Le Pape revient d’Amérique dans une forme olympique, après un long voyage de dix jours durant lequel il a rassemblé des multitudes en liesse, de la Havane à Philadelphie. Il apparaît renforcé à la veille de l’ouverture du Synode sur la famille, le week-end prochain à Rome, réunion décisive dans le processus de réforme évangélique engagé depuis son élection. « Je vous embrasse tous dans le Seigneur » a dit François avant de quitter les Etats Unis, remerciant les autorités de leur accueil, et aussi les malades, les pauvres, les sans-abri et les migrants rencontrés pendant ces journées déjà entrées dans l’histoire. Il a rappelé cette phrase de Jésus, qui guide ses pas : « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits d’entre mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ».
De l’avis du Père Federico Lombardi, directeur de la Salle de Presse du Saint-Siège, un des moments les plus intenses fut la visite du Pape à des prisonniers, dimanche à Philadelphie, quand il leur a notamment déclaré que Jésus « vient nous sauver du mensonge selon lequel personne ne peut changer ». Cette volonté de réhabilitation des personnes, de restauration de la dignité des enfants de Dieu que nous sommes, éclaire tous les gestes et toutes les paroles du Saint-Père. Commentant le lavement des pieds de ses disciples par Jésus, François a insisté auprès des détenus sur « un regard qui n’est pas scandalisé par la poussière ramassée au long du chemin, mais qui veut nettoyer, guérir et restaurer ». Voilà sans doute la clé de l’enseignement délivré par le Pape, avec simplicité et cohérence.
Il s’est adressé à tous, aux petits et aux grands, en témoignant à chacun de la même tendresse et de la même attention, persuadé que « le mal n’a jamais le dernier mot, et que, dans le plan miséricordieux de Dieu, l’amour et la paix triomphent de tout ».
Atteindre l’idéal de la fraternité universelle
« Nous savons que les choses peuvent changer », avait-il affirmé à la Maison Blanche mercredi dernier, citant son encyclique Laudato si’ , se déclarant désireux de soutenir les efforts afin de sauver la « maison commune », « d’amender les relations rompues » et « d’ouvrir de nouvelles portes à la coopération au sein de notre famille humaine ».
Jeudi, devant les élus du peuple américain réunis à Washington, au Congrès des Etats Unis, grande première pour un successeur de Pierre, il a cité la règle d’or commune à toutes les traditions spirituelles – ne fais pas aux autres ce que tu ne veux pas que l’on te fasse – pour réclamer l’abolition de la peine de mort, la fin du commerce des armes, et plus largement appeler de ses vœux une « culture de la protection » dans une approche intégrale destinée à combattre toute forme d’injustice et de pauvreté.
Réveillant le rêve américain dans ce qu’il a de plus beau, François a donné en exemple des figures telles que Abraham Lincoln et Martin Luther King, mettant en valeur la liberté dans la pluralité et la non exclusion, se présentant d’ailleurs lui-même comme un fils d’immigrés. Provoquant l’émotion des élus jusqu’aux larmes, puis ovationné par la foule après son discours, au balcon du Congrès, il semblait être plus que jamais la conscience de l’humanité, touchant les cœurs pour initier des processus de changement bien au-delà des espaces institutionnels visibles.
Le lendemain, au siège de Nations Unis, à New York, dans les pas de Paul VI, de Jean-Paul II et de Benoît XVI, il a encouragé les chefs d‘Etat et de gouvernement à donner ensemble une « réponse juridique et politique appropriée au moment historique caractérisé par le dépassement technologique des frontières, et par le dépassement de toute limite naturelle de l’affirmation du pouvoir ». En clair il a demandé à l’ONU « des pas concrets et mesures immédiates » – au lieu de se contenter de « paroles vides qui servent d’excuse » – pour atteindre « l’idéal de la fraternité universelle » en régulant les prétentions et les intérêts qui menacent l’environnement et provoquent l’exclusion sociale ou économique.
Faisant référence au discours de Paul VI à l’ONU il y a 50 ans, il a souligné que « le vrai péril se tient dans l‘homme, qui dispose d’instruments toujours plus puissants », et a plaidé pour la prohibition des armes nucléaires, dans une « maison commune » qui puisse s’édifier sur « la compréhension d’une certaine sacralité de la nature créée ».
Dans une allusion directe aux attaques dont la famille est victime, il a condamné fermement la « colonisation idéologique » qui s’exerce à travers « l’imposition de modèles et de styles de vie anormaux, étrangers à l’identité des peuples et irresponsables ».
Les chrétiens ne sont pas « immunisés » contre les changements de leur temps
«Soutenir les institutions du mariage et de la famille en ce moment critique dans l’histoire de notre civilisation » étant le but originel de ce voyage, comme il l’avait exprimé devant le président Obama dès son arrivée aux Etats Unis, François a rejoint en fin de séjour les participants de la huitième Rencontre mondiale des familles, demandant aux nombreux évêques présents de « soigner les blessures de notre temps » avec affection.
Il a situé la religion dans le contexte consumériste actuel où le monde semble devenir un grand supermarché, exhortant les évêques à ne pas faire fi des changements sans précédent en cours dans la société contemporaine, avec leurs effets sur les liens familiaux. « Les chrétiens ne sont pas immunisés contre les changements de leur temps. Ce monde concret est là où nous devons vivre, croire et témoigner », a-t-il insisté, refusant de laisser le christianisme être « coincé dans un cercle vicieux » en raison du déséquilibre entre l’enseignement et l’engagement.
François souhaite que dans une « joyeuse familiarité avec Dieu », les pasteurs de l’Eglise, par leur style de vie évangélique, s’efforcent de « semer les graines de l’amour dans les sillons souvent tortueux », pour que « même une Samaritaine qui a eu cinq hommes qui ne sont pas ses maris découvre qu’elle est capable de témoigner ».
Cette liberté qui caractérise la conversion pastorale espérée, le Pape l’a à nouveau exaltée pendant la messe de clôture de la Rencontre des familles, évoquant « le vrai scandale intolérable » pour Jésus, qui consiste en « tout ce qui rompt ou détruit notre confiance dans l’œuvre de l’Esprit ! ». Fidèle à sa ligne d’ouverture qui n’est pas du goût de tous, il a martelé : « Dieu veut que tous ses enfants prennent part au festin de l’Evangile ».
« Emettre des doutes sur l’œuvre de l’Esprit, donner l’impression qu’il ne peut trouver place en ceux qui ne font pas partie de notre groupe, qui ne sont pas comme nous, est une tentation dangereuse », insista François, annonçant indirectement les débats du Synode d’octobre sur la famille.
Son message aux familles du monde aura finalement été de « vaincre le scandale de l’amour étroit, mesquin, enfermé sur lui-même », pour au contraire encourager tous les « petits signes d’amour » capables de « faire fleurir toutes les bonnes semences que le Père a plantées ».
« Puissions-nous tous être ouverts aux miracles de l’amour pour toutes les familles du monde », a souhaité de grand cœur le Pape lors de sa dernière messe aux Etats Unis. « Puissions-nous être tous des prophètes ».
Sur la photo qui illustre cet article vous pouvez voir une famille avec le Pape.
Les parents Walker, accompagnés de leurs enfants, sont partis de Buenos Aires en mars dernier, traversant – à bord de leur combi Wolkswagen – la plupart des pays d’Amérique latine, sans un sou, comptant sur la générosité des gens et leur sens de l’accueil… Ce couple a ainsi appris à ses enfants que le monde est plus grand que leur quartier, qu’il y a d’autres personnes avec qui partager, et que tout beau projet est possible s’il est porté dans l’amour. Ils ont réalisé leur rêve à Philadelphie : rencontrer le Pape en chair et en os.
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Encore merci François pour cette synthèse : nous voilà protagonistes dans l’actualisation en marche de l’antique prophétie …”Je mettrai ma loi dans leur coeur…..ils seront mon peuple”.
Magdeleine