En juin dernier le Saint-Père s’était rendu en Arménie, premier pays à avoir accueilli collectivement la foi au Christ, en l’an 301. Trois mois plus tard il est revenu dans le Caucase, d’abord en Géorgie, poser des ponts d’amitié avec l’Eglise orthodoxe locale, proche de l’Eglise orthodoxe russe, plaidant en faveur du dialogue œcuménique.
Le drapeau de la Géorgie, figurant cinq croix rouges sur fond blanc, symbole des cinq plaies du Christ, rappelle que c’est une nonne, sainte Nino de Jérusalem, qui au IVème siècle porta le christianisme dans ce pays où les catholiques de rite latin, arménien et assyro-chaldéen, ne sont aujourd’hui qu’environ 3500 pour une population de 4,5 millions d’habitants, majoritairement orthodoxes.
Le Pape a en particulier rencontré le chef de cette communauté orthodoxe locale, le patriarche Ilia II, dans la dynamique du rapprochement entre l’Eglise catholique et le patriarcat de Moscou, manifestée à Cuba, en février dernier. Les deux plus grands leaders chrétiens d’Orient et d’Occident, François et Kirill 1er, avaient alors exhorté les fidèles à prier pour que Dieu protège sa création de la destruction et ne permette pas une nouvelle guerre mondiale. L’embrasement en Syrie et le bras de fer entre Washington et Moscou rend leur appel plus que jamais urgent, appel que le Pape a voulu réitérer à Tbilissi en compagnie du patriarche géorgien.
Indépendante depuis la chute de l’URSS, la Géorgie est en conflit avec la Russie autour de la question de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud qui ont fait sécession. Membre du Conseil de l’Europe, elle aspire à entrer dans l’Union européenne et dans l’OTAN, sur fond de conflit autour des ressources pétrolières et gazières très convoitées au plan international, intérêts économiques qui sont la cause cachée de l’actuelle « guerre mondiale par petits morceaux » dont parle régulièrement François.
La Syrie et l’Irak ne sont pas loin du Caucase, un peu plus au sud, d’ailleurs de nombreux réfugiés ont trouvé refuge en Géorgie, chrétiens notamment, c’est pourquoi le Pape a eu un échange avec le patriarche chaldéen Louis Sako à Tbilissi, prononçant à cette occasion une très belle prière. Il a spécialement invoqué la paix pour le Moyen-Orient : « Seigneur Jésus, étends l’ombre de ta croix sur les peuples en guerre, qu’ils apprennent la voie de la réconciliation, du dialogue et du pardon ; fais goûter la joie de ta résurrection aux peuples épuisés par les bombes, relève de la dévastation l’Irak et la Syrie ; réunis sous ton doux règne tes enfants dispersés, soutiens les chrétiens de la diaspora et donne-leur l’unité de la foi et de l’amour ».
« Porte entre l’Orient et l’Occident »
Dimanche, après deux jours en Géorgie, le Pape est allé en Azerbaïdjan, le plus grand pays du Caucase visité par saint Jean-Paul II en 2002, une nation sécularisée par des décennies d’athéisme soviétique et où les musulmans, qui forment 64% de la population, constituent le plus important pourcentage de croyants chiites après l’Iran.
Il n’y a habituellement qu’environ 300 catholiques en Azerbaïdjan, et François les a réconfortés au cours d’une messe dans la seule église catholique à Bakou, dédiée à l’Immaculée Conception. Il a précisé que le Saint-Esprit aime aller vers les petites communautés, aux périphéries, comme au cénacle à Jérusalem, où la présence de Marie et l’amour réciproque ont permis un témoignage à dimension universelle qui n’était pas basé sur le nombre…
Le Saint-Père a dit aussi que Dieu change le monde en changeant les cœurs, et que nous verrons des merveilles si nos cœurs s’ouvrent avec disponibilité à son amour.
Dans la capitale, Bakou, le Pape était ensuite accueilli par les autorités du pays, et en premier lieu par le président Ilham Aliyev, auprès duquel il s’est réjoui de la collaboration entre les diverses cultures et confessions religieuses caractérisant ce pays, « porte entre l’Orient et l’Occident ».
L’Azerbaïdjan a acquis son indépendance en 1991, après la fin de l’empire soviétique. Une guerre l’a opposé à l’Arménie, à propos du Haut-Karabagh qui maintient son indépendance de facto, sans qu’aucun accord de paix n’ait été signé, ce que le président azerbaïdjanais a publiquement déploré, espérant la médiation du Pape.
François a poursuivi avec une rencontre interreligieuse à la mosquée Heydar Aliyev, du nom de l’ancien président de l’Azerbaïdjan, père de l’actuel, en compagnie du président du conseil des musulmans de cette région, dont l’autorité de Grand Mufti s’étend à la fois ici sur les sunnites et les chiites. L’évêque orthodoxe Alexandre de Bakou et le rabbin Shneor Segal, chef de la communauté juive du pays, étaient également présents.
Dans la dynamique du concile Vatican II et de la célèbre déclaration Nostra aetate sur la liberté religieuse, c’est le dialogue interreligieux et la « multiculturalité » qui a marqué ce rendez-vous.« Jamais plus la violence au nom de Dieu ! », s’est exclamé le Saint-Père, en pèlerin de la paix, demandant « que les religions – dans la nuit des conflits que nous sommes en train de traverser – soient des aubes de paix, des semences de renaissance parmi les dévastations de mort, des échos de dialogue qui résonnent infatigablement, des voies de rencontre et de réconciliation ».
À la charnière de l’Europe et de l’Asie, la Transcaucasie est une zone stratégique où les Etats Unis et la Russie, au bord de la rupture, se disputent le contrôle des matières premières, au risque d’un embrasement mondial. Ce voyage nous fait mieux prendre conscience que la prière pour la paix accompagnée d’actes courageux de dialogue sont plus que jamais nécessaires, aux côtés du Vicaire du Christ, dans l’esprit d’Assise.