Dans l’avion le conduisant vers Cuba, première étape d’un voyage de dix jours qui se conclura par la rencontre mondiale des familles à Philadelphie, aux Etats Unis, François a invité les journalistes à être eux aussi « constructeurs de ponts », si petits soient-ils. Il est persuadé que le dialogue est le seul chemin où peuvent avancer les processus de réconciliation sociale et politique. L’Eglise qu’il guide n’est pas dans le monde pour changer les gouvernements, mais pour permettre à l’Evangile, comme semence fraternelle, de pénétrer le cœur des hommes. Ainsi l’embargo américain qui étouffe Cuba depuis une cinquantaine d’années prendra probablement fin grâce à la médiation pontificale, le président Obama ayant progressivement rétabli les relations diplomatiques avec « la perle des Caraïbes » depuis décembre dernier. « Je veux me présenter à vous comme missionnaire de la tendresse de Dieu », a dit le Pape au peuple cubain dans un message télévisé qui précédait son arrivée. Son désir profond est que la réconciliation entre les Etats Unis et Cuba soit un exemple géopolitique qui puisse inspirer non seulement les relations internationales mais aussi la vie de chacun.
La nation cubaine est profondément catholique, unie autour de sa « patronne », la Vierge de la Charité del Cobre (du Cuivre), dont l’image a accompagné tous les combats patriotiques, depuis la lutte pour l’indépendance face à l’Espagne, au XIXème siècle, jusqu’à la révolution menée par Fidel Castro, Camilo Cienfuegos, et Che Guevara dans les années 50. C’est l’attitude agressive des Etats Unis qui a poussé le nouveau régime castriste dans les bras de la Russie communiste, l’influence de saint Jean XXIII ayant permis alors d’éviter que l’installation de missiles soviétiques sur l’ile n’aboutisse à une guerre nucléaire. L’appel à la paix du Pape Jean XXIII, publié par la Pravda joua en effet un rôle déterminant dans l’organisation de négociations entre Khrouchtchev et le catholique Kennedy.
Cuba a une valeur extraordinaire, aux yeux du Pape François, comme « clé entre le nord et le sud, entre l’est et l’ouest », a-t-il souligné dès son arrivée samedi soir à La Havane. « Sa vocation naturelle est d’être un point de rencontre pour que tous les peuples soient en amitié », ajouta-t-il, faisant sien le grand rêve du poète cubain José Martí, héros de la lutte pour la liberté de l’Amérique latine contre la domination espagnole. Il a confié ce pèlerinage de l’amitié entre les peuples au Père Felix Varela – serviteur des pauvres et apôtre de la liberté, déclaré « vénérable » par Benoît XVI – qui paya par l’exil son soutien à l’indépendance contre l’absolutisme abominable marquant la fin du règne de Ferdinand VII.
Dialogue, paix, amitié : ce 10ème voyage apostolique de François, qui le mènera de Cuba vers les Etats Unis où il entrera comme un « immigré », est un temps favorable pour « réveiller le monde » de sa torpeur égoïste. Cette exhortation à réveiller le monde, il l’a relayée devant 5000 jeunes religieux et religieuses rassemblés à Rome la semaine dernière à l’occasion de l’Année de la Vie consacrée, leur proposant de ne pas s’enfermer dans l’observance stérile de règles rigides mais de continuer à rêver d’une manière féconde et libre, afin de faire fructifier les dons personnels reçus en vue du partage.
Ce qu’il demande aux autres, il commence par le faire lui-même, en fidélité au premier appel à suivre le Christ, entendu le 21 septembre 1954, duquel il fera intérieurement mémoire lundi en fin d’après-midi au sanctuaire de la Vierge de la Charité, à Santiago de Cuba. Il invoquera la protection de la Mère de Dieu pour ses rencontres prochaines avec les élus du Congrès américain, puis avec les représentants des Etats aux Nations Unies, qui auront certainement une influence décisive dans la dynamique d’une « contamination positive » au service de la fraternité universelle.
Nous continuons à suivre ce voyage et à en rendre compte ici pour vous, chers lecteurs.