Je reviens de Lourdes où, avec une soixantaine d’amis de la chorale romaine Fideles et Amati, nous avons offert l'oratorio Aquerò aux habitants de la cité mariale et aux pèlerins présents, à l’occasion du 160ème anniversaire des apparitions. Ce spectacle sur la rencontre de Marie et de Bernadette, créé spécialement, fut un immense succès, avec près de 3000 personnes réunies au soir du 11 février, fête de Notre-Dame de Lourdes, quelques jours avant l’entrée en Carême. Ce grand moment de méditation autour du message marial continue de produire des fruits en nos cœurs, sur la route de Pâques, d’autant que les principales apparitions se sont déroulées justement pendant le temps du carême. C’est par exemple au lendemain du Mercredi des Cendres, le 18 février 1858, que Marie fit la promesse à Bernadette de la rendre heureuse, non pas selon les critères de ce monde mais de l’autre. « Avec le regard du coeur tourné vers la Grotte de Massabielle », selon l'expression du Pape à l'Angélus le 11 février dernier, réfléchissons donc à ce bonheur de l’autre monde qui peut commencer dès ici-bas, si - comme François nous y exhorte dans son message de carême - nous évitons de suivre les faux prophètes et acceptons de vivre personnellement le changement de sens à 180 degrés que les skieurs nomment « conversion ».
« Charmeurs de serpents », selon l’expression du Saint-Père, ces faux prophètes « utilisent les émotions humaines pour réduire les personnes en esclavage et les mener à leur gré ». « Que d’enfants de Dieu se laissent séduire par l’attraction des plaisirs fugaces confondus avec le bonheur ! Combien d’hommes et de femmes vivent comme charmés par l’illusion de l’argent, qui en réalité les rend esclaves du profit ou d’intérêts mesquins ! », fait-il notamment remarquer. François cite le discours sur la fin des temps prononcé par Jésus à Jérusalem, au Mont des Oliviers, annonçant une grande tribulation qui entraînera un refroidissement des cœurs, un manque d’amour généralisé, « à cause de l’ampleur du mal » (Matthieu 24,12).
« Dans sa description de l’enfer, Dante Alighieri imagine le diable assis sur un trône de glace ; il habite dans la froidure de l’amour étouffé », rappelle le souverain pontife de manière très évocatrice. « Demandons-nous donc : comment la charité se refroidit-elle en nous ? Quels sont les signes qui nous avertissent que l’amour risque de s’éteindre en nous ? », propose-t-il ensuite, dénonçant une nouvelle fois « l’avidité de l’argent », qui est « la racine de tous les maux » (1Tm 6, 10), suivie du « refus de Dieu, et donc du refus de trouver en lui notre consolation, préférant notre désolation au réconfort de sa Parole et de ses Sacrements ».
« Tout cela se transforme en violence à l’encontre de ceux qui sont considérés comme une menace à nos propres « certitudes » : l’enfant à naître, la personne âgée malade, l’hôte de passage, l’étranger, mais aussi le prochain qui ne correspond pas à nos attentes », explique le successeur de Pierre, décrivant également la création qui devient « un témoin silencieux de ce refroidissement de la charité » : « la terre est empoisonnée par les déchets jetés par négligence et par intérêt ; les mers, elles aussi polluées, doivent malheureusement engloutir les restes de nombreux naufragés des migrations forcées ; les cieux – qui dans le dessein de Dieu chantent sa gloire – sont sillonnés par des machines qui font pleuvoir des instruments de mort ».
Que faire avant qu’il ne soit cette fois vraiment trop tard ? François nous indique trois remèdes : la prière, de l’aumône et du jeûne.
Avec la prière notre cœur peut découvrir « les mensonges secrets par lesquels nous nous trompons nous-mêmes », et nous ouvrir à « rechercher enfin la consolation en Dieu », lui qui est notre Père et veut nous donner la vie.
« La pratique de l’aumône libère de l’avidité et aide à découvrir que l’autre est mon frère : ce que je possède n’est jamais seulement mien », souligne le Pape, souhaitant que l’aumône puisse devenir pour tous « un style de vie authentique » à l’exemple des premiers chrétiens qui partageaient leur biens et mettaient tout en commun.
« Le jeûne enfin réduit la force de notre violence, il nous désarme et devient une grande occasion de croissance », note le Saint-Père, faisant remarquer que « le jeûne nous rend plus attentifs à Dieu et au prochain » et « réveille la volonté d’obéir à Dieu, qui seul rassasie notre faim ».
Ainsi il nous convoque largement, le vendredi 23 février, à une journée de prière et de jeûne pour la paix. « Je voudrais que ma voix parvienne au-delà des confins de L’Église catholique, et vous rejoigne tous, hommes et femmes de bonne volonté, ouverts à l’écoute de Dieu », désire-t-il, lançant un appel universel. « Si vous êtes, comme nous, affligés par la propagation de l’iniquité dans le monde, si vous êtes préoccupés par le froid qui paralyse les cœurs et les actions, si vous constatez la diminution du sens d’humanité commune, unissez-vous à nous pour qu’ensemble nous invoquions Dieu, pour qu’ensemble nous jeûnions et qu’avec nous vous donniez ce que vous pouvez pour aider nos frères ! ».
Les paroles de ce message de carême nous encouragent car « s’il nous semble parfois que la charité s’éteint dans de nombreux cœurs, cela ne peut arriver dans le cœur de Dieu », lui qui « nous offre toujours de nouvelles occasions pour que nous puissions recommencer à aimer ».
Il y aura en particulier l’initiative des « 24 heures pour le Seigneur », dans tous les diocèses, destinée à célébrer le sacrement de la réconciliation pendant l’adoration eucharistique, les vendredi 9 et samedi 10 mars. Notons d’ores et déjà cette date importante dans notre agenda. Puis, nous dit encore François, « au cours de la nuit de Pâques, nous vivrons à nouveau le rite suggestif du cierge pascal : irradiant du « feu nouveau », la lumière chassera peu à peu les ténèbres et illuminera l’assemblée liturgique », « afin que tous nous puissions revivre l’expérience des disciples d’Emmaüs : écouter la parole du Seigneur et nous nourrir du Pain eucharistique permettra à notre cœur de redevenir brûlant de foi, d'espérance et de charité ».
Est-ce que finalement ce n’est pas de notre changement de cœur – demandé par la Vierge dans tous les lieux où elle apparaît - que dépend, de proche en proche..., l’avenir du monde ?