Les effets de la miséricorde n’ont pas fini de nous surprendre : selon la presse italienne Silvio Berlusconi lui-même serait prêt à effectuer sa nouvelle condamnation en exerçant un service social de plusieurs mois dans une association, éventuellement avec l’UNITALSI qui organise les pèlerinages de malades à Lourdes… Le verdict définitif des juges est prévu pour le 15 avril, ce qui ne manquera pas d’alimenter les gazettes. Plus profondément, loin du marketing politique et de la rumeur médiatique, samedi après-midi 5 avril, comme chaque cinquième jour du mois, l’église Santo Spirito in Sassia, proche de la place Saint-Pierre, était comble à l’heure du chapelet de la Miséricorde Divine, plus encore que d’habitude peut-être. Des couples se tenant par la main, des hommes et des femmes prosternés, des enfants et des jeunes, des personnes âgées aussi : dans cette multitude recueillie de nombreuses personnes ont reçu le sacrement de la réconciliation après une longue attente devant les confessionnaux allumés. ” Cette église a été voulue par Jean-Paul II pour diffuser le message de sainte Faustine Kowalska, première sainte du troisième millénaire, nous invitant à accueillir à bras ouverts les grâces venues du Cœur de Jésus “, témoigne l’abbé Joseph Bart, curé de cette paroisse romaine particulièrement mobilisée dans la perspective de la désormais prochaine canonisation du bienheureux pape Wojtyla, héraut du respect de la vie. Le 27 avril 2014, neuf ans après son retour vers la Maison du Père, il sera proclamé saint en même temps que le bon pape Jean XXIII, celui qui – en 1962 – décida “l’aggiornamento” de l’Eglise catholique, avec le concile Vatican II dont l’Année de la foi vient de marquer le cinquantenaire. Tandis que cet évènement se prépare, nous nous remémorons les grandes heures vécues au cours du pontificat de Jean-Paul II, et pour ma part je revois ma première véritable rencontre personnelle avec lui, durant l’Année mariale 1988, quand il m’avait reçu pour que je lui présente le Journal de la Grotte de Lourdes dont j’étais le jeune rédacteur en chef, puis toutes les fois où comme journaliste je l’ai accompagné de près – de Czestochowa à la Havane, et de Budapest à Manille, en passant par Denver, le Caire, ou Mexico – jusqu’à son dernier voyage, à Lourdes, il y a dix ans, quand il m’a été donné de m’assoir à côté de lui dans l’avion… Les photos sont là pour témoigner que nous n’avons pas rêvé ces inoubliables moments, et que, contemporains de ce grand saint, nous sommes aussi ses héritiers spirituels, appelés comme lui à garder toujours confiance en Dieu dans les épreuves, sûrs de son immense amour pour nous.
Pour manifester cet attachement véritablement filial à Jean-Paul II, trois millions de pèlerins au moins vont déferler dans la Ville éternelle, et des écrans géants retransmettront la célébration en divers lieux de la capitale italienne car il sera bien difficile d’approcher de la place Saint-Pierre. ` Nous ferons de notre mieux pour les pèlerins, quatre millions de bouteilles d’eau sont prévues pour être distribuées par exemple `, dit Gennaro, l’un des 2630 volontaires de la protection civile en charge d’encadrer la foule annoncée. Eutelsat permettra à la messe présidée par François à partir de 10h d’être suivie en direct par l’intermédiaire de neuf satellites, ce qui ne s’est jamais vu même pour des Jeux Olympiques ou un Mondial de football! Une `nuit blanche` de prière précèdera cette journée extraordinaire dans les principales églises de Rome, pour demander l’intercession de celui qui a guidé l’Eglise universelle pendant 27 ans, l’auteur de l’encyclique `Dieu riche en Miséricorde` ( Dives in misericordia , 1980), le pape qui consacra le monde à la Divine Miséricorde à Cracovie en 2002, et dont son successeur actuel poursuit concrètement l’œuvre en voulant une Eglise qui soit en pratique capable de `rendre les cœurs brûlants` pour redonner le bonheur aux personnes blessées.
` Jésus a révélé, surtout par son style de vie et ses actions, comment l’amour est présent dans le monde où nous vivons, l’amour actif, l’amour qui s’adresse à l’homme et embrasse tout ce qui forme son humanité. Cet amour se remarque surtout au contact de la souffrance, de l’injustice, de la pauvreté, au contact de toute la `condition humaine` historique, qui manifeste de diverses manières le caractère limité et fragile de l’homme, aussi bien physiquement que moralement. Or la manière dont l’amour se manifeste et son domaine sont, dans le langage biblique, appelés : miséricorde `, expliquait Jean-Paul II dans Dives in misericordia , un texte du début de son pontificat qu’il nous faut sans doute relire en vue de nous accorder à l’enjeu historique que sa canonisation pourrait bien représenter dans la vie de chacun d’entre nous.
`Il n’y a pas de limite à la miséricorde divine`
En attendant le 27 avril, que vous pourrez revivre aussi sur ce blog, que peut-on dire de l’actualité romaine qui n’ait déjà été écrit partout ?
Ce pape est avant tout un homme de l’Evangile, à l’écoute permanente et de la parole de Dieu. Il vient de faire distribuer gratuitement des Evangiles en ce cinquième dimanche de Carême, place Saint-Pierre, nous proposant en échange de poser un acte d’amour dans notre entourage. ` Il n’y a pas de limite à la miséricorde divine ! `, a-t-il affirmé lors de l’Angélus. ` Le Seigneur est toujours prêt à soulever la pierre tombale de nos péchés, qui nous sépare de lui, la lumière des vivants `, précisa-t-il en commentant la résurrection de Lazare racontée dans l’Evangile de ce dimanche. Cette résurrection est le plus grand miracle réalisé par Jésus, `un geste trop grand, trop clairement divin pour être toléré par les grands prêtres, ceux qui prendront par la suite la décision de tuer Jésus…`. Et François, comme Jésus, a le peuple avec lui dans `l’opération résurrection` d’une Eglise qui était dans un triste état au moment de son élection.
Il me semble intéressant de souligner que la popularité de ce pape évangélique dépasse celle du Dalaï Lama, selon un classement du magazine américain Fortune qui le désigne comme étant le premier leader mondial. L’innovation vient à mon sens de la manière dont ` l’évêque de Rome ` élu il y a un an exerce son ministère, non pas à la verticale, mais selon la logique horizontale du réseau, prenant acte de ce que des psychanalystes considèrent comme la fin de `l’âge du Père` – caractérisé par des fonctionnements hiérarchiques – et mettant ainsi fin progressivement à l’autoritarisme clérical qui a défiguré l’Eglise au cours des siècles. La nouveauté est là, je crois, et l’apparition d’une jeune religieuse voilée et joyeuse, sœur Cristina, sur le plateau italien de The Voice , en est comme une illustration : entourée des membres de sa communauté, elle a cité l’exemple du pape qui demande d’aller aux périphéries, et s’est dit désireuse d’offrir ainsi sa voix au plus grand nombre, sans se laisser intimider par des interdictions `supérieures` qui jadis auraient facilement étouffé son talent au nom d’une obéissance mal comprise servant des volontés de pouvoir… Au-delà d’un tel fait divers inimaginable il y a quelques années, dans le quotidien du gouvernement de l’Eglise tout change tranquillement : faire les choses en unité, les voir ensemble, dans une dynamique communautaire, c’est cela vivre le commandement nouveau de l’amour réciproque.
Le pape a reçu plusieurs fois les chefs de dicastères de la Curie, en réunion générale, alors qu’il est de tradition qu’il s’entretienne avec eux individuellement. Vendredi dernier le nouveau Premier ministre italien, le jeune Matteo Renzi, ancien scout et catholique pratiquant, est allé visiter le pape, accompagné de sa famille, de manière privée, faisant fi du protocole et conduisant lui-même sa voiture en entrant au Vatican. Enfin, dernier signe récent d’un nouveau fonctionnement : des jeunes de Belgique ont pu interviewer François à son bureau, pour un site internet, lui posant toutes les questions que ceux de leur génération aimeraient adresser en direct à celui que personne n’ose plus sous peine de ridicule appeler le `souverain pontife`. Même lors de réceptions plus officielles, comme dernièrement avec le protestant Barack Obama ou avec la reine d’Angleterre, chef suprême de l’Eglise anglicane, le pape rayonne d’une humble simplicité qui entraîne ses hôtes à se sentir meilleurs en sortant, ce qui n’est certainement pas sans conséquence pour la paix dans le monde…
Le pape François fait voir le Christ plutôt que de parler de lui, il en reflète la lumière, comme un fruit de sa prière quotidienne, à la suite du bienheureux Jean-Paul II. ` Les hommes de notre temps demandent aux croyants d’aujourd’hui non seulement de `parler` du Christ, mais dans un certain sens de le faire `voir`… Notre témoignage serait bien faible si nous n’étions pas, nous les premiers, contemplatifs de son visage `, soulignait en substance Jean-Paul II dans sa lettre apostolique Novo millenio ineunente , ouvrant nos horizons sur le troisième millénaire.
Jean-Paul II a contemplé toute sa vie le visage du Christ, n’est-ce donc pas essentiellement ce qui nous reste à expérimenter… quotidiennement?
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