« Chrétiens et musulmans furent atrocement persécutés, uniquement parce qu’ils croyaient en Dieu ; ils vivent aujourd’hui dans une cohabitation pacifique », a souligné François au retour de Tirana, loin de tout relativisme et désireux d’encourager « un dialogue authentique et fructueux qui tient compte de l’identité de chacun ». Le Pape est ainsi revenu mercredi dernier, lors de l’audience générale, sur son voyage en Albanie, à contre-courant du « choc des civilisations » que des médias occidentaux semblent encourager sans aucun recul face aux manipulations dont ils sont l’objet sur la toile mondiale… où toutes les mises en scène sont possibles. Alors que des bombes pleuvent à nouveau sur le Moyen-Orient, au risque de réveiller dans le cœur de nombreux musulmans pacifiques le souvenir des croisades, le Saint-Père continue de nous mettre en garde par rapport à un manichéisme menteur et destructeur. Les terroristes d’aujourd’hui sont les alliés d’hier, financés par les
« seigneurs du Golfe », amis de l’Occident, dans une guerre entre frères ennemis musulmans, chiites et sunnites, savamment entretenue par des lobbies aux intérêts inavoués dans une région riche en hydrocarbures. Cette danse macabre orchestrée aussi par les marchands d’armes risque de déboucher sur une troisième guerre mondiale, apocalyptique, contre laquelle la Vierge Marie n’a cessé de nous mettre en garde lors de ses multiples apparitions, de Fatima à Akita… Présent à New-York, le cardinal secrétaire d’Etat du Vatican Mgr Pietro Parolin s’est exprimé devant le Conseil de Sécurité de l’ONU mercredi, lors d’un débat ouvert sur les menaces à la paix internationale et la sécurité que représentent les actes terroristes. Selon radio Vatican, rappelant que les défis posés par l’extrémisme religieux font appel à un « engagement partagé de toutes les nations et gens de bonne volonté », le cardinal Parolin a déclaré que la coopération internationale doit aussi s’attaquer aux « causes profondes qui nourrissent le terrorisme international » : « les jeunes qui voyagent pour rejoindre les organisations terroristes viennent souvent de familles d’immigrés pauvres, désenchantés par ce qu’ils vivent comme une situation d’exclusion et par un manque d’intégration et de valeurs dans certaines sociétés ». Le secrétaire d’Etat du Vatican a également évoqué les déclarations de saint Jean-Paul II lors des attentats du 11 septembre 2001. Le Pape mettait alors en garde contre le risque d’utiliser la violence contre la violence : la réponse au terrorisme doit respecter « les limites morales et légales dans le choix de la fin et des moyens. Le coupable doit être identifié correctement, dès lors que la responsabilité criminelle est toujours personnelle et ne peut pas être étendue à une nation, un groupe ethnique ou religieux auquel les terroristes peuvent appartenir ». Ce jeudi, dans l’Avvenire, le nonce apostolique à Damas, Mgr Mario Zenari, répète que « la solution est politique », et que la force militaire ne résoudra rien, d’autant que les islamistes d’importation (mercenaires tchéchènes, afghans, pakistanais…) se cachent au milieu de la population. Il rappelle que l’islam a un grand sens religieux de la vie, conservant des valeurs fortes que nous, chrétiens, perdons, notamment en ce qui concerne l’avortement, le mariage entre un homme et une femme, la famille… « Sur ces valeurs que nous avons en commun, nous pouvons cheminer ensemble », insiste l’ambassadeur du Pape en Syrie.
Le caractère inviolable et sacré de la famille
Sur le thème de la famille et de son caractère sacré, bien inestimable qui unit les croyants au Dieu unique, le débat dans l’Eglise bat son plein. Plusieurs cardinaux se sont exprimés avant le synode pour défendre la doctrine catholique, craignant qu’elle soit mise en péril. Leurs propos ont été amplifiés médiatiquement par des groupes de pression opposés aux ouvertures pastorales du Pape François. Ce sont les mêmes, habités par la peur, qui distillent le discours islamophobe. Cependant le Saint-Père, « conservateur de l’avenir » et libre intérieurement, ne changera pas de cap. S’adressant en fin de semaine dernière aux participants d’un congrès international sur l’exhortation apostolique « Evangelii gaudium », il a demandé que l’on évite dans l’Eglise cette « tentation de peur et de défense », le repli sur soi qui entraîne « la suffisance et le cléricalisme », codifiant la foi en règles « comme faisaient les scribes, les pharisiens et les docteurs de la loi au temps de Jésus »… Un quarteron de cardinaux en retraite, ou pas loin de l’être, ne fera pas plier François car le peuple de Dieu est avec lui. Dimanche, place Saint-Pierre, il accueillera les grands-parents, et une prière universelle pour le prochain synode s’élèvera dans le monde entier. C’est à partir du 5 octobre, et pendant une quinzaine de jours, que les évêques discuteront de mesures à prendre pour aider les couples à cultiver leur amour dans une société qui organise et planifie l’éclatement de la famille, sa décomposition, dans le culte de l’éphémère où construire pour la vie devient héroïque. Le souhait du Pape, à l’écoute des souffrances du peuple, est d’ouvrir des voies de miséricorde sans se laisser enfermer dans une logique purement juridique. Bien entendu l’Eglise ne permettra pas aux divorcés-remariés de communier, puisque le sacrement de mariage et celui de l’eucharistie ne peuvent pas entrer en opposition. L’enseignement du maître sur l’indissolubilité du mariage ne sera jamais remis en question pas ses disciples, et surtout pas dans le contexte de déliquescence actuel où le besoin de repères est essentiel. Parmi les propositions intéressantes déjà avancées, celle du cardinal Angelo Scola, qui n’est pas un « progressiste », retient l’attention. Il demande qu’au sujet de ce qu’il est encore improprement convenu d’appeler les « nullités », dans le processus de reconnaissance d’invalidité du mariage (pour cause d’immaturité au moment de l’engagement religieux par exemple), l’évêque soit davantage consulté et puisse avoir pastoralement le dernier mot sur les « juges ». Doctrine, discipline « canonique » et pastorale, seraient ainsi mieux prises en compte dans une perspective de libération des personnes, en vue de leur bonheur spirituel.
Depuis le concile Vatican II aucun évènement d’Eglise n’a soulevé autant d’attentes que ce synode sur la famille, qui se conclura symboliquement par la béatification de Paul VI. Ce grand serviteur de l’Eglise avait tenu ferme contre les armes chimiques de la contraception, avec l’encyclique Humane vitae, au nom d’une « écologie humaine » pleine de sagesse et d’amour pour les personnes. François, comme Paul VI, ne lâchera rien sur le fond, mais contribuera à faire comprendre aux hommes et aux femmes de ce temps que Dieu les aime infiniment.
La miséricorde suppose d’abord la pénitence
Le cap donné à l’Eglise par François est celui de l’Evangile, parfois oublié par certains prélats dont la mission aurait été de donner l’exemple. Des évêques qui vont au ski avec leur « 4/4 » personnel, et qui se moquent des familles en difficulté, le Pape n’en veut plus. Il met de l’ordre dans ce domaine à tous les niveaux, en commençant par punir ceux qui abusent de leur pouvoir sur les mineurs. Ainsi, mercredi, il a fait emprisonner au Vatican l’ancien nonce en République dominicaine, le polonais Wesolowski, accusé de pédophilie. Il aurait payé sept enfants pour des prestations sexuelles qu’il filmait avec son téléphone portable. C’est le premier évêque ainsi arrêté au Vatican à l’époque contemporaine. Deux autres évêques sont sous enquête, et la liste pourrait bien s’allonger car ils ne manqueront pas d’impliquer largement leur
« réseau » protecteur. Le Pape, par cette décision historique, montre que la miséricorde suppose toujours la pénitence. Wesolowski, qui fut ordonné prêtre jadis par le futur Jean-Paul II, risque sept années de prison, durant lesquelles il aura tout le temps pour se convertir et demander pardon à ses victimes. Dans le plus premier pays évangélisé de l’Amérique Latine, l’ambassadeur du Pape, sorte de docteur Jekyll ecclésiastique, se rendait souvent sur le Malecòn, en bord de mer, à la recherche de ses proies. Là, habillé en civil – près de la statue du Père Antonio Montesino, défenseur des indiens contre les conquistadores – il se faisait appelé « Giuseppe », et draguait des enfants pauvres qu’il emmenait dans un appartement pour abuser d’eux en échange de quelques pesos.
Le signal fort envoyé par François cette semaine marque un tournant important dans l’Eglise où la tolérance zéro s’appliquera désormais vraiment dans ce domaine.
En ce qui concerne le choix des nouveaux évêques qui guideront le troupeau, le Pape est intransigeant, et suit de près les dossiers avant les nominations. Jeudi 18 septembre il recevait les évêques nommés dans l’année, en leur recommandant de savoir où ils vont, car « aucun vent n’est favorable à qui ne sait pas où il va ». « Allons toujours à Jésus, à la recherche d’où il demeure », a-t-il insisté auprès de ces nouveaux pasteurs, qu’il a exhorté à transmette la joie de l’amour de Dieu à tous, sans discrimination, en faisant preuve d’une « douce paternité ». Cette paternité épiscopale sur laquelle il insiste, et qui fait parfois tellement défaut pour éveiller les vocations sacerdotales en particulier, consiste à introduire les personnes à Dieu, à les engendrer en lui. François souhaite que les évêques portent un soin particulier aux jeunes, parce qu’ils sont « nos ailes », a-t-il dit, et aux anciens, parce qu’ils sont « nos racines ». « Ailes et racines sans lesquelles nous ne savons ni qui nous sommes ni où nous devons aller ».