Avant de quitter Cuba ce mardi pour Washington, depuis l’aéroport de Santiago, François aura célébré la messe au sanctuaire de la Vierge de la Charité del Cobre, au sud-est de l’île. El Cobre évoque le cuivre, et l’exploitation de premières mines à ciel ouvert découvertes par les Conquistadores en Amérique. C’est sans doute là que les esclaves se révoltèrent pour la première fois à Cuba, et le sanctuaire de la Vierge métisse symbolise l’unité d’une nation indépendante de l’Espagne à partir de 1898, et des Etats Unis depuis 1902.Le Pape a invoqué la protection de celle qui fut proclamée patronne de l’île par Benoît XV il y a un siècle, et couronnée des mains de saint Jean-Paul II le 24 janvier 1998. « Que son regard miséricordieux soit toujours attentif à chacun de vous, à vos maisons, à vos familles, et aux personnes qui peuvent sentir qu’il n’y a pas de place pour elles », déclarait-il lundi à Holguín. Les personnes âgées, qui ont porté le flambeau de l’espérance durant les années difficiles de l’athéisme d’Etat, étaient mises à l’honneur. Ce sont elles qui ont continué à faire sonner les cloches des églises quand plus personne n’osait manifester sa foi.
La messe dans cette ville proche du sanctuaire marial, en présence du président Raúl Castro, chapeau de paille sur la tête, et d’une foule impressionnante venue des campagnes environnantes, avait lieu en la fête de saint Matthieu, date importante dans la vie de Jorge Mario Bergoglio. Il y fit allusion lors de sa très belle homélie, parlant du « jeu de regards » qui est capable de transformer l’histoire… L’apôtre Matthieu, collecteur d’impôts et collaborateur des Romains, se leva et suivit Jésus après avoir croisé son regard. « Quelle force ont dû avoir ces yeux pour le faire lever », a commenté François, évoquant des « yeux de miséricorde » qui viennent précisément « chercher tous ceux qui se sentent indignes de Dieu, indignes des autres ».
« Crois-tu qu’il est possible qu’un traître devienne un ami ? »
« Laissons-nous regarder par le Seigneur dans la prière, dans l’Eucharistie, dans la confession, dans nos frères, surtout ceux qui se sentent abandonnés, les plus esseulés », a dit le Pape.
Lui-même, quand il était jeune, a vécu cette expérience, après s’être confessé dans une église où il venait d’entrer, mystérieusement attiré, le 21 septembre 1954, et recevant alors l’appel à la vie religieuse. « Jésus l’a regardé et Matthieu a trouvé la joie dans le service », a poursuivi François à Holguín, indiquant que le regard d’amour du Christ « soigne nos myopies et nous stimule à regarder au-delà, à ne pas nous arrêter aux apparences et au politiquement correct ».
L’homélie personnelle, prononcée avec intériorité, sans effets de manche, semblait un condensé de son enseignement, avec en sommet cette question : « Crois-tu qu’il est possible qu’un traître devienne un ami ? ». L’actuel pontificat est en effet basé sur l’appel à la réconciliation, à l’intérieur de l’Eglise et au cœur du monde, au sein des nations et entre les peuples, de personne à personne.
Le premier pape latino-américain l’avait explicité dimanche à La Havane, place de la Révolution, sous une image géante de Che Guevara et une autre du Sacré Cœur de Jésus, considérant que « le service n’est jamais idéologique, qu’il ne sert pas des idées mais des personnes ».
Ainsi ses échanges avec le président Obama, d’humble origine, ont permis au président américain de mieux comprendre que de l’avenir des relations avec Cuba, « l’île-pont », dépendent les relations des Etats Unis avec les autres pays d’Amérique latine, et sans doute de là avec le reste du monde. La force du dialogue porte ses fruits.
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Elle est précieuse cette expérience personnelle du Pape François qu’il multiplie à l’infini dans chaque instant vécu avec chacun : le temps vécu en Dieu avec l’autre présent maintenant. C’est LE trésor vraiment.