« Toute vie humaine mérite d’être inconditionnellement respectée et accompagnée avec une authentique fraternité » (déclaration de la Conférence des évêques de France à Lourdes, le 20 mars 2024)
Les atteintes légales au droit à la vie s’accélèrent en France, malgré les déclarations répétées des évêques de ce pays qui cherchent désespérément à réveiller les consciences. Après la liberté d’avorter inscrite dans la constitution française, c’est au tour de l’euthanasie de faire l’objet d’un projet de loi, avec l’accord tacite d’une majorité de la population sans plus aucun repère religieux ou simplement éthique.
« La France consacre l’avortement comme une “liberté garantie” dans sa constitution. Les autres gouvernements devraient suivre l’exemple et améliorer les protections en matière de liberté de reproduction », pouvait-on lire à la une de la presse française au lendemain du vote du congrès des députés et sénateurs, à Versailles, le 4 mars dernier. La « liberté garantie » à l’avortement venait d’être intégrée à l’article 34 de la Constitution française, par 780 voix pour, 72 contre et 50 abstentions. Les évêques de France réunis à Lourdes en novembre pour leur assemblée annuelle d’automne avaient appelé à « la mobilisation de tous, croyants ou non croyants », afin de répondre à « la vraie urgence pour aider les femmes qui n’ont pas réellement le choix ». Ils avaient exprimé leur inquiétude devant ce qui n’était encore qu’un projet d’inscription, rappelant que « toute vie est un don pour ce monde, un don fragile et précieux, infiniment digne, à accueillir et à servir depuis son commencement jusqu’à sa fin naturelle ». Ils évoquaient le « triste record » de « 234.000 avortements » en France en 2022 conduisant à une « baisse prévisible de la population », et donc à un « échec ». S’appuyant sur les propos virulents du Pape François dénonçant l’avortement, ils affirmaient qu’il n’est pas question pour l’Église catholique « d’affaiblir la force du repère biblique “tu ne tueras pas” ».
Cependant leur propos, dans la France laïque, ressemble bien souvent à celui de Jean-Baptiste criant dans le désert. La majorité de la population française n’avait-elle pas trouvé normal, en 2020, que l’Assemblée nationale adopte, dans le cadre du projet de loi bioéthique, un amendement ajoutant la «détresse psychosociale» aux motifs autorisant une interruption médicale de grossesse jusqu’au 9e mois? Ainsi, depuis la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique, une mère en dépression par exemple peut légalement décider de supprimer son bébé arrivé à terme…
Le grand combat pour le droit à la vie continue maintenant en France, avec le projet de loi annoncé qui vise à légaliser l’euthanasie et le suicide assisté. Au début de leur Assemblée plénière de printemps à Lourdes, lieu de prière et de solidarité avec les personnes les plus fragiles les évêques de France ont publié mardi 20 mars une déclaration qui est comme une sonnette d’alarme à ce sujet, intitulée « Ne dévoyons pas la fraternité ! ». « Nous proclamons sans nous lasser que toute vie humaine mérite d’être inconditionnellement respectée et accompagnée avec une authentique fraternité », écrivent-ils. « C’est un impératif d’humanité et de fraternité que de soulager la souffrance et d’offrir à chacun la fin de vie la mieux accompagnée plutôt que de l’interrompre par un geste létal. Notre idéal démocratique, si fragile et si nécessaire, repose sur l’interdit fondateur de donner la mort », ajoutent les évêques, qui engagent tous les catholiques à « s’impliquer davantage auprès des personnes en situation de handicap, âgées ou en fin de vie ». Selon eux, « la demande de suicide assisté ou d’euthanasie est souvent l’expression d’un sentiment de solitude et d’abandon auquel nous ne pouvons ni ne devons nous résoudre ». « Plus la solidarité avec les personnes les plus fragiles progressera, plus notre pays avancera sur un chemin renouvelé de fraternité, de justice, d’espérance et de paix », disent encore les évêques de France désormais si peu écoutés dans la nation qui demeure pourtant aux yeux des papes successifs « la fille aînée de l’Eglise ».
La parole de l’Eglise en France est hélas décrédibilisée, mise hors-jeu du débat public, depuis le rapport contesté de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE), remis à l’automne 2021 à Mgr Eric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France, et à Sœur Véronique Margron, présidente de la Conférence des religieux et religieuses. Ce rapport avait fait des projections statistiques estimant par extrapolation à 330 000 le nombre de victimes de prêtres pédophiles ou laïcs travaillant pour l’Église sur 70 ans, sur la base réelle de seulement 171 réponses cochées sur un questionnaire Internet reçu par 28 000 personnes… Mgr de Moulins-Beaufort avait lui-même diffusé ce rapport à la presse et s’était mis à genoux à Lourdes devant les caméras pour demander pardon aux 330 000 victimes supposées… Un désastre pour la vérité des faits certainement, et une opération hara-kiri qui explique l’incapacité des évêques à se faire entendre aujourd’hui et pour longtemps.
François Vayne