Travaillant à l’écriture d’un nouveau livre sur une sainte très aimée, je ne consacre pas assez de temps à ce blog, cependant il me faut revenir sur des faits récents qui marquent le pontificat du Pape François et nous encouragent à l’espérance, chers amis, malgré le triste état d’un monde en perte de repères où les relations entre les personnes deviennent de plus en plus « liquides ».
Nous sommes invités, en cette Année de la Miséricorde, à répondre à l’extrême vulnérabilité – qui caractérise la vie de chacun – par l’extrême amour dont témoignent les cicatrices du Christ Ressuscité. Le danger qui nous guette pourtant est de fermer nos cœurs, en raison de la peur que fait régner le chaos international, et de chercher des fausses sécurités idéologiques conduisant tout droit dans la tanière du loup.
Regardons et écoutons François qui veut nous éviter ce piège, ne cessant de nous appeler à sortir de nous-mêmes pour aller à la rencontre des autres, comme Marie, elle qui partit en hâte pour venir en aide à sa cousine Elisabeth. « Marie n’a pas d’hésitations, parce qu’elle est courageuse, donc elle se lève et va, sans trouver des excuses comme Non, je suis enceinte , ou Je suis la reine du monde, parce que le Roi vient à moi … Dieu est dans le service, Dieu est dans la rencontre, si on apprenait cela, comme changerait le monde », disait le Pape en la fête de la Visitation, nous proposant d’adopter ce « style de Marie », cette liberté intérieure à l’écoute des motions du Saint Esprit. François nous a fait remarquer aussi quelques jours plus tard, commentant le premier miracle accompli par Jésus, aux noces de Cana, que les dernières paroles de Marie dans l’Evangile constituent son « héritage confié à nous tous », celles où elle dit aux serviteurs « Tout ce qu’il vous dira faites-le », désignant Jésus et faisant écho aux paroles du peuple d’Israël au Sinaï, « Tout ce que l’Eternel a dit, nous le ferons » (Exode 19,8).
Cette capacité à se laisser surprendre par la brise légère de l’Esprit tout en écoutant fidèlement la parole de Dieu – qui se donne de façon vivante dans les sacrements – devrait être notre manière d’être en Eglise, et c’est justement l’objet d’une lettre récente de la Congrégation pour la doctrine de la foi aux évêques sur « la relation entre dons hiérarchiques et charismatiques ».
Il s’agit de dépasser une stérile dialectique opposant l’institution ecclésiale aux groupes ciblant le radicalisme de l’Evangile, afin de servir ensemble la vie et la mission de l’Eglise selon une heureuse synthèse, pour le bien du monde : tel est en résumé l’objet de ce document signé le jour de Pentecôte et intitulé L’Eglise rajeunit .
Favoriser l’insertion efficace des dons charismatiques dans la vie de l’Eglise
Mgr Piero Coda, membre de la Commission théologique internationale, qui présentait cette lettre aux côtés des cardinaux Gerhard Ludwig Müller et Marc Ouellet – respectivement préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi et de celle pour les évêques – a expliqué la relation des « dons hiérarchiques » et des « dons charismatiques » en termes de complémentarité, décrivant une synergie entre la continuité sacramentelle de l’Eglise et les réalités que fait surgir l’Esprit à travers les ordres et les mouvements religieux au long de l’histoire des hommes.
Dans la dynamique du Concile Vatican II, saint Jean-Paul II parlait de la coessentialité de ces dons, signifiant qu’il n’y a pas de contraste entre la dimension institutionnelle et la dimension charismatique de l’Eglise, dont les mouvements de laïcs sont une expression.
Pas d’opposition, pas de juxtaposition : les évêques sont appelés par le Pape François au « respect des particularités charismatiques des associations ecclésiales particulières » – en évitant par exemple des montages juridiques forcés qui atrophiraient leur nouveauté – et à favoriser leur insertion efficace pour que la réalité charismatique ne soit pas conçue de manière parallèle à la vie ecclésiale (n.23 de la lettre).
L’intégration progressive de cette dimension charismatique, tant souhaitée par saint Jean-Paul II au nom de la nouvelle évangélisation, est parfaitement illustrée par les deux derniers papes qui ont pris les noms de Benoît et de François, en référence à des figures charismatiques qui à des époques différentes ont ramené l’Eglise à sa source évangélique.
Le coeur de chaque chrétien n’est-il pas l’Eglise en miniature ?
François, désireux de mettre en lumière cette place essentielle des dons charismatiques pour le renouveau de l’Eglise, vient de transformer la mémoire de Marie Madeleine en fête liturgique, par un décret de la Congrégation pour le culte divin, élevant la pécheresse repentie – premier témoin de la résurrection – au même rang que les apôtres.
Mieux que le diaconat féminin, qui serait une cléricalisation supplémentaire des laïcs, c’est une vraie place pour les femmes qui est nécessaire au cœur de l’institution ecclésiale, dans les processus de décision, sans que pour cela l’ordination soit nécessaire, comme l’a signifié le mois dernier le Pape en s’adressant aux supérieures générales des congrégations de religieuses.
Cette réforme dans la réforme, préparée par le Conseil des neuf cardinaux, se manifestera probablement avec le nouveau grand dicastère dédié aux laïcs, à la famille, et à la vie, dont le numéro deux pourra statutairement être un laïc – ce qui est nouveau à la Curie romaine – et éventuellement une femme.
Il y va sans doute de l’avenir de l’Eglise catholique confrontée partout au développement d’autres Eglises issues de la Réforme protestante, notamment évangéliques, où les baptisés ont pleinement part aux responsabilités pastorales.
En attendant François continue d’exhorter les fidèles à prendre leur part à la transformation de la société, comme il vient de le faire au Jubilé des personnes malades, parlant du « vrai sens de la vie qui comporte aussi l’acceptation de la souffrance et de la limite », et demandant que grandisse la solidarité entre les hommes dans un monde qui ne devient pas meilleur parce qu’il est composé de personnes apparemment « parfaites ».
Lors de sa visite au siège du Programme Alimentaire Mondial (PAM), lundi 13 juin, il a déclaré que « quand il s’agit d’aider ceux qui souffrent cruellement, personne n’est de trop ni ne peut se contenter de présenter une excuse, en pensant que c’est un problème qui le dépasse et qui ne le touche pas ». Et face aux horreurs du non respect de la vie de sa conception à sa mort naturelle, plaies d’une société égoïste, sans idéal ni futur, il ne cesse de souligner chaque fois que possible que « l’objection de conscience est un droit, un droit humain », un droit que les baptisés trouvent la force d’exercer quand ils accueillent en eux la liberté de l’Esprit Saint. Le coeur de chaque chrétien n’est-il pas d’une certaine façon l’Eglise en miniature?