« Demandons l’aide de l’Archange Michel pour nous défendre des pièges et des embuches du démon » tweetait le Pape François il y a quelques jours. La parution de deux livres contenant des documents réservés dérobés au Saint-Siège venait d’être annoncée, à la veille de l’Année Sainte de la Miséricorde, faisant craindre déjà une affaire « Vatileaks 2 », en référence à celle qui, en 2012, marqua la fin du pontificat de Benoît XVI. Selon la presse italienne l’ordinateur de Libero Milone, contrôleur général des finances du Vatican, aurait notamment été piraté. Des propos du Saint-Père, enregistrés pendant des réunions en comité restreint, feraient également partie de ces fuites organisées. Durant le week-end de Toussaint la rumeur courait que les services de la gendarmerie vaticane s’apprêtaient à arrêter le « corbeau » ayant transmis ces données confidentielles à des journalistes. La nouvelle officielle est arrivée lundi 2 novembre, annonçant l’arrestation d’un prélat espagnol – proche de l’Opus Dei sans en être membre – et d’une laïque calabraise d’origine nord-africaine, tous deux soupçonnés d’avoir trahi la confiance du Souverain pontife.
Mgr Lucio Angel Vallejo Balda, 54 ans, qui fut secrétaire de la Commission pour la réorganisation des services économico-administratifs du Saint-Siège (Cosea), et son amie Francesca Chaouqui, 33 ans, unique femme ayant été membre de cette commission, risquent quatre à huit ans de prison. Nommés à ces postes de confiance par le Pape François au cours de l’été 2013, ils ont eu la possibilité d’accéder à toutes les informations financières sensibles.
La nomination de Francesca Chaouqui, parrainée par Mgr Vallejo Balda, suscita des réserves en raison de ses relations avec Gianluigi Nuzzi, le journaliste qui a diffusé les documents volés à Benoît XVI par son majordome infidèle, Paolo Gabriele. C’est d’ailleurs ce même journaliste de l’affaire « Vatileaks » qui signe l’un des nouveaux ouvrages à scandale, Via Crucis , à paraître cette semaine dans le monde entier.
Lors de la création du Secrétariat pour l’économie, dirigé par le cardinal australien George Pell, au printemps 2014, François – bien inspiré – avait finalement nommé secrétaire de ce nouveau dicastère le maltais Mgr Alfred Xuereb, un des deux anciens secrétaires particuliers de Benoît XVI. Mgr Vallejo Balda, qui espérait seconder le cardinal Pell, fut probablement très déçu dans ses ambitions de carrière, comme aussi Francesca Chaouqui, tombée peu à peu en disgrâce.
Tous deux auraient mené une guerre souterraine, au prétexte de soutenir la volonté de transparence du Pape qui serait freinée par de fortes résistances internes. Les livres à paraître ont soi-disant ainsi pour objectif de « révéler » incohérences et privilèges qui mineraient l’audacieux programme évangélique de ce pontificat…
Dans un communiqué du Bureau de presse, le Saint-Siège rappelle que ces publications sont le fruit d’une grave trahison. Les auteurs de ces livres tirent profit d’un acte illicite qui pourrait avoir des répercussions juridiques et éventuellement pénales. « Des publications de ce genre n’aident en aucune manière à clarifier et à établir la vérité. Au contraire, elles sèment la confusion et donnent lieu à des interprétations partielles et tendancieuses. Il faut absolument – déclare le Bureau de presse du Saint-Siège – éviter de croire que cela puisse aider la mission du Pape ».
Mgr Vallejo Balda est en détention au Vatican, dans la même structure que celle où avait été enfermé durant plusieurs mois Paolo Gabriele, tandis que Francesca Chaouqui est en liberté surveillée, collaborant semble-t-il activement à l’enquête en accusant son ex-mentor.
Pendant que ces tristes agissements venaient au jour, François célébrait lundi la commémoration des fidèles défunts dans le cimetière romain du Verano, méditant sur les Béatitudes et affirmant que « ceux qui cherchent à tricher, à profiter des autres ne peuvent être heureux ». Il louait au contraire « ceux qui chaque jour, avec patience, sont des artisans de paix et de réconciliation ».
Dans la basilique Saint-Pierre, mardi 3 novembre, présidant la messe à l’intention des cardinaux et évêques morts dans l’année, il a souligné avec force que « celui qui ne vit pas pour servir, ne sert pas pour vivre ».
Sa réforme en vue d’un changement profond dans l’Eglise continuera à progresser, malgré les « ennemis de l’intérieur » dont la vanité ridicule est progressivement démasquée.
« Je viens de voir le Pape » – a tweeté au soir du 3 novembre Mgr Angelo Becciu, Substitut de la Secrétairerie d’Etat, fidélissime de François, rapportant ses paroles textuelles : « Continuons à avancer avec sérénité et détermination ».