Le successeur de Jean-Paul II quitte la scène publique à l’issue de l’audience générale de ce mercredi 27 février où plus de 50 000 fidèles sont attendus pour lui rendre un dernier hommage. Jeudi soir, jour de la saint Romain, s’envolant en hélicoptère vers la résidence de Castel Gandolfo, il renoncera définitivement à exercer ses fonctions, après huit ans d’un règne douloureux marqué par une série de scandales qui minent de l’intérieur l’Eglise catholique. Benoît XVI, élu à 78 ans, a eu le courage de s’attaquer de front aux problèmes liés notamment à l’opacité d’une Curie romaine gangrenée par les rivalités, cependant, âgé et épuisé, il fera face autrement : dans la prière. Avec une liberté intérieure extraordinaire, qui force le respect au plan universel, il a choisi de se retirer pour prier à l’intention de l’Eglise et de celui que les cardinaux, 115 à ce jour, vont élire au cours du mois de mars. Lundi prochain, réunis en « Congrégation générale » dans la salle du synode, ils devraient voter pour fixer la date de l’ouverture du conclave au cours duquel ils auront à désigner un pape fort comme Jean-Paul II et humble comme Benoît XVI, capable de réformer le système de fond en comble en faisant aussi la vérité sur les zones d’ombre, d’un enlèvement jamais élucidé à des assassinats au Vatican… La tâche est immense pour ramener l’Eglise à sa source, revenir au Christ, et en cela ne s’agit-il pas pour ainsi dire de trouver le pape de la dernière chance ?
Alors qu’une « Année de la foi » s’est ouverte en octobre dernier par la volonté de Benoît XVI, cinquante ans après la clôture du Concile Vatican II, la nouvelle évangélisation que l’Eglise souhaite faire avancer se heurte à une très mauvaise image de l’institution ecclésiale dans l’opinion publique. Pire, cette Eglise semble être devenue le principal obstacle à la diffusion de la foi catholique. Tout récemment, ces derniers jours, le cardinal Keith O’Brien, archevêque d’Edimbourg, a donné sa démission au pape à la suite d’accusations d’homosexualité avec des séminaristes, s’inscrivant ainsi dans une trop longue liste de prêtres et d’évêques ayant manqué à leurs engagements, abusant d’enfants ou de personnes jeunes qui leur étaient confiées. Paradoxalement ce cardinal britannique, présenté comme un « conservateur », s’était élevé contre le mariage homosexuel, preuve s’il en est d’une certaine skyzophrénie dans les milieux idéologiques où certains prélats et leurs mercenaires sectaires jouent les parangons de vertu.
Dans ce contexte lourd de mensonges et d’hypocrisies, Benoît XVI a reçu lundi matin les trois cardinaux en charge de l’audit interne sur le Vatican, où s’entrelacent des affaires sexuelles et financières, et il a décidé de remettre exclusivement à son successeur ce dossier sulfureux dont il avait lui-même pris connaissance fin décembre, après dix mois d’enquête , suite aux fuites de documents secrets publiés dans la presse, notamment des lettres du courageux Mgr Carlo Maria Vigano, « exilé » à Washington et peut-être nouveau Secrétaire d’Etat du successeur élu dans une quinzaine de jours ? La renonciation du pape annoncée le 11 février, en la fête de Notre-Dame de Lourdes, n’est en tout cas probablement pas simplement liée à son état de santé, mais plutôt au témoignage évangélique qu’il désire donner, selon l’appel à la prière et à la pénitence qu’une femme enveloppée de soleil, enceinte de l’humanité nouvelle, lance depuis la Grotte de Massabielle, au-delà des structures…
Lors de l’ouverture du Carême, le Mercredi des Cendres, trois jours après le « coup de tonnerre » du 11 février et la foudre qui tomba mystérieusement ce soir-là sur la basilique Saint-Pierre, le pape a expliqué son geste en invitant chacun à se poser une question fondamentale : « Qu’est-ce qui compte véritablement dans ma vie ? ». Il a précisé que « se convertir » signifie laisser Dieu nous transformer, « suivre Jésus de manière à ce que son Evangile soit un guide précieux de la vie »… Puis, le lendemain, devant les prêtres de Rome, Benoît XVI a confié : « Moi, retiré dans la prière, je serai toujours avec vous, et ensemble nous irons vers le Seigneur ». La prière est donc le message du futur « pape émérite » qui veut accorder la première place à la Parole de Dieu, en s’effaçant devant le Christ qui seul gouverne l’Eglise.
Celui qui était injustement soupçonné d’être un « grand inquisiteur » au moment de son élection, en avril 2005, se révèle être un des papes le plus révolutionnaires que l’Eglise ait connus, et par son acte d’humilité, dans une logique de dépouillement et de purification, il rend enfin possible l’unité des chrétiens pour laquelle Jésus a prié le Jeudi saint : « Que tous soient un, afin que le monde croie » (Jean 17, 21).
Dans sa retraite méditative, Benoît XVI, qui gardera son nom et portera une soutane blanche, intercèdera pour son successeur, dont il sera certainement l’ami fidèle et le sage conseiller. Celui-ci connaîtra sans doute ou apprendra à connaître le grand secret de son prédécesseur : Maria. La grande sœur de Joseph Ratzinger, à qui il tient fort la main sur les photos d’enfance exposées dans la maison natale de Marktl, en Bavière, a donné sa vie pour lui quand il était cardinal, préfet de la congrégation pour la Doctrine de la foi. Elle est morte en voulant aller sur la tombe de leurs parents, le 2 novembre 1991, tandis qu’il souffrait dans un hôpital, gravement malade. Il est persuadé que sa guérison, et plus tard son l’élection inattendue sur le trône de saint Pierre, sont les fruits du sacrifice de Maria Ratzinger, sa confidente et conseillère, qui se consacra totalement à lui durant des années de service, avec beaucoup d’abnégation. De plus celui qui l’aida à traverser les moments de terrible « dépression » après la mort de Maria, et envers lequel il a comme une dette d’amitié, n’est autre que son fidèle collaborateur Mgr Tarcisio Bertone, devenu le très puissant Secrétaire d’Etat de Sa Sainteté Benoît XVI, largement critiqué en cette triste fin de règne mais que Benoît XVI n’a pu se résoudre à remplacer…
Grand spirituel, mystique, le pape émérite, qui est né un Samedi saint et a été baptisé le jour de Pâques, offrira sa vie retirée du monde pour le succès de l’action pastorale du nouveau pape qui débutera son pontificat dans la lumière de la Semaine sainte. Qui sera-t-il ?
Aujourd’hui le cardinal Angelo Scola, archevêque de Milan depuis 2011, est considéré comme un possible « pape de combat », apte à accomplir l’œuvre de Benoît XVI et à mettre en pratique sa pensée théologique, certains observateurs ayant la conviction que seul un pape italien pourrait venir à bout d’un profond remaniement de la Curie.
Le cardinal Marc Ouellet, québécois, préfet de la Congrégation pour les évêques, semble être le favori parmi les cardinaux non européens, talonné discrètement par un brésilien de choc qui étonnera le monde, Mgr Joào Braz de Aviz – « miraculé » d’une fusillade, fait cardinal le 18 février 2012… – mais il se pourrait aussi que le cardinal Christoph Schönborn, 68 ans, autrichien ouvert aux réformes, élève de Joseph Ratzinger et rédacteur du catéchisme de l’Eglise catholique il y a vingt ans, démontre que l’Europe n’a pas dit son dernier mot. Peu apprécié par l’actuel Secrétaire d’Etat dont il est le parfait opposé, il est soutenu par les cardinaux les plus farouchement résolus à ouvrir l’Eglise aux questions que se posent les hommes de ce temps, avec le regard compatissant et la tendresse du Christ pour chaque personne humaine. Au coeur de l’Eglise, Rome n’a pas besoin d’un manager mais d’un témoin : le ministère de l’apôtre Pierre est avant tout évangélique et missionnaire.
2 Comments
On entrevoit mieux pourquoi, l’acte héroïque et apparemment solitaire du Saint Père , communique à beaucoup d’entre nous, personnellement et ensemble,le grand désir de mieux ajuster nos actes à notre choix de l’Evangile.Effet papillon? Communion des Saints .
Victor
J’entrevois mieux pourquoi le comportement du Saint Père Benoit XVI exerce cette attraction sur le nôtre en communicant le grand désir d’aérer notre vie tout en l’enracinant : cette alliée dans le Ciel doit toujours le tenir par la main alors ils nous entrrainent?
Victor