Deux semaines jour pour jour après les attentats de Paris et de Saint-Denis, le chef de l’Etat français a rendu hommage aux 130 morts et quelque 350 blessés, victimes d’une « une horde d’assassins » agissant « au nom d’un Dieu trahi » selon l’expression très juste de François Hollande lors de la cérémonie qui s’est déroulée aux Invalides. Tandis que l’union nationale s’impose en pareilles circonstances, nous avons tous à chercher comment peut être évitée la dérive terroriste d’autres jeunes musulmans de France dans les années qui viennent. Les bombes lointaines, et tardives, ne suffiront pas à régler le problème car l’ennemi potentiel est parmi nous, il est né dans nos cités et vit dans nos quartiers. Le vide spirituel idéologiquement entretenu dans notre société matérialiste – où mêmes les crèches de Noël sont interdites dans les mairies – est-il en mesure d’apporter une solution à la tentation djihadiste? Les matchs de football, les concerts endiablés, et l’intégrisme laïc, peuvent-ils combler la soif d’idéal d’une jeunesse déracinée, en quête d’une grande cause à laquelle s’identifier et donner sa vie? Quel modèle l’Occident opulent et égoïste offre-t-il aux populations immigrées issues des pays pauvres? « La première chose à faire pour empêcher un jeune d’être recruté par des groupes extrémistes est de lui donner de l’éducation et du travail », a martelé vendredi le Pape, devant les jeunes Kényans rassemblés dans le grand stade de Kasarani, durant son premier voyage en Afrique. François a attribué la radicalisation de certains jeunes à « un système international injuste, qui ne met pas la personne au centre mais le Dieu argent ».
« La culture de la détérioration et du rejet a conduit à sacrifier aux idoles du gain et de la consommation, disait-il la veille au siège de l’ONU, à Nairobi, appelant à « un changement de direction », notamment dans le domaine de l’éducation et de la formation des jeunes. Seul leader mondial vraiment écouté et aimé par les gens, il soulignait que « rien ne sera possible si les solutions politiques et techniques ne sont accompagnées d’un processus d’éducation qui promeuve de nouveaux styles de vie ».
Le Saint-Père évoquait « une culture de la protection, la protection de soi-même, la protection de l’autre, la protection de l’environnement, en lieu et place de la culture de la détérioration et du rejet ». « Ce grand défi culturel, spirituel et éducatif, supposera de longs processus de régénération qu’il est encore temps de promouvoir », soulignait-il, citant son encyclique sur la sauvegarde de la Création, Laudato si ’.
Planter un arbre, et continuer à avoir confiance
Alors que je faisais en direct les commentaires de ce voyage du Pape en Afrique, sur les ondes de radio Vatican, il m’apparaissait clairement que le gage d’un avenir sûr et heureux pour les générations futures tient dans la volonté que nous avons, maintenant, à prendre nos responsabilités en vue de « concevoir la planète comme une patrie, et l’humanité comme un peuple qui habite une maison commune » ( Laudato si’ , n°164).
Le Pape, acclamé au Kenya, pays régulièrement blessé par des attentats islamistes, nous invite à ne pas avoir peur – sauf des moustiques, comme il l’a dit en souriant à son arrivée – et au contraire à espérer, et surtout à « consentir à des efforts pour inverser toutes les situations d’injustice et de détérioration dont nous souffrons aujourd’hui » .
La violence et le terrorisme sont alimentés par la désespérance, qu’engendrent la pauvreté et la frustration. François le répète au long de son périple africain à haut risque. À la veille de la rencontre internationale sur le changement climatique, la « COP21 » (1) qui s’ouvre lundi à Paris, il nous donne l’exemple en plantant un arbre – ce qu’il a fait à Nairobi – pour « continuer à avoir confiance » en se retroussant les manches, pour prendre soin les uns des autres en résistant à la « mondialisation de l’indifférence » par des petites ou grandes initiatives, signes de cette « créativité généreuse qui révèle le meilleur de l’être humain ».
(1) Qu’est-ce que la COP 21?
La Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) a vu le jour lors du Sommet de la Terre de Rio de Janeiro, en 1992. Ratifiée par 196 `parties`, elle reconnaît l’existence d’un réchauffement climatique dû à l’activité humaine et donne aux pays industrialisés la responsabilité de lutter contre ce phénomène. L’organe suprême de la CCNUCC est la Conférence des parties (COP). Elle se réunit chaque année afin de prendre des décisions, à l’unanimité ou par consensus, pour respecter les objectifs de lutte contre les changements climatiques. Chaque année, la Conférence se déroule sur la base d’une rotation géographique dans un des pays des cinq groupes régionaux de l’Organisation des Nations unies : Asie-Pacifique, Europe de l’Est, Amérique Latine-Caraïbes, Europe de l’Ouest élargie (WEOG) et Afrique. Lors de la Conférence de Copenhague en 2009, les 195 pays représentés n’avaient pas pu trouver un terrain d’entente. Ils ont repoussé à 2015 la signature d’un accord global… Selon Laurent Fabius, président de la COP21, `le fantôme de Copenhague s’éloigne`. En septembre 2012, François Hollande, fit part de son intention d’accueillir la 21e Conférence des parties (COP21) en 2015. La France a été officiellement désignée pays hôte lors de COP19 de Varsovie, en 2013.