« Courage, frères et sœurs ! Courage, Mère Église : retrouve ta fécondité dans la joie de la mission ! » (Pape François, 1er octobre 2019)
L’actualité redevient intense à Rome, avec le Synode des évêques sur l’Amazonie qui va durer tout le mois d’octobre, suscitant des polémiques orageuses. Certains craignent que, prétextant du manque de prêtres dans le vaste territoire amazonien, le Synode aboutisse à l’ordination sacerdotale d’hommes mariés dans l’Eglise catholique de rite latin. D’autres, ou les mêmes, reprochent au Pape de s’occuper davantage de la protection de l’environnement que de l’annonce de la foi et du salut des âmes. Des rumeurs de schisme circulent, concernant non seulement la frange conservatrice de l’Eglise, qui défend notamment la valeur inestimable du célibat sacerdotal, mais aussi touchant l’aile progressiste, avec les revendications échevelées de « l’Eglise d’Allemagne », riche économiquement mais désertée par les baptisés. De plus, ces derniers jours, le scandale financier qui a éclaté au Vatican donne des arguments aux adversaires du Pape François pressés de remettre en question l’efficacité de la réforme interne pour laquelle il a été élu en 2013. Plutôt que d’ergoter autour de ces thèmes que les médias mainstream agitent en semant la confusion pour miner l’unité de l’Eglise, essayons de comprendre ce que veut le Saint-Père, et cherchons à expliquer sa position autour de nous, dans une logique de fidélité cohérente avec notre appartenance à l’Eglise catholique.
« Est-ce que je sens en moi la certitude d’être un enfant de la compassion ? »
D’abord le Pape a créé, à la veille de l’ouverture du Synode, treize nouveaux cardinaux, marqués par leur engagement auprès des pauvres et dans le dialogue interreligieux, comme par exemple Mgr Michael Czerny, jésuite canadien, sous-secrétaire de la section pour les migrants et les réfugiés du Dicastère pour le service du développement intégral. Les saluant tous personnellement samedi dernier, après la messe du Consistoire dans la basilique Saint-Pierre, j’ai été frappé par leur attitude d’humble amour, et par un symbole : la croix pectorale de Mgr Czerny, taillée dans le bois d’une barque de migrants, signe d’une extrême compassion pastorale… C’est à cette compassion que le Saint-Père a appelé ses collaborateurs, durant l’homélie, rappelant que dans les Evangiles « la compassion du Seigneur n’est pas une attitude occasionnelle, sporadique, mais elle est constante, mieux, elle semble être la disposition de son cœur, dans lequel s’est incarnée la miséricorde de Dieu ». Jésus Rédempteur de l’homme est « Rédempteur dans la compassion ». « Il incarne la volonté de Dieu de purifier l’être humain malade de la lèpre du péché ; il est « la main tendue de Dieu » qui touche notre chair malade et accomplit cette œuvre en comblant l’abîme de la séparation », ajoutait le Pape, souhaitant que les hommes d’Eglise ne soient plus jamais des fonctionnaires et qu’ils se souviennent d’avoir été, les premiers, objet de la compassion de Dieu. « Nous pouvons nous demander : est-ce que je sens en moi la compassion de Dieu ? Est-ce que je sens en moi la certitude d’être un enfant de la compassion ? », a-t-il lancé, posant cette question plus largement à tous les disciples -missionnaires que nous sommes par la grâce reçue au baptême.
« On devient missionnaire en témoignant par la vie… C’est la vie qui parle »
Avec ce sixième consistoire du pontificat, les membres du collège cardinalice désignés par François sont les plus nombreux, et les non-européens majoritaires, ce qui laisse présager que son successeur – peut-être asiatique ou africain – sera certainement sur la même ligne missionnaire. Car c’est bien de la mission qu’il s’agit, au-delà des débats de sacristie qui occupent encore de façon stérile des groupes autoréférentiels plus papistes que le Pape. Si François veut changer l’eau du bain, il n’a aucune intention de jeter le bébé avec, pour reprendre une image populaire. Débarrassant l’institution ecclésiale des mondanités, il ne touchera pas aux sacrements de l’Eglise. Il se veut d’ailleurs gardien du trésor qu’est le célibat sacerdotal comme il l’a affirmé au retour des JMJ de Panama, en janvier dernier (« Je préfère donner ma vie plutôt que de changer la loi sur le célibat », avait-il déclaré en citant saint Paul VI). Son action pastorale se résume simplement à permettre aux plus lointains d’être rejoints par la grâce divine, dans l’esprit de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, sa sainte préférée dont il dit qu’elle nous montre le chemin, « elle qui – selon son expression – a fait de la prière le carburant de l’action missionnaire dans le monde ».
Durant la célébration des Vêpres vendredi dernier, pour le commencement de ce mois missionnaire, il a expliqué vouloir en faire « une secousse pour nous inciter à être actifs dans le bien, non des notaires de la foi ni des gardiens de la grâce, mais des missionnaires ». « On devient missionnaire en vivant comme des témoins : en témoignant par la vie qu’on connaît Jésus. C’est la vie qui parle », notait-il en soulignant que « les martyrs sont les premiers témoins de la foi : non par des paroles, mais par la vie ». Pour nous remettre en question par rapport au témoignage que nous donnons, et nous faire mieux comprendre que « l’omission, c’est le contraire de la mission », il a cité saint Alberto Hutardo, jésuite chilien canonisé par Benoît XVI, qui disait, à propos du péché d’omission: « Il est bon de ne pas faire du mal. Mais c’est mauvais de ne pas faire du bien ».
Un des passages de son homélie, donnée dans la Chapelle papale vendredi dernier, m’a profondément touché et je choisis ici de le citer entièrement : « Nous péchons par omission, c’est-à-dire contre la mission, quand au lieu de faire rayonner la joie, nous nous enfermons dans une victimisation triste, en pensant que personne ne nous aime et ne nous comprend. Nous péchons contre la mission quand nous cédons à la résignation : ‘‘Je n’y arrive pas, je ne suis pas capable’’. Mais comment ? Dieu t’a donné des talents et tu te crois pauvre au point de ne pouvoir enrichir personne ? Nous péchons contre la mission quand, en nous lamentant, nous continuons à dire que tout va mal dans le monde comme dans l’Église. Nous péchons contre la mission quand nous sommes esclaves des peurs qui immobilisent et nous nous laissons paralyser par le ‘‘on a toujours fait comme ça’’. Puis nous péchons contre la mission quand nous vivons notre vie comme on porte un poids et non comme un don, quand nous nous mettons au centre avec nos peines, à la place de nos frères et sœurs qui attendent d’être aimés ». Voilà qui est clair, et nous encourage à prendre notre place dans cette Eglise en marche, en sortie, missionnaire, « qui ne cherche pas des oasis protégées pour être tranquille » mais cherche à être sel de la terre et levain pour le monde, une Eglise qui sait que sa force est la force même de Jésus, « non pas l’importance sociale ou institutionnelle, mais l’amour humble et gratuit ».
Personne n’est donc exclu de la mission de l’Église et le Pape François qui aura bientôt 83 ans, nous interpelle personnellement, très directement, avec la simplicité d’un grand-père qui parlerait à ses petits-enfants : « Oui, en ce mois, le Seigneur t’appelle toi aussi. Il t’appelle, père ou mère de famille ; toi, jeune qui rêves de grandes choses ; toi, qui travailles dans une usine, dans une boutique, dans une banque, dans un restaurant ; toi qui es au chômage, toi qui es dans un lit d’hôpital… Le Seigneur te demande d’être un don là où tu es, comme tu es, pour celui qui est à côté de toi ; de ne pas subir la vie, mais de la donner, de ne pas te lamenter, mais de te laisser toucher par les larmes de celui qui souffre. Courage, le Seigneur attend beaucoup de toi ! Il attend aussi que quelqu’un ait le courage de partir, d’aller là où manquent le plus l’espérance et la dignité, là où trop de personnes vivent encore sans la joie de l’Évangile. “Mais où dois-je aller tout seul ?”. Non, ça ne va pas. Si nous envisageons de faire la mission avec les organisations commerciales, avec des plans de travail, ça ne va pas. Le protagoniste de la mission est l’Esprit Saint. C’est le protagoniste de la mission. Toi, va avec l’Esprit Saint. Va, le Seigneur ne te laissera pas seul ! En témoignant, tu découvriras que l’Esprit Saint t’a précédé pour te préparer le chemin ».
« Un amour brûlant envers Dieu et envers nos frères »
Le Synode – du mot grec qui signifie « marcher ensemble » – est donc à comprendre de façon mystique, dans la lumière de l’Esprit Saint. Dimanche, pendant la messe d’ouverture de cette assemblée universelle d’évêques, le Saint-Père a de nouveau insisté en martelant que « l’Église est toujours en route, toujours en sortie, jamais enfermée sur elle-même ». Il a comparé le don reçu par chaque évêque à un feu, « un amour brûlant envers Dieu et envers nos frères ». « Le feu ne s’entretient pas tout seul, il meurt s’il n’est pas maintenu en vie, il s’éteint s’il est recouvert de cendre. Si tout reste immobile, si ce qui rythme nos jours, c’est le « on a toujours fait comme ça », le don disparaît, suffoqué par les cendres des craintes et par la préoccupation de défendre le statu quo », a-t-il ajouté, invitant les participants à faire preuve d’inventivité dans la fidélité à la tradition vivante de l’Eglise, à « être fidèle à la nouveauté de l’Esprit… afin que ne s’éteigne pas le feu de la mission ». « Tant de frères et sœurs en Amazonie portent de lourdes croix et attendent la consolation libératrice de l’Évangile, la caresse amoureuse de l’Église », concluait-il.
Aux questions qui se posent actuellement, une réponse s’impose avant tout, c’est la fidélité au Pape. Le pape émérite Benoît XVI, dans sa grande sagesse, a d’ailleurs lui-même donné cette consigne aux nouveaux cardinaux venus avec François le visiter au monastère « Mater Ecclesiae », où il vit retiré en prière, au cœur des Jardins du Vatican.
Si nous prions avec force la Vierge Marie, dont le Cœur Immaculé triomphe de toutes les hérésies, ce Synode missionnaire placé sous la protection de saint François d’Assise ouvrira des voies de résistance à la grande apostasie et à la négation de la transcendance.
1 Comment
François, celui ci est un très bel article plein d amour et de vérité. La tienne est une très belle mission.
Merci. Tes écrits m intéressent toujours.