Ce jeudi, à partir de 20h, le pape Benoît XVI cesse d’être en fonction. Il se retire dans la prière, à Castel Gandolfo, en attendant l’élection de son successeur. La dernière audience générale, hier, a été bouleversante. Reportage sur le vif, pour la mémoire et pour l’histoire…« L’incroyable liberté d’un homme attaché au Christ. Merci, Sainteté ! » : des banderoles portant de tels slogans, inscrits en diverses langues, sont brandies avec enthousiasme dans la foule, mercredi matin, place Saint-Pierre, rendant hommage au successeur de Jean-Paul II qui a décidé de se retirer, dès ce jeudi soir, pour une vie cachée dans la prière. La dernière audience générale du pontificat de Benoît XVI rassemble plus de 150 000 fidèles, dont beaucoup de jeunes, qui se pressent et crient leur foi au passage de la « papamobile », agitant des drapeaux de toutes les nations, y compris aux couleurs de l’immense Chine communiste… Le soleil est éclatant. Des hélicoptères survolent la ville. Tous les médias du monde sont là. L’émotion est intense, l’Eglise perd son capitaine courageux. Comment ne pas penser à la messe des obsèques de Jean-Paul II, qui fut présidée par le cardinal Joseph Ratzinger, élu pape quelques jours plus tard ? Etrangement pourtant, à l’heure de l’adieu, l’ambiance est à la joie, comme si le message du futur « pape émérite » avait déjà touché les cœurs, avant même qu’il ait délivré son ultime enseignement qui aura valeur de testament . « Nous ne nous sentons pas abandonnés, mais fortifiés », exprime une pancarte, écrite en italien, résumant le sentiment de bien des personnes présentes sur la place, bouleversées par le témoignage d’humilité et de détachement que donne Benoît XVI en renonçant à ses fonctions suprêmes. « Quelle leçon de conscience faite aux hommes petits qui s’accrochent jalousement à leur ridicule pouvoir, prêts à calomnier les autres pour se grandir virtuellement et prendre leur place », commente très concrètement Philippe, un père de famille grenoblois en pèlerinage à Rome avec son diocèse. Le Saint-Père, souriant et serein comme un « Dalaï lama catholique » selon l’expression d’une lycéenne, s’installe sur l’immense podium qui fait face à la multitude soudain recueillie. Les cardinaux, au premier rang, paraissent inquiets, ayant bientôt la lourde charge d’élire parmi eux celui qui accomplira l’œuvre de vérité et de purification engagée par Benoît XVI depuis huit ans. Après un temps de prière et de lecture biblique, le pape s’adresse aux participants de l’audience dans un silence impressionnant. Il souligne que « la parole de vérité de l’Evangile est la force de l’Eglise, sa vie », que cet Evangile « purifie et rénove », expliquant que cette conviction lui a toujours donné confiance, même dans les moments difficiles : « Je me suis senti comme Pierre et les apôtres dans la barque sur le lac de Galilée, quand les eaux étaient agitées, le vent contraire, et que le Seigneur semblait dormir », dit-il, faisant indirectement allusion aux affaires douloureuses qui ont marqué son règne. « La barque de l’Eglise n’est pas mienne, elle n’est pas nôtre, elle est sienne et il ne la laissera pas couler », ajoute ce veux pape de 86 ans, lumineux de sagesse. Autrement dit l’Eglise n’est pas « Cosa Nostra »…, c’est le Christ qui la gouverne et il convient au cléricalisme de s’effacer devant lui. Les cardinaux applaudissent en tremblant devant le chantier ainsi reouvert. Benoît XVI remercie ensuite ses collaborateurs, y compris le Secrétaire d’Etat – son Premier ministre – le cardinal Tarcisio Bertone, qu’il ne s’est pas résolu à remplacer pour des raisons liées essentiellement à leur longue amitié. Quand le pape se met à parler des nombreuses lettres touchantes et chaleureuses qu’il a reçues après l’annonce de sa renonciation historique, les fidèles l’acclament à nouveau à tout rompre. Il souhaite à chacun d’expérimenter cette réalité familiale de l’Eglise « en ce temps où beaucoup parlent de son déclin » : « Nous pouvons toucher ce qu’est l’Eglise, qui n’est pas une organisation, une association, mais le Corps de Jésus Christ qui nous unit ». Enfin le pape tient à faire comprendre encore une fois son geste, parfois mal jugé, même de certains évêques : « Je n’abandonne pas la croix, mais je reste d’une manière différente auprès du Seigneur Crucifié », lance-t-il, déchaînant les ovations, tandis que les cardinaux se lèvent en signe de respect et que le pape demande à tous de prier pour eux et pour celui qu’ils choisiront bientôt. Dans la foule les nouveaux mouvements de baptisés engagés au service de la nouvelle évangélisation, qui se sont développés en un demi-siècle dans la mouvance du Concile Vatican II, se manifestent partout sur la place, notamment Communion et Libération, le Néo-catéchuménat et les Focolari. Le futur pape sera probablement issu ou proche de l’un d’eux, comme jadis les ordres mendiants, franciscains ou dominicains, ont donné des papes à l’Eglise, en la rajeunissant. Après la prière du Notre-Père en latin et la bénédiction finale, l’audience se termine calmement, le pape s’en va. Qui le remplacera ? Le conclave s’annonce difficile, et une vraie surprise n’est pas impossible. Dans une rue adjacente se faufile une voiture de grande marque, conduite par un évêque au style manager, et sur le trottoir une personne excédée s’écrie en le regardant : « Basta cosi ! », ce qui signifie en substance « Assez maintenant ». Les journalistes témoins de la scène sont médusés. Il semble bien que pour l’institution ecclésiastique l’heure d’un retour à l’Evangile vécu ait sonné. Face à la crise majeure qu’elle traverse en Occident, seul un réformateur éclairé, profondément évangélique, « conservateur de l’avenir », pourra rendre sa crédibilité à l’Eglise catholique dont la mission reste de diffuser l’espérance dans une société lassée des mensonges et de l’hypocrisie. Le message final de Benoît XVI, en cette « Année de la foi » qu’il a proclamée, sera-t-il entendu ?
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Aujourd’hui, hier, nous avons pu, en effet, “toucher le Corps de Jésus Christ qui nous unit”, nous avons vécu avec le (encore) Saint Père, une réalité familiale. Il nous communique l’envie de nous laisser convertir , de sortir du “prendre” pour entrer dans le don qui va avec le “perdre” . Benoit XVI nous fait voir la route : on y va?