Ce samedi, trois jours après son élection à la tête de l’Eglise universelle, François, le pape venu du bout du monde, rencontre les représentants des médias dans la grande salle Paul VI où se tiennent les conférences de presse pour plus de 5000 journalistes accrédités depuis environ une semaine. Le lendemain dimanche se déroule, place Saint-Pierre, la première prière publique de l’Angélus avec le nouveau pape, avant la messe d’installation du 19 mars, fête de saint Joseph, en présence de nombreuses délégations. Nous savons par le nonce apostolique en Argentine que le pape a demandé à ses compatriotes, y compris aux évêques argentins, de réfléchir avant de faire ce long voyage, leur proposant d’offrir plutôt la somme correspondante pour les pauvres… Devant le « style évangélique » de François, abondement commenté dans les journaux, chacun s’interroge à la lumière de sa propre conscience. « Vouloir emprisonner le pape François dans les catégories de conservatisme ou de progressisme, ou pire encore de droite ou de gauche, c’est perdre l’occasion qui s’offre, car en effet quand les cloches de Saint-Pierre sonnent, nous ne devons pas croire qu’elles sonnent pour le Secrétaire d’Etat ou pour la curie ou pour l’IOR (la banque du Vatican), elles sonnent pour nous », écrivait très justement l’éditorialiste du Corriere della Sera, dans l’édition de vendredi. Le Père Federico Lombardi, directeur de la Salle de Presse du Saint-Siège, nous disait dans ce sens que les curés de paroisses sont débordés en Argentine, n’ayant jamais eu autant de demandes de confessions…
Les premiers gestes de François ont touché nos cœurs, et son exemple nous remet tous en question. Il ne veut pas du titre de François 1er, qui ferait sans doute trop impérial, mais souhaite être appelé simplement François. Il a refusé de porter au cou une grande croix en or, et préfère garder sa modeste croix pectorale d’évêque, en fer. Il s’habille en blanc, sans tous les autres ornements prévus pour sa fonction, et il se présente comme l’évêque de Rome, ne parlant pas de lui-même à la troisième personne. Il a pris le bus avec les cardinaux, et dans la maison Sainte Marthe, où logeaient les électeurs pendant le conclave, il s’est assis à table parmi ses « frères » – comme il les appelle – sans avoir de place spéciale, en leur déclarant à la fin du repas : « Que Dieu vous pardonne ! ». Il est allé chercher ses affaires à la Casa del Clero, au centre de Rome, payant sa facture, en revenant d’une visite à Sainte Marie Majeure, où il avait déposé un bouquet de fleurs pour la Vierge, lui confiant son pontificat dès jeudi matin, aux premières heures de sa première journée de pape, honorant aussi dans ces mêmes lieux les reliques de la crèche de Bethléem.
« C’est le pape du peuple, jamais je n’avais été autant bouleversé par un pape, il est près de nous, c’est un vrai chrétien », témoignait une commerçante italienne, en discussion avec des pèlerins. « Un chrétien sur le trône de Pierre », pourrait-on dire de François comme Hannah Arendt l’avait écrit de Jean XXIII dans le New Yorker. Ce chrétien exemplaire parle aussi, et ses paroles brûlent le péché en nous, elles sont de feu. Sa première homélie improvisée, jeudi après-midi dans la chapelle Sixtine, donnent le ton du pontificat qui commence. « Marcher en présence du Seigneur, à la lumière du Seigneur, cherchant à vivre avec cette irréprochabilité que Dieu demandait à Abraham, dans sa promesse », propose-t-il. Puis il invite à « édifier l’Eglise, l’épouse du Christ, sur cette pierre angulaire qu’est le Seigneur lui-même ». Enfin il exhorte à « confesser Jésus-Christ, sinon nous deviendrons une ONG humanitaire, mais non l’Eglise, l’épouse du Seigneur » . François a ensuite des mots forts, inspirés de Léon Bloy : « Celui qui ne prie pas le Seigneur, prie le diable », ajoutant que « quand on ne confesse pas Jésus-Christ, on confesse la mondanité du diable, la mondanité du démon ». Ce disciple de saint Ignace de Loyola, qui a souvent fait les « exercices » recommandés par son fondateur, n’hésite pas à parler de l’ennemi du genre humain que seule la croix du Christ a pu vaincre. « Quand nous confessons un Christ sans croix, nous ne sommes pas disciples du Seigneur, nous sommes mondains », insiste François, avant une conclusion est essentielle, qu’il nous faudrait encadrer et afficher dans toutes les paroisses : « Je voudrais que tous nous ayons le courage de marcher en présence du Seigneur, avec la croix du Seigneur, d’édifier l’Eglise sur le sang du Seigneur qui est versé sur la croix, et de confesser l’unique gloire : le Christ crucifié. Ainsi l’Eglise ira de l’avant ». Bien entendu il s’est adressé aux cardinaux en premier lieu, après tant de scandales dans le clergé et parmi les évêques, mais ce qu’il exprime nous concerne tous, personnellement, en ce carême qui se poursuit. Pour ma part je ne me lasse pas de regarder la photo du pape François quand il était archevêque de Buenos Aires, assis dans le métro, comme n’importe qui d’entre nous, porteur de la présence de Dieu dans la foule. J’ai découpé aussi une photo où il lave les pieds d’une maman tenant son enfant dans ses bras, lors d’une célébration du Jeudi saint, en serviteur de la vie qu’il veut être. Le premier jésuite devenu pape fait preuve d’un extrême amour des gens, il obéit à l’Esprit Saint qui est à l’œuvre en lui, comme la Vierge Marie, et déjà, avec douceur et force, il provoque ce que le Père Lombardi caractérise comme « un mouvement de conversion spirituelle », nous donnant rendez-vous avec l’amour infini dans les petites choses de la vie.
Vendredi, recevant les cardinaux, y compris les non-électeurs, il a fait l’éloge de la diversité que l’Esprit Saint favorise, en vue de l’harmonie, et dans un monde où le grand âge paraît être presque une maladie, il l’a mis en valeur, y voyant le temps de la sagesse et de la prière. A tous ses pas François nous enseigne, nous éclaire, nous ouvre le chemin. Bien entendu les polémiques et les calomnies ne manquent pas, venues des adversaires de l’Eglise qui accusent à tort le nouveau pape d’avoir jadis collaboré avec les tortionnaires de la dictature militaire. A l’époque il était le supérieur des jésuites en Argentine, et tous les témoignages concordent pour le disculper, notamment ceux de prêtres séquestrés par la police politique, et il a reçu le soutien du prix Nobel de la paix, l’artiste argentin Pérez Esquivel. En réalité Jorge Mario Bergoglio a su réaliser une véritable purge dans l’Eglise de son pays, écartant les éléments qui s’étaient laissé séduire politiquement par la dictature : cette expérience de gouvernement lui sera sans doute utile dans les nominations prochaines, qui permettront à la curie romaine de se reconstruire loin des compromissions. Les changements dans « l’organigramme » ne tarderont plus, ils sont attendus dans quelques semaines au plus tard. Pour l’heure c’est dans une joie profonde que nous accompagnons tous ensemble les premiers pas de François, avec amour, désireux d’être attentifs à son message de simplicité, de pauvreté, et de liberté intérieure.
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” ses paroles brulent le péché en nous” “ce mouvement de conversion spirituelle” le Pape François impulse pour chacun qui le voit, l’écoute, ce retournement . Il est un grand trésor que nous confie l’Esprit Saint , nous nous engageons sur le chemin avec lui sous cette Lumière.
Magnificat!