Le maire de la Cité mariale pyrénéenne, Jean-Pierre Artiganave, était récemment en visite officielle à Rome pour rencontrer la direction de l’association nationale italienne pour le transport des malades à Lourdes et dans les sanctuaires internationaux : l’UNITALSI, qui fête ses 110 ans en cette année 2013. Il a pu saluer personnellement le Saint-Père. – Monsieur le Maire, le monde entier a été bouleversé par les images des inondations à Lourdes en octobre dernier. Grâce à vous l’état de catastrophe naturelle a été déclaré, ce qui veut dire qu’un financement public spécial sera destiné aux réparations des dégâts. Pouvez-vous nous expliquer les raisons de cette crue soudaine, et nous parler de ses conséquences pour cette ville universellement aimée? Comment avez-vous vécu l’évènement? Quels enseignements tirez-vous de ce qui s’est passé, notamment par rapport aux relations avec les Sanctuaires de Lourdes?
– Tout d’abord je voudrais rassurer les amis de Lourdes qui se sont manifestés du monde entier après l’émotion suscitée par des images très impressionnantes, abondamment relayées par les médias, d’une crue soudaine dont nous avons pu tout de même anticiper les effets. Certes cette crue spectaculaire a occasionné des dégâts importants chez certains commerçants et également aux sanctuaires, mais nous devons avoir à l’esprit que cet événement est appelé à se renouveler. Nous le savons comme le savent les spécialistes qui travaillent à nos côtés. Lourdes est parcourue par le Gave de Pau dont les hommes ont réduit le lit au fil des années, et de temps à autre la nature reprend ses droits. Heureusement, et c’est bien là l’essentiel il n’y a eu aucune perte humaine à déplorer. Cette crise climatique a permis de démontrer l’efficacité de la chaîne des secours et de la solidarité qui s’est organisée depuis le PC installé à la Mairie. Elle a aussi validé dans ses grandes lignes le plan de prévention des risques que nous avions établi avec les services de l’Etat et les pompiers. Bien évidemment des progrès sont à accomplir, notamment dans notre coordination avec les services des sanctuaires, mais dans l’ensemble le dispositif a démontré une réelle efficacité. En tant que Maire, je me devais d’être présent sur tous les fronts, je suis même allé jusqu’à faire la circulation ! Mais l’essentiel de ma mission aura été de piloter le dispositif aux côtés du Préfet et du colonel des pompiers mais également des employés municipaux qui n’ont pas ménagé leur peine pour venir en aide aux victimes de ces inondations.
– L’UNITALSI – une grande organisation italienne de pèlerinages – s’est mobilisée, avec de nombreux volontaires, au moment des inondations de l’automne dernier. Beaucoup de pèlerins italiens ont donné de l’argent aux Sanctuaires, en particulier par l’intermédiaire de TV2000. Comment interprétez-vous cette générosité de l’Italie à l’égard de Lourdes, vous qui êtes le premier magistrat de cette `ville fraternelle` depuis plusieurs années déjà?
– Lourdes et l’Italie ont un destin lié. Les italiens, volontaires, bénévoles et pèlerins donnent leur part d’âme à notre ville. Sans les italiens et l’UNITALSI, Lourdes ne serait pas Lourdes. Leur générosité n’a d’égale que leur foi. Entre don et don de soi, le frère venu d’Italie participe de cette chaîne de solidarité dont il est le premier contributeur. Je suis un amoureux de l’Italie et du génie italien. Je ne suis pas objectif quand je parle de ce pays magnifique pays qui a tant apporté à notre civilisation. Le rôle de TV2000 aura été essentiel car leur couverture de l’événement aura été intense, maîtrisée et avisée. Lorsque je me rends en Italie comme je m’apprête à le faire très prochainement, je ressens une très vive émotion à l’idée de rejoindre ma seconde patrie.
– Vous savez que l’association nationale italienne pour le transport des malades à Lourdes et dans les sanctuaires internationaux (UNITALSI), a le projet, avec d’autres, de racheter les trains italiens de pèlerinages pour leur permettre de circuler dans une dimension européenne. Quel est votre point de vue sur cette initiative, et croyez-vous qu’elle puisse `sauver` les trains de pèlerinages très menacés actuellement?
– Il s’agit d’une initiative déterminante à plus d’un titre. D’abord parce qu’il s’agit du train qui est incontestablement le mode de transport le mieux adapté au pèlerinage. Ensuite parce que ce moyen de transport est propre, non polluant. Enfin parce qu’il est le seul à permettre de préserver l’esprit de Lourdes qui, à mes yeux, passe avant tout par le pèlerinage des malades voire des grands malades grâce à la mise en service de voitures de grande accessibilité. Je ne vois pas l’avenir de Lourdes sans la présence des personnes malades et la générosité de leurs accompagnants. Les images les plus fortes, c’est dans leur regard que je les ai rencontrées. Si certains ont renoncé à acheminer les malades vers Lourdes par la voie ferroviaire pour des raisons de commodité ou de coût, ce n’est pas le cas de l’UNITALSI et je m’en réjouis. Je serai à leur côté pour développer une offre adaptée et respectueuse, je le répète, de l’esprit de Lourdes, indissociable de l’accueil des malades. Je garde en mémoire le dernier voyage du Saint Père Jean-Paul II à Lourdes comme une incitation à continuer dans cette voix. Je serai fidèle à son message.
– Les Sanctuaires de Lourdes sont liés à vous par une `Société d’Economie Mixte`, la SEM de l’Accueil, que vous présidez. Cette SEM permet d’obtenir des subventions publiques pour restaurer les accueils de malades dans les Sanctuaires, mais aussi le patrimoine culturel comme par exemple les mosaïques de la Basilique du Rosaire. Comment fonctionne cette SEM aujourd’hui? On dit que les Sanctuaires paient un loyer de 400 000 euros par an à la SEM, via l’EURL Basilique du Rosaire, mais que l’EURL en question connaît un grave déficit récurrent (qui serait de 400 000 euros dernièrement), lié spécialement au paiement de ce loyer… Le tribunal de commerce aurait été alerté. Y-a-t-il des solutions à court terme, autres que les économies d’urgence faites actuellement sur l’EURL par les responsables des Sanctuaires?
– Ce que je peux vous dire, c’est qu’avec le précédent évêque du diocèse, Monseigneur Jacques Perrier, nous avons construit un projet original, tant en droit qu’en fait, qui dénotait la confiance mutuelle qui nous animait et notre volonté commune de faire des choses importantes ensemble. Ce fut le cas pour la réalisation des accueils ainsi que pour la réhabilitation de la Basilique du Rosaire, avec ses magnifiques mosaïques que nos visiteurs et pèlerins ne se lassent pas d’admirer. Pour réaliser des travaux d’une si grande ampleur qui nécessitaient plusieurs millions d’euros tout en respectant le principe de laïcité qui prévaut en France, nous avons dû construire un montage juridique d’une grande subtilité en accord avec les gouvernements successifs qui ont regardé tout cela de très près. Ainsi nous avons créé une Société d’Economie Mixte entre les sanctuaires et la mairie. Cette SEM, que je préside comme le prévoit la loi, est devenue propriétaire de la basilique au terme d’un bail de 30 ans conclu avec les Sanctuaires. Il fallait que nous soyons déterminés et confiants l’un dans l’autre pour entreprendre un tel chantier. A mi-parcours c’est un succès ; et celui-ci nous permettra sans doute de revoir ce fameux loyer à la baisse tout en assurant le remboursement des crédits engagés.
– La Laïcité à la française fonctionne d’une manière particulière à Lourdes. Au regard de l’histoire, dont vous êtes un spécialiste, comment ont évolué les relations entretenues par la Ville avec les Sanctuaires, dans le respect des principes républicains? Parleriez-vous toujours d’une `communauté de destin`?
– La laïcité est en France un principe intangible inscrit dans la Constitution. Il ne doit pas être compris comme une défiance à l’égard du religieux mais comme une stricte séparation des affaires de l’Etat et de l’Eglise, plus généralement des cultes qui se pratiquent librement dans notre pays. La laïcité peut même être considérée comme un rempart à toute tentative de remettre en cause la place et le rôle de l’Eglise dans notre société.
A Lourdes, nous avons su organiser, voir institutionnaliser, les relations entre la Ville et les Sanctuaires en créant la SEM de l’Accueil, ce « mécano » qui nous a permis de réaliser et de financer les travaux de réhabilitation de divers édifices : Accueil Notre Dame, Basilique du Rosaire, Mosaïques du Rosaire en particulier,sans déroger à la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat, afin d’assumer notre communauté de destin.
– Vous serez sans doute à nouveau candidat à la mairie de Lourdes dans un peu plus d’un an. Quels sont les chantiers qui vous paraissent essentiels à réaliser dans les années qui viennent, en particulier pour que Lourdes ne perde pas pied face à d’autres villes-sanctuaires en pleine expansion, spécialement Medjugorje en Bosnie-Herzégovine où les pèlerins italiens se rendent par milliers ?
– Ma candidature à la Mairie de Lourdes n’est pas encore d’actualité. J’ai été élu pour agir, non pour préparer ma réélection. Nous avons entrepris une vaste politique de rénovation urbaine depuis 2001. Elle doit-être poursuivie. La ville se transforme de bas en haut. Ses quartiers sont progressivement requalifiés, du centre-ville à la périphérie. Nous avons un projet ambitieux d’aménagement des Berges du Gave qui constitueront bientôt un nouvel espace de cheminement pour les lourdais et nos visiteurs. Nous sommes en train de réaménager complétement une grande salle de spectacle qui sera un marqueur à l’entrée de la ville de la volonté de Lourdes de s’inscrire dans la modernité. En même temps, notre ville se dote de nouveaux moyens pour améliorer la tranquillité publique et la propreté. Il ne faut pas non plus oublier le soutien aux associations qui créent du lien social ; la programmation culturelle de la ville qui doit laisser place à tous les arts et événements qui fédèrent un large public. La question des transports reste évidemment au cœur de nos préoccupations tant à l’intérieur de la ville où ils sont désormais plus fréquents et mieux adaptés que ceux qui permettent d’acheminer nos visiteurs et pèlerins. En même temps Lourdes s’ouvre sur l’extérieur, son Pays et ses Vallées ; sur la grande de ville de Pau avec laquelle elle multiplie les projets, mais aussi l’international car elle est très attachée à demeurer une fenêtre sur le monde. Lourdes ne peut pas perdre pied comme vous dites dès lors qu’elle reste fidèle à son esprit et la vierge. Elle entretient en outre des contacts réguliers avec les autres villes sanctuaires européennes, plus privilégiés vers Czestochowa et Fatima. Avec les italiens c’est encore une autre histoire, celle de l’amitié éternelle et d’une communion d’esprit que vous ne retrouverez pas ailleurs, hors les murs de Saint Pierre de Rome.
– En cette Année de la foi qui se prolonge jusqu’en novembre prochain quels mots voudriez-vous adresser aux volontaires, notamment italiens, qui accompagnent les malades à Lourdes?
– Un message de paix et de fraternité. Nous vivons dans un monde chaotique qui de surcroît tend à saper certains repères de notre vie en communauté. Les volontaires, spécialement ceux de l’UNITALSI, incarnent les valeurs auxquelles nous sommes tous très attachés : l’écoute, l’entraide, le dévouement, la tolérance… Nous ne communiquons jamais assez et de manière pertinente. Je dois rendre hommage aux médias associatifs, par exemple au site internet de l’UNITALSI et à la revue Fraternità, qui permettent à celles et ceux qui doivent rester à la maison pour des raisons diverses, non seulement de penser à Lourdes mais aussi d’une certaine manière de se rendre à Lourdes à travers l’actualité de la cité mariale dont vous rendez compte avec gentillesse et qualité. Je vous attends à Lourdes, una città del mondo, una città italiana !
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C’est un beau témoignage de relation vraie avec la réalité qui se vit là.