Maître spirituel incontesté, le Pape affronte actuellement de grandes oppositions concernant son mode de gouvernement, comme en témoigne le récent numéro de l’Espresso où il est attaqué sur le choix de ses hommes dans la gestion des affaires vaticanes, en particulier pour le nouveau « Secrétariat de l’Economie ». Gageons qu’au delà des conflits de pouvoir internes, il saura élever le débat, et ramener chacun à l’essentiel comme il l’a fait le 2 mars, lors de la messe à Sainte-Marthe, expliquant que la capacité de s’accuser soi-même est une vertu chrétienne, d’autant plus nécessaire quand on est tenté de dénigrer l’autre au risque de le tuer moralement… Désireux en tout cas de nous guider au plus urgent, au cœur de ce temps de Carême, François s’est exprimé, dès son retour d’une semaine de retraite spirituelle avec la curie romaine, en faveur des chrétiens de Syrie et d’Irak, victimes de la violence et du fanatisme. Dimanche 1er mars, à la fin de l’angélus place Saint-Pierre, il a appelé à prier intensément avec eux, et à s’engager pour alléger leurs épreuves, déclarant avoir célébré la messe du vendredi 27 février à leur intention. Martyrisés en raison de leur foi – comme nos 21 frères coptes égyptiens égorgés – les chrétiens n’en finissent pas de souffrir au Moyen-Orient : la situation est tragique, conséquence directe des erreurs de certains pays aveuglés par leurs intérêts matériels et « stratégiques ». Chaque jour nous sommes informés de nouveaux drames, avec des enlèvements et des massacres orchestrés, comme pour nous obliger à entrer dans une logique de guerre probablement entretenue à haut niveau. La peur et la haine font leurs provisions, érigeant des barrières dans les cœurs qui se referment à l’autre, progressivement : est-ce le sinistre prélude à un conflit généralisé dont personne ne pourra contrôler les retombées apocalyptiques?
Le langage du contact qui guérit
Dans ce contexte François plaide à contre-courant pour une culture de la rencontre, de la solidarité et de l’intégration. « La charité contamine, passionne, risque et implique ! », disait-il aux nouveaux cardinaux le 15 février dernier, les exhortant à « servir Jésus crucifié en toute personne exclue », par l’intercession de Marie qui a souffert elle-même l’exclusion à cause des calomnies (Jean 8,41) et de l’exil (Mt 2,13-23). « Rappelons-nous toujours l’image de saint François qui n’a pas eu peur d’embrasser le lépreux et d’accueillir ceux qui souffrent toutes sortes de marginalisation », notait-il, en ayant parlé du contact comme le vrai langage communicatif. « Que de guérisons nous pouvons accomplir et transmettre en apprenant ce langage du contact ! », soulignait-il encore, illustrant ainsi le sens profond de la réforme évangélique qu’il est en train d’accomplir dans l’Eglise, pour l’humanité nouvelle, de proche en proche et jusqu’au bout de la terre, en contradiction avec les forces qui divisent.
Le 23 décembre 2014, lors des vœux de Noël à ses collaborateurs, il avait dénoncé les maladies qui guettent la curie, notamment « l’Alzheimer spirituel », cet oubli de l’histoire du salut dans nos vies, qui conduit à construire des murs autour de soi. Nous souvenant que notre père Abraham était un araméen errant, les yeux tournés vers la « Terre promise » qui ne peut être la terre possédée, nous sommes donc invités à ne pas succomber à la tentation de l’accusation et du rejet, à tisser des liens de paix et d’amitié entre tous, sans tomber dans le piège qui sans arrêt nous est tendu par l’adversaire. « L’antidote la plus efficace contre toute forme de violence est l’éducation à la découverte et à l’acceptation de la différence comme richesse et fécondité », résumait le Pape lundi dernier devant les évêques d’Afrique du Nord – Maroc, Algérie, Tunisie et Lybie – qu’ils confiaient à Notre-Dame d’Afrique.
Le miracle de la détente entre Washington et Téhéran
Seul leader à dimension mondiale encore crédible et écouté par les peuples, le Pape ne compte pas son temps pour jeter des ponts entre les civilisations, refusant de choisir un camp, et cherchant à favoriser des relations d’équilibre et de dialogue entre les nations. Le 15 février il recevait la vice-présidente de la République islamique d’Iran, Madame Molaverdi, accompagnée d’un groupe de femmes iraniennes, délégation qui fut ensuite invitée par le Vatican à la prochaine rencontre mondiale des familles qui se déroulera à Philadelphie au mois de septembre prochain, en présence de François. Après le miracle du dégel entre Cuba et les Etats Unis (voir mon blog du 20 décembre 2014), le Saint-Père pourrait bien réussir celui de la détente entre Téhéran et Washington, au grand dam du gouvernement de Benjamin Netanyahou… Le Premier ministre israélien essaie d’ailleurs à tout prix d’empêcher ce rapprochement. Il intervenait ce mardi 3 mars à Washington, dénonçant devant le Congrès des Etats-Unis l’accord sur le nucléaire iranien que le président Barack Hussein Obama veut conclure avec Téhéran à la fin du mois, et pour lequel les émissaires des deux pays – John Kerry et Mohammad Zarif – se rencontrent en Suisse. Invité par le « speaker » républicain de la Chambre des représentants, au mépris des usages puisque la Maison Blanche n’a été prévenue de cette initiative qu’au moment où elle était rendue publique, Netanyahou n’a pas été reçu par le président américain. À deux semaines des élections législatives en Israël, il est confronté dans son pays à des scandales à répétition lié à son train de vie, et à celui se sa femme Sara, jugé dispendieux par un rapport du contrôleur général des comptes.
Une escroquerie machiavélique ?
La crainte de la montée en puissance de l’Iran chiite, qui vient de célébrer l’anniversaire de la révolution islamique le 11 février, provoque la déstabilisation actuelle de la région, selon ce qu’a révélé sur la chaîne de télévision CNN le général Wesley Clark, ancien commandant des forces armées de l’OTAN qui connaît bien les secrets du Pentagone. Il a en effet affirmé que l’ISIS sunnite – en arabe ????, « Daech » – aurait été créé par les « alliés » des Etats Unis pour vaincre le Hezbollah chiite au Liban, parti soutenu par la Syrie du président Assad, lui-même ami du régime iranien, et de la Russie. L’escroquerie machiavélique serait donc de taille, et le « Cyber-djihad » en cours profiterait en réalité à qui veut diaboliser l’islam…, en contradiction flagrante avec la foi des musulmans. Le monstre se retournera bientôt contre ses maîtres, comme d’habitude au long de l’histoire, et les voilà déjà partis en chasse contre leur créature immonde, dans une course en avant sans autre lendemain que le sang et les larmes.
Les opinions publiques occidentales sont abreuvées de mensonges, et conduites à désigner l’islam comme bouc émissaire, sans réaliser qui se cache derrière ces manipulations de masse. De même les ennemis de la Russie fidèle à ses racines utilisent tous les moyens, et la provocation aussi, pour atteindre leur but politique, ce qui motive probablement la prudence du Pape François par rapport au conflit ukrainien dans lequel il voit avant tout une guerre fratricide entre chrétiens, s’adressant à chacune des parties, leur demandant d’appliquer les conventions auxquelles elles sont parvenues d’un commun accord. Il le sait, et nous le fait comprendre avec sagesse : ce n’est rien moins que la paix du monde qui est en jeu, à la fois en Syrie et en Ukraine.
Un gouvernement mondial avec Jérusalem pour capitale ?
« Demain, qui gouvernera le monde ? », s’interrogeait Jacques Attali dans un livre qu’il faut lire pour comprendre (éditions Fayard). « On peut rêver de Jérusalem comme capitale de la planète qui sera une jour unifiée autour d’un gouvernement mondial », commente-t-il avec sincérité et une bonne part d’idéalisme, évoquant la possible nécessité d’une grande guerre pour aboutir – enfin – à cela. Est-ce que créer les conditions de l’impasse d’une ville arabe fait partie de ce rêve pour Jérusalem ? Et ce gouvernement « démocratique » mettra-t-il tous les êtres humains en sa dépendance sous puce électronique ? Ceux qui résistent à ce plan de soumission universelle échafaudé depuis longtemps sont-ils voués à disparaitre sous un tapis d’accusations gratuites d’abord, et de bombes atomiques ensuite ? Dieu seul sait si l’issue de cette guerre annoncée sera conforme aux sombres desseins des hommes d’argent qui veulent imposer leur triste loi du marché. Dans l’attente, il y a lieu d’écouter le Pape, « conscience de l’humanité », plus que jamais, tant qu’il est encore libre de parler, et de nous accrocher à la prière du chapelet, dont les effets pourraient bien surprendre les banquiers-sorciers qui rêvent de dominer le monde… Un monde uni ne peut surgir que dans l’amour.
« La première chose nécessaire pour la paix, c’est une paix vraie entre Israël et la Palestine ; tant que là il y aura la guerre, il n’y aura pas la paix dans le monde ». Cardinal Carlo Maria Martini.