’enfermer dans la sphère privée au nom de finalités faussement « humanistes » qui cachent en réalité des intérêts économiques et politiques. Le témoignage des personnes qui sont persécutées aujourd’hui en raison de leur foi nous entraîne à poursuivre, d’un pape à l’autre, l’œuvre de résistance à la dictature du relativisme, et d’abord en étant fidèles aux sacrements où le Christ se rend présent. « Nous devons être toujours engagés pour notre purification, dans le sacrement de la réconciliation », insistait le pape en s’adressant aux évêques d’Autriche il y a quelques jours. « La confession est le lieu où s’expérimente l’amour miséricordieux de Dieu et où nous rencontrons le Christ, lequel nous donne la force pour une vie nouvelle ».
Peut-être qu’en choisissant il y a un an la fête de Notre-Dame de Lourdes, le 11 février, pour offrir ce merveilleux printemps à l’Eglise, Benoît XVI partageait-il avec Marie et Bernadette le désir de venir en aide aux pécheurs que nous sommes, pour nous donner le courage de la conversion et l’humilité de la pénitence, en réactualisant aux yeux de toute l’humanité cet appel universel à redécouvrir Celui qui est la source de la vie éternelle ? Merci « Benedetto » !