Toutes les manœuvres pour faire échouer le Synode d’ouverture sur la famille, voulu par François, ont échoué. Du « coming out » d’un prélat homosexuel travaillant au Vatican à la fausse tumeur au cerveau du Pape soi-disant « révélée » par un quotidien italien, en passant par la publication malveillante d’une lettre de quelques cardinaux inquiets, rien n’a pu freiner la marche vers un consensus de l’assemblée réunie à Rome depuis trois semaines. Les pères synodaux, qui ont approché de près la réalité des situations familiales actuelles – notamment en carrefours avec auditeurs, auditrices, et délégués fraternels – viennent de voter un grand texte pastoral de synthèse qui servira de base à une prochaine exhortation pontificale. Ils démontrent que « les vrais défenseurs de la doctrine sont ceux qui ne défendent pas la lettre mais l’esprit, non les idées mais l’homme, non les formules mais la gratuité de l’amour de Dieu et de son pardon », comme l’a dit François en concluant les travaux de cette assemblée historique où le triomphe de l’Esprit Saint est total. Pour avoir eu le privilège de passer un moment avec tous les participants dans l’aula synodale, vendredi matin, je peux attester du climat véritablement familial qui s’est créé entre eux, et de la sérénité à laquelle ils sont parvenus en se mettant d’accord sur l’essentiel, pour le bien de toute l’Eglise, témoignant d’une « fidélité créative » selon les mots du Pape entendus à l’audience générale mercredi.
Il y a une semaine encore j’avais mesuré la peine profonde d’un ami cardinal, ému aux larmes devant la dureté d’une poignée de pasteurs refusant d’adopter un regard d’amour compatissant envers les très nombreuses familles blessées ou « irrégulières », en commençant par leurs proches, dans leurs propres familles.
Pourtant un blocage a été évité, sans doute grâce à l’extraordinaire climat fraternel que le Pape a su faire régner jusqu’au bout, chacun parlant avec franchise et écoutant les autres avec humilité. La prière de plus d’un milliard de catholiques dans le monde a certainement influé sur le résultat unitaire présenté à l’opinion publique ce week-end, d’autant que tous les baptisés avaient été consultés pour la première fois dans l’histoire, avant le premier Synode sur la famille, l’an dernier. Une synergie s’est développée à travers ce long processus, et la commission chargée de rédiger le document final a travaillé dans la perspective d’un chemin qui s’ouvre, manifestant que la doctrine n’est autre que la tradition vivante de l’Eglise.
Pour se présenter à nouveau « à la table du Seigneur »
En résumé le Synode réaffirme la doctrine sur le mariage entre un homme et une femme désireux d’accueillir la vie qui naît de leur amour, et il fait signe en même temps à tous ceux qui ont connu un échec matrimonial afin qu’ils se sentent toujours membres à part entière du peuple de Dieu en marche. L’attention pour les familles concrètes caractérise en effet les propositions faites par le Synode au Pape, qui décidera en dernière analyse.
Il n’a donc pas de solution générale, par exemple en ce qui concerne l’accès des divorcés remariés au sacrement eucharistique, mais une invitation à « discerner où est l’œuvre de Dieu dans la vie des familles », comme nous l’expliquait le cardinal Christoph Schönborn, archevêque de Vienne, fils spirituel à la fois de Jean-Paul II et de Benoît XVI, grand artisan du succès de ce Synode au cours duquel, par sa brillante intelligence et sa fine sensibilité humaine, il a favorisé un dialogue constructif entre les différentes tendances.
Dans son exhortation apostolique Familiaris Consortio , au n°84, saint Jean-Paul II avait souligné il y a déjà 34 ans l’obligation pour les pasteurs de discerner les différentes situations par amour de la vérité, et ce Synode donne des critères à cette fin, en parfaite continuité avec l’enseignement de l’Eglise qui a précédé.
Le rôle du prêtre qui accompagne les couples concernés est ainsi mis en valeur pour ce discernement, à la lumière de la conscience – au « for interne » – en lien avec l’évêque du diocèse où vivent les personnes. Loin de faire de la casuistique abstraite, il s’agit d’aider les personnes à relire leur propre histoire, à identifier leur responsabilité pour entrer dans une démarche de réconciliation profonde où la communion avec le Christ redevient possible, permettant de se présenter à nouveau « à la table du Seigneur » comme l’exprime saint Paul.
« En tenant des positions rigoristes, on favorise le laxisme », constate le cardinal Schönborn, considérant que « le discernement est le meilleur moyen de prévenir le laxisme… ». Sur cette base « conservateurs » et « réformateurs » ont réussi à s’entendre, dénouant le nœud de la discorde autour de la question des divorcés remariés.
Une Eglise de la tendresse
« Nous avons vécu un moment historique de grâce » tweetait le Père Antonio Spadaro, jésuite, directeur de la Civiltà Cattolica , un peu avant la conférence de presse de ce samedi soir 24 octobre où étaient rendus publics les votes de l’assemblée : les 94 articles venaient d’être approuvés avec la majorité des deux tiers, y compris le n°85 à propos de l’ouverture en faveur des divorcés remariés qui a obtenu le quorum à une voix près (178 voix contre 80).
Les pères synodaux ont vu ensemble que s’il y a eu péché grave à un moment donné, la nouvelle situation peut comporter objectivement des éléments de vertu et de générosité à prendre en compte, comme l’enseigna saint Thomas d’Aquin, mais aussi saint Clément d’Alexandrie ou saint Maxime le Confesseur, en opposition à la position radicale de saint Augustin qui ne voyait que du vice chez les « païens ». Comment oublier d’ailleurs que le personnage biblique de Job, aimé de Dieu au-delà de toutes ses épreuves, était lui-même considéré comme païen ?
Dans cette logique le message du Synode est finalement celui d’une Eglise de la tendresse, une Eglise de la miséricorde – qui a du cœur pour ceux qui sont dans la misère – montrant que « l’Evangile est source d’éternelle nouveauté, au contraire de qui veut l’endoctriner en pierres mortes à jeter sur les autres », selon les mots forts du Pape dans son discours de clôture où il rappelle que « le premier devoir de l’Eglise n’est pas de distribuer des condamnations ou des anathèmes, mais de proclamer la miséricorde de Dieu », le Dieu de Jésus-Christ qui veut que « tous les hommes soient sauvés » (1 Timothée 2,4).
Conclure le Synode, précise François, signifie « continuer à cheminer ensemble, réellement, pour porter dans chaque partie du monde, dans chaque diocèse, dans chaque communauté, et dans chaque situation, la lumière de l’Evangile, la tendresse de l’Eglise et le soutien de la miséricorde de Dieu! ».
2 Comments
{{}}Avec notre bon Pape François, je pleure sur la dureté de certains Père Synodaux qui se sont exprimés durement et sans faire de compromis pour arriver a se mettre tous du même côté. Ma pauvre prière vous accompagne, Très Saint Père. En Jésus notre Frère,
Andrée Castonguay
Québec
Canada,
Les gens qui soutiennent encore que le Pape François était soigneusement neutre, qu’il voulait juste du dialogue, que ses idées sont impossibles à connaître, doivent s’asseoir et lire l’engueulade qu’il a adressée aux conservateurs dans son discours de clôture et la comparer avec la façon bien plus impartiale par laquelle il a conclu le synode de l’automne dernier, quand la résistance des conservateurs à la direction planifiée pour le synode était beaucoup plus désorganisée.