Des milliers de pèlerins, venus représenter à Rome tous ceux qui adhèrent à la spiritualité de la Divine Miséricorde, participaient à la veillée du samedi 2 avril sur la place Saint-Pierre. Nous avons fait mémoire ensemble de la mort de saint Jean-Paul II, il y a onze ans. L’évènement de la naissance au Ciel de ce grand pape était en effet survenu exactement lors de ces mêmes vigiles du premier dimanche après Pâques, fête de la Miséricorde instaurée en 1992 pour répondre à une demande que le Christ adressa dès 1931 à la religieuse polonaise Faustine Kowalska, canonisée en l’an 2000.
Les témoignages proposés et les lectures que nous avons entendues durant cette veillée ouvraient des « trouées de lumière et d’espérance pour entrer dans le grand océan de la miséricorde de Dieu », selon les mots du pape François. « Combien sont les visages de sa miséricorde, avec lesquels il vient à notre rencontre ? » remarquait-il, considérant qu’il est impossible de tous les décrire, parce que « la miséricorde de Dieu est en croissance continuelle ». « Dieu ne se fatigue jamais de l’exprimer et nous ne devrions jamais nous habituer à la recevoir, à la rechercher, à la désirer ! C’est quelque chose de toujours nouveau qui provoque étonnement et surprise en voyant la grande imagination créatrice de Dieu quand il vient à notre rencontre avec son amour », ajoutait le Saint-Père.
Il nous a parlé ensuite de la proximité de Dieu comme celle d’un père et d’une mère qui se reflète dans une belle image du prophète Osée : « Je le guidais avec humanité, par des liens d’amour ; je le traitais comme un nourrisson qu’on soulève tout contre sa joue ; je me penchais vers lui pour le faire manger » (11, 4). Le pape nous expliqua avoir pensé à cette parole du prophète en regardant le logo du Jubilé qui montre comment « non seulement Jésus porte l’humanité sur ses épaules, mais sa joue est contre celle d’Adam, à tel point que les deux visages semblent se fondre en un ». Il poursuivait en évoquant l’accolade d’un père et d’une mère à leur enfant. « Cette image est très expressive : Dieu prend chacun de nous et le soulève tout contre sa joue. Que de tendresse cela contient, que d’amour cela exprime ! », s’exclamait-il en insistant sur le mot tendresse, « mot presqu’oublié et dont le monde d’aujourd’hui – nous tous – nous avons besoin ».
Repartant de ce constat, le successeur de Pierre nous invita à devenir nous-mêmes instrument de la miséricorde. « Il peut être facile de parler de miséricorde, alors qu’il est plus engageant d’en devenir concrètement des témoins. C’est un parcours qui dure toute la vie et ne devrait connaître aucune pause. Jésus nous a dit que nous devons être « miséricordieux comme le Père » (cf. Lc 6, 36). Et cela dure toute la vie ! », répéta-t-il, comme pour redonner à chacun l’occasion de renouveler des gestes de compassion et de partage, de consolation et de pardon, « reconnaissant le visage de Jésus Christ surtout en celui qui est plus loin, faible, seul, perdu et marginalisé ».
« La miséricorde sait regarder dans les yeux chaque personne ; chacune est précieuse pour elle, parce que chacune est unique », nous rappela-t-il encore, témoin lui-même à chaque audience publique de cet amour du Christ « qui nous pousse à embrasser et à serrer contre nous, à impliquer tous ceux qui ont besoin de miséricorde pour permettre à tous d’être réconciliés avec le Père » (cf. 2 Co 5, 14-20).
Mettre notre foi dans les plaies du Seigneur
Le pape nous donna en exemple le disciple Thomas, d’habitude surtout vu comme l’homme qui a douté et n’a pas cru. « Il a trouvé la foi précisément lorsqu’il a touché les plaies du Seigneur », précisa François, nous provoquant audacieusement à mettre notre foi dans les plaies du Seigneur… « Une foi qui n’est pas capable d’être miséricordieuse, comme les plaies du Seigneur sont signe de miséricorde, n’est pas la foi : c’est une idée, c’est une idéologie », a-t-il martelé, fidèle à sa ligne pastorale fondée sur la prise en compte du réel, dans la logique spirituelle de l’incarnation. « Notre foi est incarnée dans un Dieu qui s’est fait chair, qui s’est fait péché, qui a été plaie pour nous. Mais si nous voulons croire vraiment et avoir la foi, nous devons nous approcher et toucher cette plaie, caresser cette plaie et également abaisser la tête pour laisser les autres caresser nos plaies », conclua-t-il, nous exhortant à « demeurer avec le cœur ouvert, pour que l’Esprit puisse le transformer », et qu’une fois pardonnés, réconciliés, « immergés dans les plaies du Seigneur », nous devenions « témoins de la joie qui jaillit du fait d’avoir rencontré le Seigneur ressuscité, vivant au milieu de nous ».
Quand vint le moment de la bénédiction finale, le pape suggéra que chaque diocèse dans le monde érige comme un « monument » de cette Année de la Miséricorde à travers une œuvre de miséricorde vivante, une « plaie de Jésus vivant », sous la forme d’une structure, de miséricorde : un hôpital, une maison pour les personnes âgées, pour les enfants abandonnés, une école là où il n’y en a pas, une maison pour récupérer les toxicomanes… Proposition qu’il a développée au cours de l’homélie de la messe dominicale, le jour de la fête de la Divine Miséricorde, au cœur du Jubilé extraordinaire, en nous appelant tous à « devenir écrivains vivants de l’Évangile, porteurs de la Bonne Nouvelle à tout homme et à toute femme d’aujourd’hui ».
Continuer à écrire les signes des disciples du Christ
« L’Évangile est le livre de la miséricorde de Dieu, à lire et à relire, parce que tout ce que Jésus a dit et accompli est une expression de la miséricorde du Père », souligna le pape dimanche, ajoutant que « toutefois, tout n’a pas été écrit ; l’Évangile de la miséricorde demeure un livre ouvert, où continuer à écrire les signes des disciples du Christ, gestes concrets d’amour, qui sont le meilleur témoignage de la miséricorde ».
Il nous a encouragé à mettre en pratique les œuvres de miséricorde corporelles et spirituelles, qui sont « le style de vie du chrétien ». « Par ces gestes simples et forts, parfois même invisibles, nous pouvons visiter tous ceux qui sont dans le besoin, portant la tendresse et la consolation de Dieu. On poursuit ainsi ce que Jésus a accompli le jour de Pâques, quand il a répandu dans les cœurs des disciples effrayés la miséricorde du Père, soufflant sur eux l’Esprit Saint qui pardonne les péchés et donne la joie ».
Pour François, être apôtres de miséricorde signifie donc toucher et caresser les plaies du Christ, présentes aussi aujourd’hui dans le corps et dans l’âme de tant de ses frères et sœurs. « En soignant ces plaies nous professons Jésus, nous le rendons présent et vivant ; nous permettons à d’autres, de toucher de la main sa miséricorde, de le reconnaître « Seigneur et Dieu », comme fit l’apôtre Thomas », nous a répété le Saint-Père en ce dimanche de la Miséricorde.
« Demandons la grâce de ne jamais nous fatiguer de puiser la miséricorde du Père et de la porter dans le monde : demandons d’être nous-mêmes miséricordieux, pour répandre partout la force de l’Évangile, pour écrire ces pages de l’Évangile que l’apôtre Jean n’a pas écrites ».
En écoutant ces paroles si profondes je repensais à la Semaine Sainte que je viens de vivre à Lourdes, et à ma longue contemplation de la source qui coule au fond de la grotte de Massabielle, symbole discret de la miséricorde de Dieu qui se révèle en Jésus, manifestation de l’amour du Père qui ne nous manque jamais, car « son amour est pour toujours » (psaume 117/118, 2).