Le voyage inoubliable que François vient d’effectuer en Afrique, au péril de sa vie, est sans doute le point culminant du pontificat. Jamais la Porte Sainte d’un Jubilé n’avait été ouverte hors de Rome, et le Pape l’a fait aux « périphéries », au cœur d’un continent spolié par les grandes puissances, épuisé par une pauvreté endémique, blessé par des maladies difficiles à soigner et déchiré par des conflits permanents. L’immense espérance que le Saint-Père a soulevée donne déjà tout son sens à l’Année Sainte de la Miséricorde, occasion d’une prise de conscience personnelle et collective pour changer de mentalité, pour plus d’équité et de solidarité. « C’est maintenant ou jamais » car nous sommes « au bord du suicide », a estimé le Pape en s’adressant aux journalistes dans l’avion du retour, commentant le sommet international sur le climat, la COP21 qui se déroule à Paris pour tenter de ralentir les effets pervers d’un système économique injuste. Il a rappelé que les trois quarts des richesses de la planète sont dans les mains d’un tiers de la population, et que le « dieu argent » mène le monde à sa perte car les conséquences planétaires de cette « idolâtrie » sont dramatiques.
« Derrière les guerres il y a les ambitions économiques, et qui vend les armes aux terroristes ? », a-t-il souligné en substance, plaidant au nom de tous enfants qui souffrent, en particulier de ceux qu’il est allé visiter et consoler à l’hôpital pédiatrique de Bangui.
Les images bouleversantes du 11ème voyage de François à l’étranger sont nombreuses et émouvantes, d’autant que le déplacement en Centrafrique était très dangereux en raison du contexte de violence où s’opposent rebelles de la Séleka, à majorité musulmane, et milices d’autodéfense anti-Balaka, composées de chrétiens et d’animistes.
L’audace de vouloir créer des liens d’amitié
La rencontre avec la communauté musulmane dans le quartier PK5 suscitait l’inquiétude au plan sécuritaire, et fut en réalité un des plus beaux moments selon Mgr Dieudonné Nzapalainga, l’archevêque de Bangui, connu à la fois pour son courage et sa bonté.
Le Saint-Père, accueilli avec chaleur, a choisi d’enlever ses chaussures pour se recueillir et prier en silence dans la mosquée. « Chrétiens et musulmans nous sommes frères », a-t-il dit, faisant ainsi taire les fauteurs de trouble au plan universel, et invitant « à travailler pour la réconciliation, la fraternité et la solidarité entre tous ».
Lors de sa dernière messe sur le sol africain, il a loué Dieu « pour l’audace qu’il met en nos âmes de vouloir créer des liens d’amitié, de dialoguer avec celui qui ne nous ressemble pas, de pardonner à celui qui nous a fait du mal, de nous engager dans la construction d’une société plus juste et plus fraternelle où personne n’est abandonné ».
Rejetant les manipulations de qui cherche à diviser pour régner, il nous appartient maintenant de diffuser ses paroles en les vivant aujourd’hui, en Europe comme au Moyen Orient et dans le monde entier.