Le Forum interreligieux du G20 inaugure « un chemin de guérison qui s’ouvre en marchant »

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De retour de Bologne, où j’ai participé au G20 interreligieux, voici mon reportage sur cette rencontre internationale qui renforce notre espérance, à retrouver intégralement sur le site du grand hebomadaire La Vie : https://www.lavie.fr/christianisme/eglise/forum-interreligieux-du-g20-nous-ne-nous-tuerons-pas-nous-nous-porterons-secours-nous-nous-pardonnerons-76250.php

« Le contraire de la pandémie, c’est la fraternité universelle ». 

« Les religions doivent en finir avec l’arrogance, éradiquer le fanatisme et promouvoir un esprit de fraternité ; leur mission commune est d’offrir à chaque personne un parcours d’humanisation et de libération de l’égocentrisme, elles ont pour cette raison à collaborer avec les autorités politiques en vue de la construction d’un monde plus solidaire », résume Adnane Mokrani, théologien musulman de la non-violence, membre de la Fondation pour les Sciences Religieuses (Fscire), institution qui coordonnait le récent Forum interreligieux du Groupe des vingt pays les plus riches (G20), organisé à Bologne du 12 au 14 septembre.

« Un temps pour guérir », thème biblique tiré du livre de l’Ecclésiaste (3, 3), était le fil rouge de ce G20 interreligieux, dédié au dialogue et à la paix entre les diverses cultures. L’évènement a réuni 370 participants de 70 pays, représentants des grandes religions, personnalités politiques, diplomates et universitaires, en préparation à la rencontre des chefs d’Etat du G20 prévue fin octobre à Rome, sous présidence italienne. Bartholomée 1er , patriarche œcuménique de Constantinople, Ronald Lauder, président de Congrès juif mondial, ou encore Mohammed Abdel-Salam, délégué du Grand Imam d’Al-Azhar et Secrétaire général du Haut-Comité pour la Fraternité humaine, étaient parmi les personnalités présentes venues expérimenter cette forme d’hospitalité réciproque unique en son genre, évoquant celle d’Abraham avec ses trois visiteurs à Mambré (Gn 18, 1-16).

Ce grand rendez-vous international a voulu « voir loin », selon l’expression utilisée dans le message du président italien Sergio Mattarella, valorisant la nécessaire collaboration des autorités religieuses et civiles pour la recherche commune de solutions et la promotion de la dignité humaine, prioritaire par rapport à l’économie. Désireux d’encourager personnellement cette assemblée historique, Mario Draghi, le Premier ministre italien, a souligné à Bologne le « rôle fondamental » des autorités religieuses pour inspirer à la politique une « action cohérente », en particulier en cette période de crise mondiale causée par la pandémie, tandis que se profile « l’opportunité de reconstruire », un moment favorable – un « kairos » – pour réparer le monde et faire barrage à l’extrémisme, un temps pour prendre soin les uns des autres. Dénonçant à la fois les attentats aveugles de Daech, le suprématisme blanc ou chrétien, et l’antisémitisme, l’ancien président de la Banque centrale européenne a confié que pour lui « la religion est amour », considérant que « hostilité, extrémisme et violence ne naissent pas d’une âme religieuse, ce sont des trahisons de la religion », comme l’a dit en Irak le Pape François.

Dans son message aux congressistes, le Saint-Père, rappelant que depuis une quarantaine d’années près de 3000 attentats dans divers lieux de culte ont causé environ 5000 victimes, exhorta ce G20 du dialogue à « contrer l’analphabétisme religieux », et à favoriser spécialement la scolarisation et l’instruction, pour résister à la violence souvent suscitée par l’ignorance. Dans ce sens de nombreux carrefours suivis d’échanges dans les couloirs du Palais Re Enzo, au cœur médiéval de la capitale d’Émilie-Romagne, portaient sur ce thème de l’éducation.

« Nous avons insisté au cours des conversations sur la nécessité de ne pas s’en tenir à la transmission des connaissances, mais de former les personnes pour diffuser une véritable culture du dialogue qui ait des implications enracinées dans la vie », note Elena Dini, doctorante et chercheuse italienne, coordinatrice du Centre Jean-Paul II pour le dialogue interreligieux, organisation qui est en particulier partenaire de l’université dominicaine Angelicum, à Rome.

Des témoignages d’un tel engagement éducatif ont marqué les participants, comme par exemple l’expérience du Cheick Khaled Bentounès, créateur en Algérie de plusieurs « écoles de la Maison de la paix », pour initier les enfants au respect de la diversité, antidote à l’enseignement fondamentaliste ayant notamment produit les talibans, dont le nom signifie « étudiants », ces combattants islamistes dont la récente prise de pouvoir en Afghanistan a épouvanté les démocraties.

D’autres initiatives ont touché les cœurs, comme celle de Hind Aboud Kabawat, syrienne orthodoxe, professeur d’université, qui organise des repas amicaux entre femmes yézidies, musulmanes et chrétiennes, dans les villages syriens ravagés par la guerre, afin qu’elles partagent et puis transmettent des valeurs éthiques de tolérance à leurs enfants.

L’opinion publique, parfois tétanisée par les mauvaises nouvelles, moralement désarçonnée, a besoin d’être remobilisée, a fait remarquer Najla Kassab Abou Sawan, présidente de la Communion mondiale d’Eglises réformées, affirmant que les religions ne sont pas responsables des conflits, même si certains de leurs adeptes peuvent être manipulés par des groupes politiques. Au nom de beaucoup de participants, regrettant le rôle des médias et surtout des réseaux sociaux qui « communiquent souvent le négatif », elle a insisté en substance sur « l’importance des relations de personne à personne, des responsables religieux et politiques, pour construire des ponts d’amitié, et travailler ensemble au service de la justice, condition de la paix ».

En conclusion de ce G20 du dialogue dont il a été la cheville ouvrière, Alberto Melloni, professeur d’histoire des religions et secrétaire de la Fondation Fscire, qui accueillait et organisait l’évènement, indiqua l’horizon à rejoindre en trois propositions : « Nous ne nous tuerons pas, nous nous porterons secours, nous nous pardonnerons », proposant à chaque participant de mettre son « âme » en jeu, loin de l’opportunisme et de l’hypocrisie qui mine parfois le dialogue interreligieux, en se faisant acteur de « réponses concrètes aux problèmes réels de la famille humaine ».

« Ce qui compte, c’est que je commence, moi », ajouta le cardinal Matteo Zuppi, l’archevêque de Bologne, citant Martin Buber, philosophe de la relation, car il s’agit bien de « trouver la paix en soi pour la porter au monde ». « Le contraire de la pandémie, c’est la fraternité universelle », ajouta-t-il, dans l’esprit d’Assise, de la déclaration d’Abu Dhabi et de l’encyclique Fratelli tutti, conviant les participants à « attester par des petits gestes que la souffrance de chacun nous regarde ». « C’est un chemin de guérison qui s’ouvre en marchant ».

François Vayne

 

 

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