Durant la rédaction de mon livre sur les épiphanies de Marie (1), c’est l’appel de Notre-Dame à la Salette qui m’a le plus interpellé, tant il résonne d’actualité. Ce samedi 19 septembre 2015 nous faisons mémoire de cette apparition, dont le message doit être encore approfondi, au-delà des lectures partielles qui en ont été faites. Je vous propose ici de faire le voyage dans les Alpes françaises, à près de 2.000 mètres d’altitude, pour vivre une rencontre extraordinaire, aux côtés de deux jeunes bergers de 14 et 11 ans, Mélanie Calvat et Maximin Giraud…
(1) http://www.nouvellecite.fr/librairie/prier-15-jours-avec-marie-au-coeur-de-ses-apparitions/
Ils aperçoivent une vive lumière le samedi 19 septembre 1846, à la Salette. Ils s’approchent, et voient « dans cette lumière » une très belle dame vêtue comme une servante, assise, le visage caché entre ses mains, coiffée d’une couronne fleurie de diverses couleurs, ayant une chaîne et un chapelet de roses sur les épaules. Elle se lève et, pleurant, leur parle en utilisant des métaphores bibliques. Son langage est apocalyptique. Une croix étincelante est suspendue à son cou, où se tient le Christ, vivant et éclatant de lumière. La dame donne un secret à Maximin – qui serait relatif au descendant caché de Louis XVII, héritier légitime du trône de France – et un autre secret à Mélanie, transmis plus tard au pape Pie IX alors aux prises avec une révolution libérale et bourgeoise qui l’oblige à fuir Rome. Elle annonce aussi la mort de l’archevêque de Paris, Mgr Darboy, homme-lige de Napoléon III, qui sera fusillé par les derniers communards en 1871, comme Maximin le lui avait prédit alors qu’il niait l’authenticité des apparitions de la Salette.
Elle évoque 1864 comme une année diabolique, or avec le recul nous pouvons repérer que ce fut l’année de la création de « l’Internationale », dont les propagateurs zélés persécuteront l’Eglise jusqu’au sang durant des décennies. Le 28 septembre 1864, en effet, un congrès européen s’est tenu à Londres, créant la « Première Internationale », avec des statuts rédigés par Karl Marx. Les grandes tribulations du monde et de l’Eglise sont mystérieusement annoncées à la Salette, depuis les conséquences empoisonnées du libéralisme et de ses injustices dès le milieu du XIXème siècle, jusqu’aux abominables crimes pédophiles révélés dans le clergé au début du XXIème siècle, avec des milliers de prêtres significativement punis et des centaines réduits à l’état laïc.
La crise « affreuse » à venir dans l’Eglise, les blasphèmes et la profanation du dimanche, sont en cause dans ce « secret », ainsi que les « faiseurs de miracles », et l’avènement de l’antéchrist qui « fera des prodiges »… dans la communication ?
Tandis que – selon les propos de la Vierge rapportés par les voyants – l’Eglise institutionnelle pourrait courir le risque d’être « éclipsée » dans des « cloaques d’impuretés », la Vierge Marie souhaite que se rassemblent et s’organisent dans une œuvre portant son nom tous les « apôtres des derniers temps », « des hommes libres », pour travailler sur terre au règne de l’amour de Dieu, cet amour dont elle-même semble « toute formée » selon les mots de Mélanie.
Ayant transmis « la grande nouvelle », la Mère de Dieu traversa le ruisseau, exhorta les enfants à diffuser le message – « faites-le passer à tout mon peuple » – avant de gravir un raidillon et de disparaître dans la lumière.
Le lendemain de cette unique apparition les enfants sont invités à raconter l’évènement incroyable devant le curé et le maire du village, et leur témoignage est jugé progressivement indubitable, ce qui conduit l’évêque du diocèse à reconnaître après enquête la vérité des faits surnaturels, en 1851, mettant l’accent dans son mandement sur l’appel à la réconciliation adressé par Notre-Dame de la Salette.
Lors du centenaire de cette « révélation », en 1946, Mgr Angelo Roncalli, le futur saint Jean XXIII alors Nonce apostolique à Paris, dira en résumant parfaitement l’actualité du message au regard de l’état du monde : « On travaille beaucoup pour la paix, mais il n’y aura pas de réconciliation entre les hommes sans la réconciliation avec Dieu, et celle-ci ne peut se réaliser sans la prière et la pénitence ».
« L’heure sonne de donner sa vie pour Jésus-Christ »
Les pécheurs que nous sommes sont saisis d’effroi devant le ton abrupt employé par la Vierge à la Salette, un sentiment de stupeur nous envahit. Je voudrais pouvoir me détourner d’un tel message présenté comme excessif, peut-être mal interprété, et où il n’est question – à première vue – que de larmes et de catastrophes. Pourtant j’ai appris dans ma vie que la peur est souvent le signe du devoir, je ne serai donc pas complice d’une conspiration du silence qui bâillonnerait la Reine du Ciel. Je dois m’arrêter davantage encore à cette apparition, d’autant plus qu’elle est tombée dans une sorte d’indifférence universelle entretenue avec perfidie par les puissants, et par qui ne veut pas changer de vie. Le Père céleste souhaite me dire quelque chose d’important, bien au-delà de ce que je crois déjà savoir. N’ai-je pas besoin d’une mère pour faire l’expérience renouvelée de la paternité de Dieu ?
« Avancez mes enfants, n’ayez pas peur », dit Marie à Mélanie et à Maximin. Avec eux je m’approche, je regarde et j’écoute. « Si mon peuple ne veut pas se soumettre, je suis forcée de laisser aller la main de mon Fils, elle est si pesante que je ne peux plus la retenir. Depuis le temps que je souffre pour vous autres ! Si je veux que mon Fils ne vous abandonne pas, je suis chargée de le prier sans cesse. Et pour vous autres, vous n’en faites pas cas », ajoute-t-elle.
Nous sommes ce jour-là à la veille de la fête de Notre-Dame des Sept Douleurs, célébrée à l’époque le troisième dimanche de septembre. Le visage de Marie est inondé de larmes, et c’est à moi, personnellement, qu’elle s’adresse dans ce message.
Sur l’un des côtés de la croix qu’elle porte sur sa poitrine il y a des tenailles, et de l’autre côté un marteau. Symboliquement ces tenailles m’invitent à ôter les clous qui font souffrir le Christ. Je fais partie à mes heures de ceux qui continuent à le crucifier avec leurs péchés. L’occasion est unique – car il n’y aura pas d’autre apparition à la Salette – le moment est venu de me convertir et de vivre l’Evangile.
Comme Moïse en prière apportait la victoire à son peuple, selon ce que nous enseigne le livre de l’Exode (17,12), Jésus en croix, les bras levés, me sauve du péché. Marie le soutient de son amour, avec une complète détermination, et c’est de cela qu’elle me parle en désignant la main de son Fils, il ne s’agit donc pas de la menace d’une punition mais d’un appel à persévérer dans la prière, fidèlement, en rejetant les activités des ténèbres pour rejoindre « le combat de la lumière » (Paul aux Romains 13, 11-12).
Avec Léon Bloy commentant l’apparition de la Salette dans Celle qui pleure , je considère que « ce n’est plus le temps de prouver que Dieu existe : l’heure sonne de donner sa vie pour Jésus-Christ ».
Prendre Marie pour modèle
Je me ressaisis enfin, en ce jour, d’autant que le ton de la Réconciliatrice des pécheurs est d’une telle bonté qu’elle me fait « fondre le cœur », comme ont dit les jeunes bergers, Mélanie et Maximin. Ces deux-là nous ressemblent un peu, ce ne sont pas des saints par avance, ils ont beaucoup cherché leur chemin tout au long de leur vie, ils ont eu un parcours assez déroutant. Injustement traités de menteurs par leurs détracteurs, ils n’ont cependant pas changé de cap, malgré la faiblesse humaine, fidèles au souvenir des larmes de Marie.
« Le péché est le seul mal qu’Elle voit sur la terre. Elle en mourrait de douleur si Dieu ne la soutenait », écrira Mélanie en 1878, exilée en Italie, avant de mourir dans la discrétion, en 1904 à Altamura, pendant l’octave de l’Immaculée Conception. Elle fut pauvrement missionnaire au lieu de devenir aubergiste…, tandis que Maximin s’engagea avec générosité dans le bataillon des zouaves pontificaux en 1865, pour défendre la papauté.
Pour ma part j’ai rencontré Jésus, comme des adultères ou des larrons ont eux aussi croisé son regard : sur le cœur de Notre-Dame de la Salette le Crucifié apparaît vivant – « la tête droite, les yeux ouverts » rapportent les enfants – et c’est lui qu’aujourd’hui je reconnais, au cœur de mes ténèbres. « Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades » (Matthieu 9, 9-13), me répète-t-il.
J’entends comme de nouveau ces paroles de l’apôtre Paul aux Thessaloniciens : « Ce que Dieu veut, c’est notre sanctification » (1 Th 4,3). Les malheurs qui nous assaillent sont à la fois signes et effets de notre péché, parfois aussi ce sont des attaques démoniaques pour nous faire désespérer, je choisis donc de rejoindre les rangs de la résistance spirituelle, avec les « apôtres des derniers temps » décrits par saint Louis-Marie Grignion de Monfort dans son Traité de la Vraie Dévotion (TVD), découvert en 1842, ces personnes libres et généreuses que la Vierge de la Salette appelle à se lever dans tous les milieux sociaux pour porter la lumière de l’Evangile vécu. Avec eux, rassemblés autour de Marie, comme les premiers chrétiens au temps des persécutions, je la prendrai pour modèle, puisque « c’est par la Très Sainte Vierge que Jésus-Christ est venu au monde, et c’est aussi par elle qu’il doit régner dans le monde » (TVD n°1).
Au lieu d’être irrémédiablement déformés par le péché, nous serons progressivement « deiformés » par Marie, divinisés en elle qui est le sanctuaire que Dieu s’est réservé dans tout l’univers.
Que des « princes » de l’Eglise n’aient été occupés qu’à entasser richesses sur richesses, que des prêtres aient fait scandale en abusant de leur pouvoir, que naisse l’Antéchrist avec des dents, et que ses dix rois aient le dessein de gouverner le monde – comme nous pouvons notamment le lire en détail dans le fameux secret de la Salette – je n’y peux bien sûr pas grand-chose, cependant si je me convertis « les pierres et les rochers se changeront en blé, et les pommes de terre se trouveront ensemencées par les terres », tel que Marie l’a promis à Mélanie et à Maximin, les assurant qu’au terme d’un temps d’épreuves Dieu règnera…
Je t’accueille plus que jamais en ces temps qui sont les derniers, ô Mère céleste : tu es la « source d’amour » chantée dans le Stabat Mater – fons amoris – d’où jaillira dans ma vie la présence divine, tu me révèles cette part immaculée en moi d’où je pourrai renaître, dans la nouvelle création, avec le Fils du Père.
1 Comment
Une très belle analyse pour suivre le chemin avec toute notre humilité et nos faiblesses inhérentes à notre condition humaine .
Merci de tant de finesse
Christèle