Il y a 20 ans sept moines de l’Atlas donnaient leur vie

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Nous faisons mémoire ce 21 mai 2016 des 20 ans du martyre des sept moines de Tibhirine, que j’ai eu la grâce de connaître en Algérie, durant mon enfance et mon adolescence.
Pour le premier anniversaire de leur enlèvement, mon confrère Bruno Chenu, alors rédacteur en chef de La Croix , qui connaissait bien mon histoire, me demanda un témoignage dont il publia de larges extraits dans l’édition des 23 et 24 mars 1997.
Il s’agit d’une lettre écrite comme un hommage d’espérance à ces hommes de Dieu qui ont ouvert un lumineux chemin de rencontre entre musulmans et chrétiens. Je m’adresse à eux sur le ton de l’amitié spirituelle qui nous lie toujours, dans la communion des saints :Christian, Célestin, Christophe, Bruno, Paul, Michel, Luc: vous êtes extraordinairement présents en nos coeurs depuis le 27 mars dernier, date de votre enlèvement par des hommes de la nuit. C’était à l’approche de Pâques, en la fête de saint Habib, prénom qui signifie Aimé en arabe… Apprenant le drame de Tibharine – j’écris ce mot comme nous l’avons toujours prononcé – j’ai subitement revu vos pieds nus dans des sandales de peau, image forte qui parlait tant à mes yeux d’enfant lorsque nous venions prier avec vous dans la chapelle de Notre-Dame de l’Atlas. Je devinais alors très intuitivement la radicalité du choix de vie que vous aviez fait. Vous étiez pour nous source d’énergie spirituelle et nous formions ensemble une famille d’Evangile, petite communauté chrétienne prenant ouvertement le parti de l’amour…
Vous m’avez donné de connaître l’Eglise telle qu’elle est sans doute dans le coeur de Dieu: jeune et belle, servante et pauvre. Vous m’avez aussi aidé à ne jamais la confondre avec le cléricalisme de droite ou de gauche qui est à l’Eglise ce que le gui est au chêne: un parasite! Voilà pourquoi je l’aime malgré tout ce que j’ai pu en voir depuis.
Consterné par certaines déclarations télévisées intempestives adressées en direct aux « musulmans » à l’annonce de votre mort, je me suis réfugié dans un silence douloureux, méditant sans cesse le magnifique testament de Christian(…)
Pendant près de deux mois que dura votre captivité, je ne pouvais imaginer le pire… Qui avait intérêt à vous faire disparaître, sinon ceux pour qui votre présence était insupportable? Car enfin, entre ceux de la plaine et « les autres », vous refusiez de choisir un camp. Vous compreniez de l’intérieur les souffrances du peuple algérien, otage désespéré de calculs les plus sordides. Vous n’étiez pas dupes, pas plus que mon ami Pierre Claverie – l’évêque d’Oran tué lui aussi – et vous répétiez à la manière des prophètes que l’harmonie sociale suppose la justice. « Le Christ a tant aimé les Algériens qu’il a donné sa vie pour eux, et les nôtres à sa suite »: vous êtes l’honneur de l’Eglise, et peut-être aussi de la France, et la force de votre témoignage nous invite au courage de la vérité pour le service de la fraternité universelle.
Agneaux égorgés, martyrs de l’espérance, vous évoquez désormais pour nous les sept « candélabres d’or » au milieu desquels marche le Christ, selon l’image offerte au début du second chapitre de l’Apocalypse.
Je crois qu’une Algérie nouvelle naîtra du coeur transpercé de Tibharine, petit Nazareth devenu Golgotha lumineux où le Dieu proche rejoint toute souffrance humaine pour l’habiter et lui donner sens. « Qu’ils sont beaux, sur les montagnes, les pieds du messager qui annonce la paix »… (Isaïe 52,7).

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